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sible. Le séparatisme, sous quelque forme qu'il fût préconisé, administratif ou politique, lui paraissait une monstruosité anti-scientifique.

Les difficultés soulevées à propos des deux langues nationales provenaient, à son avis, de l'indifférence railleuse de trop de membres des classes aisées vivant en Flandre, à l'égard de la langue de ce pays, bien plus que d'une réelle opposition entre Flamands et Wallons. Les soi-disant savants allemands, eux dont la subjectivité est sans cesse exacerbée par des préoccupations d'intérêt et de domination, ont essayé, malhonnêtement, de faire éclore et mûrir la passion séparatrice entre Belges. Ce seul fait ne condamne-t-il pas la transformation qu'ils ont imposée, durant leur dictature maudite, de l'Université de Gand en université exclusivement flamande? Mansion aimait à invoquer l'exemple de ses collègues wallons et le sien; tous s'étaient assimilé la langue flamande à des degrés divers. N'avait-il pas, lui, Wallon de vieille race, connaissant son dialecte, épousé une Flamande de plus ancienne race encore, aimant et pratiquant la belle langue littéraire de sa petite patrie? Leurs enfants ne parlent-ils point et n'écrivent-ils pas habilement les deux langues nationales? Pareille fusion après semblable union, est-elle donc si difficile, si extraordinaire, si rare? Il croyait fermement avec Kurth dans le mémoire superbe, trop oublié, sur la Nationalité belge, avec les esprits jugeant de haut, que la solution du problème linguistique belge se trouve dans le bilinguisme universitaire aussi bien que scolaire, confié au bon sens traditionnel et aux libertés de la grande Patrie. Le plus gravement mutilé à la guerre, a-t-on dit, en Europe et aux États-Unis de l'Amérique du Nord, c'est le bon sens. Mansion usait de ce don rare pour présenter respectueusement cette observation : le fossé est beaucoup plus large, plus profond, en Flandre et Wallonie, entre croyants et incrédules qu'entre Fla

mands et Wallons. Pourquoi certains disciples du doux et divin Maître des langues et des sciences ne vouentils pas leur carrière sacerdotale à combler les abîmes de l'incrédulité plutôt qu'à creuser, hélas! de leurs propres mains, un sillon entre les deux langues nationales? Est-ce peur de la France? Elle vient de leur répondre par des votes intelligents.

Dans la pensée de Mansion, la Belgique excite les convoitises des grandes et petites Puissances qui l'entourent. Craignant qu'elle n'en devienne la victime, il repoussait énergiquement, bien avant la guerre, la politique mesquine des patriotes lésinant sur les dépenses militaires. Comment concevoir, s'écriait-il longtemps avant 1914, qu'on économise imprudemment des sommes destinées à la défense nationale, quand un ennemi triomphant peut, en quelques jours, imposer à la patrie des contributions incomparablement supé

rieures ?

Notre ami souffrit beaucoup durant l'horrible guerre. Il était déjà si malade qu'il ne parvint pas, comme il l'eût tant désiré, à acclamer notre héroïque armée, le Roi loyal, intrépide, victorieux, la Reine parée des grâces de l'intelligence et du cœur, les Princes et la Princesse, joyaux de l'écrin belge.

Nous pûmes le revoir, avant 1919, une seule fois, le 4 avril 1916; alors, la ville de Gand n'était pas encore englobée dans la sinistre étape. Enfin, le 1er avril 1919, nous vînmes l'embrasser. Ce fut la dernière fois. Il était encore au rez-de-chaussée, dans la chambre de famille, assis, fort amaigri, dans son fauteuil. Il voulut nous parler longuement, devant sa femme. Lui qui avait le verbe vif et facile, s'exprima à voix basse, très péniblement. Après nous avoir dit son désir que le Conseil de la Société scientifique choisît Charles de la Vallée Poussin pour lui succéder au Secrétariat général, il nous entretint d'une difficulté particulière

qui lui tenait à cœur et pour la solution de laquelle il invoquait notre intervention. Nous la lui promîmes. Cela réussit. Il en fut satisfait. Puis, il ne s'occupa plus que de se préparer à la mort. Il s'endormit très pieusement, dans les bras du Seigneur, entouré de tous les siens, à Gand, le 10 avril 1919. Il fut inhumé à Deurne-lez-Anvers, dans le caveau de famille. Au service funèbre célébré en l'église Saint-Nicolas, sa paroisse, assista une foule recueillie. On y remarquait Sa Grandeur Mgr Seghers, Évêque de Gand, le comte de Kerkove d'Exaerde, Gouverneur de la Flandre Orientale, M. E. Braun, Bourgmestre de Gand, MM. Pirenne et Fredericq, ces héroïques et savants professeurs de l'Université, avec nombre de leurs collègues, le premier Vice-Président de la Société scientifique de Bruxelles et le nouveau Secrétaire général M. Ch. de la Vallée Poussin, Professeur à l'Université de Louvain, le R. P. Willaert, Secrétaire, bien d'autres autorités. M. Witz, Professeur à l'Université de Lille, Président de la Société scientifique, retenu à l'étranger, avait dû se faire excuser.

Ces lignes, cher, bien cher ami, sont une esquisse imparfaite de ta belle vie d'homme, d'époux, de père, de chrétien miséricordieux et généreux, de grand citoyen. Laisse-nous tempérer nos regrets par la douce confiance que tes jours éternels continuent merveilleusement ceux remplis ici-bas avec tant d'humilité, de fidélité et d'amour envers Dieu. A toi, s'appliquent adéquatement ces paroles des Livres Sapientiaux rappelées en ton souvenir pieux : « Combien est grand celui qui a trouvé la sagesse et la science! Mais rien ne surpasse celui qui craint le Seigneur » (1).

(1) Eccli. XXV, 10.

LAGASSE DE LOCHT.

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