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parut exorbitante dans un pays florissant, où le fléau du papier-monnaie était encore inconnu. Les personnes et les fortunes semblèrent menacées; la joie récente perdit beaucoup de sa vivacité. Sur ces entrefaites, arriva Suwarow. A la curiosité dont il fut l'objet, on eût dit que c'était un homme d'une autre espèce. Il assura l'archevêque qu'il venait pour faire refleurir la religion, replacer le pape sur son siége, rétablir les souverains dans tous leurs droits. Le peuple admirait tant d'amour pour le pape : on ne disait pas que Suwarow était schismatique. Les officiers municipaux vinrent le complimenter; le Russe leur répondit qu'il les voyait avec plaisir, et qu'il désirait seulement que leurs sentimens répondissent à leur langage. Le vieux Suwarow s'y entendait comme on le voit.

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Le général russe avait deux manœuvres à exécuter, selon le parti que prendrait son adversaire. La première, de faire un effort par sa droite, pour séparer Moreau de Masséna; la seconde, de passer le Pô, et de se porter rapidement sur la gauche, pour empêcher la jonction de Macdonald avec Moreau. Incertain d'abord des desseins du général français, Suwarow prit ses mesures pour l'une et l'autre opération. Il envoya deux fortes divisions, l'une sous Wukassowich dans le pays de Novare et de Verceil, l'autre sous Rosemberg dans les environs de Voghera. L'armée française se trouvait réduite à quinze mille combattans; la

ligne du Tésin, beaucoup trop étendue, n'était protégée par aucune forteresse. Moreau comprit qu'en voulant défendre cette position, il s'exposerait à une ruine complète. Il résolut donc de l'abandonner, et de continuer son mouvement rétrogade; mais de quel côté ? Voilà ce qui l'embarrassait. Devait-il conserver ses communications avec Masséna, qui se maintenait fortement en Suisse, ou se replier sur la rive droite du Pô, pour donner la main à Macdonald, à qui il avait envoyé l'ordre de partir de Naples, et de le rejoindre à marches forcées sur les bords de la Trebia? Moreau préféra ce second parti. Par quel motif ne se retira-t-il point directement à Gênes, en passant le Pô entre Pavie et Voghera ? Nous l'ignorons; à moins que ce ne fût pour déterminer les commandans des forteresses à faire bonne contenance. C'est pourquoi, après avoir visité Turin, et s'y être informé soigneusement, si les routes entre Gênes et Plaisance étaient praticables pour l'artillerie; rassuré contre les poursuites de l'ennemi, par le débordement extraordinaire des torrens du Canavez, il conduisit l'armée dans une forte position aux environs d'Alexandrie. Sa droite s'appuyait à cette place et au Tanaro, sa gauche à Valence et au Pô. De cette manière, il n'abandonnait pas entièrement la plaine, et se ménageait une route vers l'Apennin. Les confédérés bloquaient Peschiera, Pizzighettone, le château

de Milan et Mantoue. Peschiera et le château se rendirent après une courte résistance. Pizzighettone se défendit plus long-temps; mais le hasard voulut qu'une bombe tombât sur un magasin à poudre, et le fit sauter avec un horrible fracas. L'effroi que cet accident répandit dans la ville, obligea la garnison à se rendre. Restait au pouvoir des Français Mantoue, place beaucoup plus importante, investie par le général Kray, et avec elle toutes les forteresses du Piémont. Renforcés de tous les corps qu'ils avaient laissés devant les citadelles conquises, enhardis par l'insurrection générale des peuples en leur faveur, les alliés s'attachèrent à Moreau, dans l'intention de l'expulser de la position formidable qu'il occupait; mais ils se trompaient sur l'affaiblissement de Moreau et le découragement présumé des Français; et au lieu de les assaillir à la fois sur tous les points, pour en venir à une bataille rangée, ils se bornèrent à des attaques partielles, persuadés qu'il n'en fallait pas davantage pour déloger leur ennemi. Le 11 mai, un corps de confédérés, composé surtout de Russes, passa le Pô à Bassignana. Les Français marchèrent à sa rencontre, le rompirent, et le culbutèrent dans le fleuve. Le lendemain, les Impériaux repassèrent avec des forces plus considérables, et tombèrent vigoureusement sur les républicains. Ceux-ci redoublèrent d'efforts, mirent les ennemis en fuite, en tuèrent le plus grand

nombre, et noyèrent le reste. De quelle utilité pouvaient être ces mouvemens isolés? Nous ne le voyons pas quand on est sûr de vaincre avec toutes ses forces, il ne faut pas s'exposer à être vaincu, en n'en faisant agir qu'une partie.

Maître de Pizzighettone, Keim rejoignit Rosemberg sur la rive droite du Pô, donna l'assaut à Tortone, et s'en empara sans peine, les Français s'étant retirés dans la citadelle.

Après avoir échoué contre l'aile gauche de Moreau, les alliés voulurent essayer s'ils ne seraient pas plus heureux sur sa droite. Ils se présentèrent donc avec leur armée presque tout entière à SaintJulien, sur la route de Marengo, dans les environs d'Alexandrie; mais ils avaient à faire à un général expérimenté. Moreau pénétra leurs projets, et se tint immobile dans son camp. Suwarow dut penser alors à porter les plus grands coups sur la rive gauche du Pò. Le général républicain s'en aperçoit, traverse la Bormida, et se jette avec impétuosité sur les divisions de Keim et de Froelich, postées à Saint-Julien sous le commandement de Lusignan. L'action s'engage; les Français tiraient à mitraille; leur cavalerie chargeait avec fureur; ils allaient remporter la victoire, quand le hasard amena le prince Bagration avec des troupes fraîches sur le champ de bataille. Sa présence rétablit le combat, et contraignit Moreau à la retraite. Ce général se replia en effet; mais en bon ordre,

dans l'attitude de la menace, et alla reprendre sa forte position entre les deux fleuves. La mêlée fut sanglante pour les deux partis, qui s'attribuèrent également la victoire. Moreau prouvait ainsi qu'il n'était point encore abattu, et que les derniers malheurs ne lui avaient ôté ni sa présence d'esprit, ni son courage.

Cependant les difficultés croissaient pour le général républicain, et nécessitaient de sa part de nouveaux plans. Après avoir soumis le pays de Verceil, Wukassowich, accompagné du prince de Rohan, s'était avancé jusqu'aux limites du Cana

où il mettait tout en rumeur. Keim en faisait autant sur la rive droite du Pô, de sorte que le général français se trouvait débordé des deux côtés. De plus, les populations du Canavez, à la voix des prêtres et des moines, se levaient en masse contre les républicains. Mondovi, Fossano et Cherasco suivaient leur exemple. Ceva et Alba couraient aux armes; la première, sous un officier allemand d'une audace extraordinaire; la seconde, sous son évêque Pio Vitale, qu'elle avait nommé chef de l'expédition contre les Français et les démocrates du pays. Des actes d'une grande cruauté furent commis sous le commandement de ce prélat. La ville d'Asti elle-même, malgré le voisinage des troupes républicaines, envahie par les paysans armés, à l'instigation de quelques prêtres dont ils avaient reçu des instructions écrites, vit piller son

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