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VARIÉTÉS

I

LE TREMBLEMENT DE PROVENCE
ET LA THEORIE

DES TREMBLEMENTS DE TERRE

En étudiant le tremblement survenu l'année dernière en Provence (1) et comparant les observations que j'ai pu recueillir à celles mentionnées dans les ouvrages publiés sur les tremblements de terre, j'ai reconnu la grande ressemblance qui existe entre les tremblements de terre qui se produisent en des régions du globe terrestre excessivement éloignées les unes des autres ; mais en même temps j'ai vu combien les théories imaginées pour expliquer ces phénomènes sont encore incertaines et discutées et je me suis convaincu que, le tremblement de terre étant un phénomène complexe qui tient à la fois de la géologie et de la mécanique, le géologue court risque de s'égarer dans son explication s'il ne tient compte que des circonstances géologiques, de même que le mathématicien qui étudie ce phénomène d'après des tracés de séismographes et sans tenir compte des données de la géologie, peut être conduit à des résultats erronés.

Le tremblement de Provence présente sur d'autres certains avantages pour l'étude de ces phénomènes. La région où il s'est produit est entièrement accessible sans difficulté, elle ne se trouve pas comme ailleurs en partie sous la mer. Elle est en

(1) Ce violent tremblement de terre s'est produit le 11 juin 1909, à quarante kilomètres au nord-ouest de Marseille, dévastant la région comprise entre les villes de Salon et Aix dans le département des Bouches-du-Rhône.

grande partie couverte de collines et sa topographie ainsi que sa géologie sont assez compliquées, mais des chemins de fer, des routes ou des sentiers la traversent en tous sens et la seule difficulté que rencontre celui qui veut l'étudier dans tous ses détails est la fatigue d'une journée de marche sous un soleil méridional. Sans atteindre l'intensité des plus grands séismes, ce tremblement a été très violent et si le nombre des victimes ne dépasse pas une centaine, cela tient principalement à ce qu'aucune grande ville ne se trouvait dans la région sinistrée; plusieurs gros villages ont été entièrement ruinés, leurs maisons, lézardées en tous sens, étant mises dans le plus pitoyable état.

En examinant les diverses observations faites dans ce tremblement de terre et les comparant à d'autres, spécialement celles mentionnées dans les ouvrages de notre collègue, le Comte de Montessus de Ballore, j'ai été frappé d'abord de l'action purement mécanique du tremblement de terre; cette action differe beaucoup comme intensité entre la région centrale et les régions éloignées mais, l'intensité mise à part, les phénomènes sont presque identiques au centre et au loin et, chose à remarquer aussi, ils sont les mêmes dans les couches géologiques et dans les murailles de nos habitations. Dans ces divers cas le tremblement de terre agit comme un choc violent qui frappe et pénètre tout ce qu'il rencontre, faisant ébouler les rochers, brisant les murailles, mais ces effets sont surtout désastreux là où il y a des défauts d'homogénéité, par exemple au contact de deux grosses pierres de taille dans les édifices et au contact de deux terrains différents dans les couches géologiques. De tout cela on peut déduire que le tremblement de terre consiste principalement dans l'onde séismique, c'est là son essence, sa partie principale.

Comment se développe cette onde, où prend-elle naissance? On discute beaucoup pour savoir si elle prend naissance en un point ou si elle provient du déplacement d'une région très étendue. Évidemment l'onde séismique ne peut prendre naissance en un point mathématique, mais la théorie qui voudrait que le tremblement de terre provint du déplacement subit d'une immense région comprise entre des cassures de l'écorce terrestre, me paraît prêter à de grosses difficultés. Le rôle de ces cassures, des failles, dans les tremblements de terre me paraît avoir été quelque peu exagéré et ce ròle peut être attribué, en grande partie au moins, à une influence mécanique. En effet, on ne comprend pas comment une étendue de pays de cent kilomètres et plus pourrait sed éplacer tout d'un bloc de quelques

centimètres, même de quelques mètres sous l'influence de la pesanteur ou de forces latérales; pour déplacer en bloc une telle masse, vaincre ses frottements, il faudrait une force si colossale qu'il se produirait un cataclysme effroyable. Le déplacement d'un mètre d'une masse de cent kilomètres de longueur, c'est-à-dire de un cent-millième de la longueur, serait un exemple de précision que nous ne pourrions produire que fort difficilement en petit avec des appareils très perfectionnés ; comment comprendre qu'il puisse se produire par le simple jeu des forces naturelles? D'ailleurs, lorsque nous avons dans le tremblement de terre un fait visible palpable, l'onde séismique, pourquoi détourner les yeux de ce fait pour les porter sur un déplacement que l'on constate à peine dans quelques cas exceptionnels? C'est donc à tort, à mon avis, que l'on tend à abandonner la théorie de l'onde séismique, avec sa notion de région centrale, pour une théorie qui attribuerait les tremblements de terre à des déplacements subits des couches géologiques. Toutefois je ne veux pas dire par là que le tremblement de terre doive être attribué nécessairement à un phénomène volcanique interne et ne puisse tenir à un craquement dans les couches géologiques. Il consiste essentiellement dans un dégagement d'énergie qui, de latente dans les profondeurs du sol, devient libre et se répand au loin sous la forme sensible de l'onde séismique; ce dégagement peut tenir à diverses causes chimiques ou physiques sans que les effets mécaniques que nous observons à la surface du sol soient sensiblement différents; il faut donc prendre grand soin de ne pas confondre ces effets mécaniques avec des causes géologiques. Ainsi on trouve dans le tremblement de Provence, et dans d'autres, que les terrains tertiaires supérieurs, tels que le miocène, ont été fortement agités, tandis que les terrains secondaires, par exemple le néocomien, ont eu moins de dégâts; d'où l'on est tenté de conclure que les terrains tertiaires ont été comprimés par suite du refroidissement progressif de l'écorce terrestre entre des massifs secondaires plus stables et d'étayer làdessus une théorie des tremblements de terre. Il me paraît plus logique d'admettre tout simplement que l'onde séismique agit différemment lorsqu'elle rencontre les terrains secondaires durs et homogènes ou ces terrains tertiaires, mélange de terre et de coquilles fossiles comme par exemple la mollasse marine, que l'on trouve sur une partie de la région dévastée en Provence. La preuve en est que les mêmes effets se remarquent partout,

dans tous les tremblements de terre, et soit dans la région centrale soit au loin. Dans la ville de Marseille, par exemple, éloignée de quarante kilomètres du centre du phénomène, certaines maisons n'ont rien ressenti, tandis que dans d'autres quartiers la secousse a provoqué une panique.

De même l'influence funeste des failles peut s'expliquer par l'obstacle qu'elles opposent au passage régulier de l'onde séismique. Toutefois il semble que les régions soumises aux tremblements de terre soient en général traversées par des failles et par conséquent que, outre leur action mécanique, ces cassures aient aussi une action géologique dans le phénomène. La région du tremblement de Provence est traversée par plusieurs failles sur lesquelles M. Paul Lemoine a attiré d'abord l'attention, mais cet auteur exagère probablement leur influence; et d'après la carte de MM. Repelin et Laurent, géologues marseillais qui ont étudié la région attentivement, quelques-unes de ces failles ne seraient pas aussi étendues qu'on l'avait d'abord supposé.

Donc, à mon avis, pour faire progresser la théorie des tremblements de terre il ne faut pas essayer de délimiter la région sinistrée autour de cassures de l'écorce terrestre, il faut étudier l'onde séismique avec soin et chercher d'où elle peut provenir tant par une étude mécanique que par une étude géologique du terrain; mais, comme l'a fait remarquer M. Repelin, cette étude géologique ne doit pas se borner à la surface, il faut étudier les couches profondes. En effet, si l'on peut expliquer le dégagement d'énergie qui produit l'onde séismique par un phénomène volcanique ou chimique interne, on peut aussi l'expliquer par un craquement de couches géologiques comprimées, analogue à ces petits tremblements de terre artificiels qui se produisent dans les mines par suite de la détente subite de l'élasticité des terrains creusés. Ces tremblements artificiels sont fréquents dans la région minière voisine de Marseille, autour des villages de Gréasque et Cadolive, ils ébranlent quelquefois une étendue de plusieurs kilomètres. Dans tous les cas, toute région géologique disloquée doit être favorable par ses cassures tant au passage de laves en fusion qu'à une détente élastique des terrains, et c'est probablement pour cela qu'il est si difficile de décider si un tremblement de terre provient d'une cause volcanique ou d'une détente de terrains comprimés. Dans la région provençale affectée par le sinistre du 11 juin 1909, se trouve une coulée de basalte provenant d'un ancien volcan tertiaire; cette coulée de lave ne se trouve pas au centre de la région sinistrée et ne parait III SÉRIE. T. XVIII.

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pas être intervenue directement dans le phénomène. Une abondante source d'eau chaude coule également sur le bord de la région sinistrée, dans la ville d'Aix.

Comme l'a dit M. Repelin, il faut étudier les couches géologiques profondes pour découvrir l'origine et la cause du tremblement de terre; l'origine des secousses se trouve, en effet, sous le sol à une certaine profondeur qu'il n'est pas facile de déterminer. Pour le tremblement de Provence, M. José Comas Solà trouverait soixante kilomètres de profondeur d'après un calcul basé sur le tracé du séismographe de Barcelone; quelqu'intéressant que soit ce calcul au point de vue théorique, une telle profondeur me paraît bien difficile à admettre, car de l'examen des lieux sinistrés ressort pour moi l'impression que l'origine de la secousse est à peine à une dizaine de kilomètres de profondeur. Je déduis cela de l'intensité relative du choc vertical et du choc horizontal; mais l'intensité des secousses est grandement influencée par la nature du terrain et les observations ne sont pas toujours précises, de sorte qu'il n'est pas facile de préciser exactement la profondeur.

Le choc vertical dans les tremblements de terre a donné lieu à de nombreuses discussions, on a nié son existence et surtout on nie souvent qu'il soit capable de projeter en l'air des objets. Je ne suis point de cet avis, les observations faites dans le tremblement de Provence montrent l'existence d'un choc vertical intense qui a projeté des objets ou des pierres à une hauteur de plusieurs centimètres, peut-être même de plusieurs décimètres. La raison invoquée contre la possibilité de ces projections ne me paraît pas valable: il faudrait, dit-on, une accélération supérieure à celle de la pesanteur et les tracés des séismographes n'indiquent jamais une accélération aussi grande. Ce raisonnement ne me paraît pas conforme aux lois de la mécanique, car pour projeter en l'air à une certaine hauteur un objet placé sur un support il faut lui communiquer non une accélération mais une vitesse déterminée, laquelle, dans un choc, peut dépendre de diverses circonstances, notamment de la masse et des propriétés élastiques du support sur lequel cet objet est placé.

Le choc vertical est un indice de l'origine profonde du tremblement de terre, il se rencontre violent sur un espace trop étendu et se propage trop loin pour pouvoir être attribué d'une manière générale à une réflexion de secousses horizontales sur des cassures de terrains inclinées. Mais l'existence d'une secousse verticale en un lieu donné ne prouve pas que l'origine du trem

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