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Quand peut-on dire qu'un être est adapté à un milieu nouveau pour lui? Qu'est-ce au fond que l'adaptation?

On entend par adaptation, le fait, pour un être vivant placé dans un certain milieu, d'avoir avec ce milieu un système d'échanges compatible avec la vie.

Un être dont le milieu ambiant vient à changer se trouve placé entre deux alternatives: la vie ou la mort. S'il résiste et continue à vivre, on peut dire qu'il s'est adapté; s'il meurt, nous concluons qu'il n'y a pas réussi. Ici encore, entre les deux extrêmes, il existe des intermédiaires; les uns supportent le changement plutôt mal que bien, et mettent beaucoup de temps à s'adapter; les autres s'adaptent au contraire facilement, et le milieu nouveau provoque chez eux des variations morphologiques qui peuvent être durables ou non, héréditaires ou non. C'est dans l'occurrence que se manifeste réellement une sélection et une survivance des plus aptes. Mais cette sélection n'est pas, comme le concevait Darwin, une cause agissante et déterminante; c'est plutôt le résultat de l'action des facteurs nombreux qui ont modifié le milieu et peuvent provoquer une variation, conséquence de l'adaptation.

Voyons maintenant ce que l'expérience a démontré de l'action de ces facteurs externes de variation, et tout d'abord, des facteurs mécaniques, tels que la compression, l'action du vent, des vagues, des courants d'eau.

Vous connaissez ces petits crustacés cirripèdes nommés Balanes, qui recouvrent les rochers littoraux et qui, dans notre pays, se rencontrent communément fixés sur l'écaille des huîtres et des moules. A l'état larvaire, ils mesurent à peine quelques dizièmes de millimètre et recouvrent le plus souvent tout un rocher comme d'un enduit. Les larves se fixent, se métamorphosent, grandissent, se gênent au fur et à mesure qu'elles s'arrondissent et se compriment mu

tuellement. Un bon nombre meurent certainement écrasées, mais les autres continuent de s'accroître en se déformant. Elles perdent leur contour arrondi et régulier au contact des obstacles qu'elles rencontrent ; à leur base c'est le rocher, sur leur pourtour ce sont leurs congénères qui s'opposent à leur accroissement. Il ne leur reste que l'espace supérieur pour s'accroître librement; aussi elles s'allongent, se contournent en tubes le plus souvent tordus. Elles sont donc manifestement déformées par la compression.

La végétation le long des dunes, le long des routes du littoral est maigre, naine, courbée dans le même sens. Sous l'action des vents dominants et violents, ces plantes, ces arbres sont soumis à une évaporation considérable; malgré leur voisinage de la mer, leur végétation souffre d'une pénurie d'eau, et ils restent nains. Ces modifications sont purement superficielles. Ces organismes se sont modelés aux circonstances de leur milieu, mais leur composition physico-chimique est restée la même, aussi leurs déformations n'ont rien de permanent et d'héréditaire.

De même les variations de forme de la coquille chez les mollusques appelés Patelles, seraient dues, selon Giard, à leur situation par rapport au mouvement des vagues.

Ces mollusques gastéropodes vivent sur les rochers et sur les falaises au bord de la mer. Ils sont sédentaires et peu mobiles dès qu'ils ont choisi leur emplacement. On les trouve sur leurs rochers, les uns fixés sur la face qui regarde la mer, les autres du côté opposé regardant vers la côte, sur le côté qui reçoit le choc des vagues aussi bien que sur le côté qui en est protégé. Or, les coquilles qui regardent la terre sont hautes et coniques, celles qui regardent la mer sont moins hautes et présentent des surfaces limitées par des arêtes. Celles qui se trouvent plus loin de la côte vers la mer et reçoivent

III SÉRIE. T. XXII.

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le choc des vagues d'une manière interrompue, sont complètement aplaties. Ces trois particularités correspondent bien au degré d'intensité de l'action des vagues et aux conditions de la résistance qu'y oppose l'animal. Les vagues qui tombent d'une manière presque continue sur les plus exposés, menacent de les entraîner : l'animal se fixe plus énergiquement au rocher et aplatit sa coquille, qui offre ainsi moins de prise à la vague. S'il est au contraire protégé par un rocher, il n'éprouve pas cette nécessité de s'aplatir, et la coquille devient haute et cylindrique.

Ces modifications individuelles ne sont ni fixées ni héréditaires, mais on est parvenu, en étudiant les moisissures, en les soumettant à des mouvements vibratoires d'intensité croissante, à changer entièrement le cycle de leur développement et à leur donner des caractères héréditaires.

On soumet des cultures de Mucor flavus à des secousses vibratoires continues, et voici les changements qu'on observe :

Ce champignon vit normalement sur les champignons vulgaires, les agarics, et son mycelium est ramifié et sans cloison. Après une durée variable de vibration, on voit les ramifications se resserrer, la membrane du mycélium s'épaissit, les cloisons naissent très nombreuses puis se séparent, les fragments se dissocient et donnent des espèces de fructification qui se divisent en spores semblables à des levures capables de fermentation.

Si le Mucor est soumis à l'action de 15 à 20 secousses à la minute, le mycélium se cloisonne dès le dixième ou le quinzième jour de la culture et est terminé entre le vingtième et le trentième jour. La transformation ne va pas plus loin. D'autres cultures secouées jusqu'à 60 fois par minute, se cloisonnent dès le second jour, les segments séparés sont abondants dès le troisième,

et ils sont complètement dissociés dès le quatrième jour. Les fructifications sont mûres vers le septième jour et les formes levures apparaissent le huitième.

Si l'on accélère encore le mouvement jusqu'à 120 secousses à la minute, dès le premier jour, les cloisons apparaissent, la dissociation s'opère le lendemain, et les levures sont formées le cinquième jour.

Mais le caractère le plus curieux de ces transformations, c'est qu'elles sont héréditaires, et se perpétuent pendant un grand nombre de générations successives. On peut bien, il est vrai, les ramener à la forme du mycélium primitif, mais seulement après un temps très long et par des moyens artificiels. Abandonné à lui-même, après ces secousses, le Mucor flavus garde ses caractères acquis pendant très longtemps; on peut donc produire une variation durable et héréditaire.

Examinons maintenant quelques modifications de nature chimique, consécutives soit à l'addition de substances nouvelles au milieu ambiant, soit à la suppression d'une substance habituelle au milieu.

Des modifications de cette nature ont été très frẻquentes au cours des temps géologiques, et continuent à se produire. Des lacs salés perdent peu à peu leur salure: telle la mer Baltique, presqu'entièrement isolée de l'océan, grâce à un apport continu d'eau douce. Des phénomènes inverses se produisent également. Des étres habitués à l'eau douce passent tous les jours dans l'eau salée ou dans des eaux saumâtres. On rencontre en Algérie, en Hongrie, en Lorraine à proximité de terrains riches en sels minéraux, des mares d'eau salée qui n'ont certainement pas une origine marine, et où pourtant une faune et une flore aquatiques abondantes vivent très à l'aise. On n'y rencontre ni l'iode ni le brome, comme dans les eaux marines, mais on y trouve parfois des proportions notables de sulfate de

chaux, de chlorure de sodium, d'alumine et d'oxyde de fer.

Dans ces mares salées, habitent des organismes que l'on rencontre dans la mer et dans les eaux douces, et d'autres qui n'ont aucun de leurs semblables dans la mer. Ces organismes sont certainement des êtres dulcicoles qui ont été entraînés dans la mer par les eaux continentales. Florentin en a fourni la démonstration expérimentale (1).

Frontania marina, est un protozoaire qui vit aussi bien dans les mares salées que dans la mer. Frontania leucas habite les eaux douces; il diffère peu de l'autre espèce, il est plus gros et chargé de grains verts de chlorophylle. Or, si l'on plonge Frontania leucas dans de l'eau progressivement salée, on voit la taille diminuer peu à peu, la chlorophylle disparaître, et l'animal prendre la forme du Frontania marina.

Il faut conclure, selon toute vraisemblance, que l'un dérive de l'autre.

Mais on a serré le problème de plus près, en opérant expérimentalement le passage de l'eau douce à l'eau de mer et réciproquement, et en se servant d'animaux mieux organisés que des infusoires ou des protozoaires.

Vous connaissez tous les Tubifex, ces petits vers rougeâtres qui s'étalent à la surface de toutes les eaux sales, sur la vase noire des berges de nos égouts. Quand on les transporte dans une eau saumâtre, on observe, dès la première génération, que leur coloration se fonce, les soies qui les terminent diminuent de nombre et de taille. A la seconde génération, toutes les soies ont disparu, la paroi du corps s'épaissit, et le corps lui-même se gonfle en une ampoule en son milieu.

L'étude des crustacés a fourni des résultats devenus

(1) Florentin, ANNALES DES SCIENCES NATURELLES, 1899.

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