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suivant la connaissance qu'il avait des leurs. Dans le plus grand ombre de cas d'ailleurs, pour éviter de se prononcer, on suivra la méthode historique, faisant connaître ce qui a été dit et écrit sans prendre parti ni dans un sens ni dans un autre; on dira sur une théorie le pour et le contre, on exposera les doctrines sans les imposer. Rapporteurs fidèles, les auteurs mettront sous les yeux du lecteur les pièces du procès et auront trop bonne opinion de son intelligence pour se croire obligés de réfléchir pour lui. Ainsi se produiront avec avantage et dans tout leur jour les divers systèmes, sans exclusion, sans dogmatisme. Ce dernier sera réservé pour les vérités éternelles, incontestables, fondamentales pour notre espèce et qu'il est dans son intérêt de maintenir iné branlables. S'il se montre ailleurs, il sera d'accord avec les vues générales de l'ouvrage; et s'il ne l'était pas, si des opinions neuves, remarquables, curieuses à connaître, ne peuvent se produire autrement qu'en témoignant de la foi qu'elles ont en elles-mêmes, on ne leur en laisserait la faculté que sous toutes réserves et sans assumer sur les rédacteurs la responsabilité de ces idées*. Celles de l'ouvrage se retrouveront toujours dans les articles qui dominent une matière et qui assignent leur place et leur valeur à ceux d'un degré inférieur dans la classification.

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sur le terrain de notre propre ouvrage pour en faire l'application. On voudra savoir sans doute encore sur quoi enfin nous prétendons fonder notre unité de dira-t-on doctrines. Ne serait-ce pas, peut-être après avoir lu ce qui précède, sur un syncrétisme aveugle donnant raison à tout le monde, ou sur un scepticisme désespérant, pour lequel il n'y a de certitude nulle part? Ni sur l'un ni sur l'autre, grâces au ciel! L'unité de doctrines chez nous repose sur cet éclectisme si bien défini par l'un de nos collaborateurs dans l'article spécial consacré à ce mot, système qui combat une opinion extrême par l'extrême opposé, sûr de ne rencontrer la vérité ni à un bout ni à l'autre, mais au milieu, à égale distance de chacun. Entrons à ce sujet dans quelques détails et commençons par la religion. Quelques personnes, voyant sur la liste des auteurs les noms de plusieurs écrivains protestants, ont frapper juste en désignant notre ouvrage du nom d'Encyclopédie protestante : elles ne réfléchissaient pas qu'au même titre il serait une Encyclopédie catholique, puisqu'un évêque et d'autres membres du clergé catholique figurent sur la même liste. Le fait est que nous plaçons la religion au-dessus de ces distinctions d'églises, ainsi qu'on le reconnaîtra aux mots Foi et RELIGION; nous ne jurons ni par Luther ni par le concile de Trente, Ainsi, point de divergence d'opinions et nous nous servons du flambeau de la dans les choses fondamentales, point de raison pour juger en quoi consiste le contradiction même dans les détails, à vrai christianisme qui, bien compris, est moins que cette divergence ou cette con- sans aucun doute la vraie religion. Mais tradiction ne soit aussitôt justifiée ou en exprimant nos propres idées et nos expliquée dans les notes: cette condition propres sentiments dans les articles où il est essentielle; mais du reste tolérance nous paraît possible de dégager les véparfaite et parfaite liberté pour des rités éternelles de leur enveloppe histocroyances diverses, quand il serait témérique ou dogmatique, c'est pour nous raire de se prononcer en faveur de l'une à l'exclusion des autres.

Cette méthode étant celle que nous avons suivie, elle exigera quelques développements de plus, et elle nous fait descendre de la hauteur des généralités

(*) C'est aussi ce que nous avons fait pour un assez grand nombre d'articles dogmatiques dans an seus différent de celui que nous adopterions nous-mêmes. Tels sont par exemple les articles ASSOCIATION, ATOMES, ENSEIGNEMENT UNIVERSEL, etc.

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cru

un devoir de justice de mettre dans tout leur jour les différents systèmes religieux, et à cet effet nous en confions l'exposé à des hommes qui en parlent pertinemment et avec conviction. Car nous faisons profession de respecter les choses réputées saintes, à quelque culte qu'elles appartiennent, pourvu qu'au lieu de conduire à Dieu elles ne dépriment pas l'essor de notre âme ni n'en vicient les tendances morales. En philo

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« J'ai dit qu'il n'appartenait qu'à un « siècle philosophe de tenter une encyclopédie, et je l'ai dit parce que cet ou<< vrage demande partout plus de har« diesse dans l'esprit qu'on n'en a com<< munément dans les siècles pusillanimes « du goût. > Cette maxime de Diderot ne sera pas la nôtre; notre ambition n'est pas si haute et nous ne présumons pas autant de nos forces. Désormais tous les siècles sont philosophes, et la révision dont nous venons de parler se fait en dehors des encyclopédies.

sophie, nous repoussons le matérialisme | mal faite. Loin de nous toutefois la préet le sensualisme comme dégradants tention téméraire de réformer la science; pour l'espèce humaine; mais nous vou- mais l'esprit humain a secoué le joug de lons que le spiritualisme tienne compte l'autorité et la révision du travail des siède l'union intime du corps et de l'âme, cles est si avancée qu'il ne reste plus de l'action incessante d'un de ces prin- qu'à glaner dans ce champ où nous a decipes sur l'autre, et de leur combinaison vancés l'ingénieuse et laborieuse Allesouvent si étroite qu'il devient difficile magne. de faire à chacun sa part. En politique, nous plaçons en première ligne la dignité de l'homme dont la moralité est la base; nous croyons à la perfectibilité des états comme à celle des individus; nous aimons le progrès et la liberté, et nous sommes sûrs que l'action gouvernementale doit se retirer dans un cercle de jour en jour plus étroit devant la civilisation croissante des sociétés plus sûres d'ellesmêmes, moins sujettes à l'égarement. Mais aussi, nous nous gardons bien d'oublier que le progrès est une question de temps et que les fruits les plus doux sont ceux qui sont les plus longs à mûrir. Ce progrès, nous le voyons également dispensé à tous les peuples, mais à chacun suivant l'état de culture où il est arrivé. D'abord très lent à raison des ressources bornées, il avance dans une progression géométrique une fois qu'il a atteint un degré plus élevé. Pour nous, le salut des nations ne tient pas à certaines formes de gouvernement, car ces formes se règlent sur les besoins divers de chacune; nous ne le faisons pas dépendre non plus d'une constitution écrite, fût-elle la plus logique possible, car souvent l'usage vivace vaut encore mieux que la lettre morte de la loi écrite. A des situations différentes conviennent des moyens également différents; et si, comme Français, la Charte de 1830 a toutes nos sympathies, ce n'est pas que nous n'imaginions rien au-des

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On a dit de D'Alembert et de Diderot qu'ils ont élevé un monument entre le passé et l'avenir sur lequel tout le passé était écrit. Hélas! oui; au bout de vingt ans seulement c'était un passé bien accompli, à ce point que la nouvelle génération n'y vit plus que de l'histoire. Mais une immense catastrophe avait passé dessus en renouvelant la France. Le même sort nous sera-t-il réservé? Nous espérons qu'il n'en sera pas ainsi. Dix ans auront suffi pour achever notre ouvrage, et ce court intervalle n'aura pas permis qu'il vieillisse, comme tant d'autres, avant d'être à sa fin. Il arrivait d'ailleurs à la suite d'un événement historique décisif, la révolution de 1830, qui ne laisse pas craindre de longtemps une rénovation profonde. Sans doute ce livre ne marquera pas une ère nouvelle, mais au moins présentera-t-il cette nouveauté que, pour la première fois, l'étranger aura eu sa part dans les trophées qui décorent le monument et qu'il aura pu faire valoir ses titres dans ses différents idiomes sans crainte de rester incompris. Or la civilisation d'une époque est le produit mixte de l'activité morale, intellectuelle et même matérielle de tous les peuples policés. Tous n'y concourent point au même degré, mais aucun n'y reste tout-à-fait étranger. L'Égypte, la Grèce, l'Italie, l'Espagne, le Portugal,

ont primé tour à tour; aujourd'hui la France, l'Allemagne et l'Angleterre marchent en tête; il faut étudier avec le même soin leur état spécial de culture pour retracer le tableau de la civilisation européenne.

Jetons maintenant un coup d'œil sur les ouvrages qui, à différentes époques, et décorés ou non du titre d'encyclopédies, ont cherché à mettre l'ensemble de la science à la portée d'un nombre de lecteurs plus grand de siècle en siècle.

Chez les Grecs, Aristote était l'homme encyclopédique par excellence dans l'acception la plus commune du mot, puisqu'il embrassait et classait non-seule ment tout ce qui devait entrer dans l'éducation d'un homme libre, mais la science tout entière, dans l'état où elle était de son temps. Alors il était possible, même dans ce sens, d'être encyclopédique; car des milliers d'hommes ne s'étant pas encore adonnés à l'exploitation de la science, son cercle embrassait infiniment moins qu'aujourd'hui, et la vie d'un homme pouvait suffire à étudier les travaux de toute nature dont elle avait été l'objet. Chez les Romains, Varron et Pline l'Ancien étaient aussi des hommes universels. Deux ouvrages perdus du premier, l'un intitulé Rerum humanarum et divinarum antiquitates, l'autre Disciplinarum libri IX, paraissent avoir renfermé, à peu de chose près, la somme de toutes les connaissances alors répandues dans le monde; et personne n'ignore dans quelle large acception il faut prendre ce titre d'Historia naturalis donné par le second à un ouvrage vraiment universel, puisqu'on y trouve sur tous les sujets les plus précieux renseignements. Cependant l'Onomasticon de Julius Pollux (au 11° siècle av. J.-C.) et le recueil primitif de Jean Stobée (au ve siècle après J.-C.) avaient une plus grande analogie avec nos encyclopédies modernes, dont le dictionnaire de Suidas, grammairien du xe siècle, établit mieux encore le type général déjà ébauché au v° siècle dans le Satyve ricon de Martianus Capella (voy. CaPELLA), ouvrage singulier, mêlé de prose et de vers, et où sont réunies en un seul faisceau la grammaire, la dialectique, la rhétorique, la géométrie, l'astrologie, | Encyclop. d. G. d. M. Tome IX,

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l'arithmétique et la musique, qui compre nait la poésie. Or les sept sciences qu'on vient de nommer formaient à cette époque l'ensemble du savoir humain. Vincent de Beauvais fit, au x111° siècle, un pas de plus par son Speculum majus, dont la première édition (Strasb., 1473, 10 vol. in-fol.), compte parmi les livres d'une extrême rareté. Sous ce nom de Speculum et sous celui de Summa, le moyenâge eut véritablement ses encyclopédies; car on commençait alors à sentir que les sciences tiennent les unes aux autres, que c'est à leurs dépens qu'elles s'ignorent réciproquement, qu'il ne faut pas scinder l'esprit humain en casiers divers, mais que toutes ses facultés doivent se développer concurremment. Ce sentiment donna naissance aux universités, qui désignèrent d'abord une corporation de savants (universitas magistrorum et scholarium), mais dont on détourna le nom de son acception primitive lorsqu'on eut compris l'unité de la science. Il signifiait dès lors universitas litterarum, universitas rei litterariæ. Ce que les universités étaient dans la vie, les encyclopédies le devinrent, à leur exemple et par elles, dans la retraite, dans les livres. Mais de même que dans l'homme certaines facultés se développent aux dépens des autres et les dominent, de même aussi règna-til peu d'accord entre les facultés universitaires, réputées les unes fondamentales, les autres seulement auxiliaires et accessoires. Il y eut lutte entre elles jusqu'à ce que le grand Bacon (voy.), également versé dans toutes, vint y mettre fin en démontrant l'importance relative de chacune. A lui l'honneur du premier système scientifique, d'un essai hardi et heureux d'enchaîner les sciences entre elles et de les montrer indispensables les unes aux autres. Son arbre scientifique, contenu dans le livre célèbre De augmentis scientiarum, fit à cette époque une sensation difficile à comprendre aujourd'hui que les besoins de la vie mettent toutes les sciences à contribution, et dans un siècle qui dépense et use si vite toutes les idées qu'aucune n'a plus le droit de captiver longtemps l'attention publique. Ce livre De augmentis scientiarum, joint au Novum organon (1605 et 1620), est un mo

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portée de l'esprit humain.

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nument impérissable de la prodigieuse | On eut ensuite le Dictionnaire des arts et des sciences de Thomas Corneille, et Plus elle s'enrichissait de faits et d'i- plusieurs autres dictionnaires, tous à dées, plus la science, pour conserver son peu près oubliés aujourd'hui, sauf celui unité, avait besoin d'être réduite en sys- de Bayle, qui n'était qu'une biographie tème. Ce fut la gloire de Bacon de l'avoir par ordre alphabétique; mais on n'eut tenté; mais il le fit plutôt dans l'intérêt rien d'universel comme le lexique publié de la science que dans celui de la civili- par le libraire Zedler à Halle sous ce titre: sation en général, qui toutefois n'en pro- Universallexicon aller Wissenschaften fita pas moins. Il était à prévoir qu'on | und Künste, et qui, après celui de Iaappliquerait un jour aux encyclopédies blonsky, fut la première encyclopédie alson heureuse idée de l'arbre encyclopé-lemande disposée par ordre alphabétique. dique, peu compatible cependant avec C'est d'elle sans doute qu'a voulu parler l'incohérence de l'ordre alphabétique qui Diderot en disant : « Ce serait un oubli ne tarda pas à être en faveur. inexcusable que de ne pas se procurer la grande Encyclopédie allemande. » Cet immense ouvrage, aujourd'hui d'une faible utilité, forme avec les suppléments 68 volumes in-fol. ; 20 ans suffirent cependant pour le terminer (de 1732 à 1752). La mort de plusieurs rédacteurs en chef aurait sans doute porté le trouble dans cette entreprise colossale si l'habile éditeur n'avait su la maintenir dans la ligne où il l'avait tout d'abord placée. Un autre libraire, Varrentrapp à Francfort-sur-le-Mein, fut moins heureux dans une publication du même genre*, un peu moins complète cependant, mais plus régulière, mieux proportionnée et aussi plus savante. Commencée en 1778, elle eut 23 vol. petit infol. et s'arrêta en 1804 à la lettre K. L'encyclopédie de Krůnitz, ainsi nommée de son premier fondateur, avait été commencée quelques années plus tôt : cet ouvrage, très savant dans sa spécialité**, s'est en quelque sorte annulé lui-même; assez éloigné encore de la fin, bien qu'il remplisse à lui seul plusieurs rayons d'une bibliothèque, il lui aura fallu près d'un siècle pour se compléter.

Ainsi que nous l'avons déjà dit, le mot encyclopédie n'était pas en usage parmi les Grecs ni même parmi les Romains les uns et les autres se servaient cependant des mots science encyclique, qu'on trouve dans Athénée, comme dans Vitruve et dans Quintilien. En tête d'un livre et pour en former le titre, ce mot paraît, pour la première fois peut-être, en 1559, quand Paul Scalich* publia à Bâle son Encyclopædia, sive orbis disciplinarum tum sacrurum tum profanarum epistemon; puis de nouveau en 1583 dans une édition refondue du livre de G. Reisch, Margarita philosophica, édition qui, publiée aussi à Bâle, prenait ce titre: Habituum s. disciplinarum perfectissima Encyclopædia. Le même titre se retrouve fréquemment dans le xvII° siècle: il fut employé par Matthias Martinius et par Alsted; d'autres, comme Hoffmann et Moreri, à l'exemple de Robert et de Charles Estienne (v.), s'en tinrent au titre moins ambitieux de dictionnaire, et sous celui de Bibliothèque on commença en Italie sur une très vaste échelle une 'encyclopédie qui resta inachevée (Coronelli, Venise, 1701, 7 vol. in-fol. n'arrivant encore qu'à la lettre C)**. En France, Chevigny préluda, mais de fort loin, à une encyclopédie des gens du monde par l'ouvrage hien maigre intitulé: La science des personnes de la cour, de l'épée et de la robe, dont la 5o édition parut à Amsterdam en 1717 ( 4 vol. ).

(*) Voy. notre article CHAMBERS.

(*) Plus tard, l'Italie en eut une autre: Nuovo Dizionario scientifico e curioso, sacro-profano, de G. P. Pivati, Venise, 1746-51, 12 vol in-fol.

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En Angleterre, Ephraim Chambers (voy.) avait fait paraître dès l'année 1728 sa Cyclopædia, or a universal dictionary of arts and sciences, Londres, 2 vol. in-fol., recueil incomplet et médiocre, mais qui devint la base d'un monument littéraire et scientifique dont l'influence a été immense sur son siècle,

(*)Teutsche Encyclopædie oder allgemeines RealWarterbuch aller Künste und Wissenschaften.

(**) OEkonomisch-Technologische Encyclopædie, Berlin, 1773 jusqu'a ce jour, T. 1—159, in-8°,

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la grande Encyclopédie française, à la- | que le mérite littéraire n'était qu'un tort quelle nous devons nous arrêter encore de plus aux yeux des ennemis d'un ou un instant içi, après avoir déjà parlé de vrage qui ruinait leur crédit et leur son origine aux articles DIDEROT et puissance. Ne se bornant pas à s'annonD'ALEMBERT (T. VII, p. 456, et T. VIII, cer comme une œuvre philosophique, p. 166 et suiv.), et de ses prétentions comme une véritable déclaration de philosophiques dans la première partie guerre faite aux abus et aux préjugés, du présent article. l'Encyclopédie se montra exclusive en matière de doctrines elle imposa la philosophie, et non pas seulement la philosophie en général, mais sa philosophie à elle, esprit de doute et de fronde assez superficiel, substituant un bon sens vulgaire à ce qui devrait être le résultat de méditations profondes et de hautes abstractions. Militante, agressive dès le début, elle prit dans la lutte qu'elle eut à soutenir une acrimonie toujours croissante, et sa polémique ne fut pas sans violence. Elle brava l'Église, l'Université, la cour, les parlements, et tous ces pouvoirs se liguèrent contre elle, multipliant les censures, lançant les arrêts, fulminant même l'excommunication. Le gouvernement ne s'en tint pas vis-à-vis d'elle aux tracasseries suscitées par les censeurs : il mit des entraves à sa publication, menaça la liberté de ses auteurs et lassa par les dégoûts le courage de D'A lembert. Cependant, honteux bientôt de son rôle et cédant à l'opinion publique, plus puissante que les arrêts des parlements et les interdictions des évêques; voyant d'ailleurs Frédéric II et Catherine II offrir leur patronage à des hommes qui avaient cru honorer leur pays en y élevant un monument aux doc. trines, aux sciences et aux arts, le gouvernement, sous le ministère de Malesherbes, arrêta ses poursuites et toléra une publication qu'il n'avait pas la force de permettre. Il feignit de croire à son impression au-delà des frontières, quand tout le monde la voyait exécuter sous ses yeux et faire plus de bruit à Paris et dans toute la France que la guerre de SeptAns elle-même.

Il serait injuste de juger ce grand ouvrage avec nos idées et d'après nos besoins actuels s'il à vieilli si vite, c'est qu'il a été suivi à peu d'intervalle d'une rénovation sociale qu'il a puissamment contribué à amener sur la France, et cette gloire est assez belle pour tenir lieu de toute autre. Mais d'ailleurs l'ouvrage, considéré en lui-même, fut une conception gigantesque, exécutée avec ordre, avec supériorité, avec une persévérance digne des plus grands éloges. Diderot a pu dire justement que son Encyclopédie avait sur tout autre ouvrage, je ne dis pas de la même étendue, mais quel qu'il soit, composé par une société ou par un seul homme, l'avantage de contenir une infinité de choses nouvelles et qu'on chercherait inutilement ailleurs. » Renfermant en outre un grand nombre de morceaux du plus remarquable talent, il ne brillait pas moins comme composition littéraire que par la supériorité du jugement et par la hardiesse des opinions. La sévérité à son égard serait d'autant plus déplacée que ses auteurs ont rendu la tâche facile à ceux qui sont entrés après eux dans la même voie, et que nul ne dévoilerait aussi bien les imperfections de l'œuvre que ne l'a fait Diderot lui-même, avec une modestie surpassée seulement par la justesse et la finesse des remarques. Lui-même a fourni à ses adversaires tout un arsenal de critiques et de griefs à faire valoir. « J'examine notre travail sans partialité, dit-il; je vois qu'il n'y a peut-être aucune sorte de faute que nous n'ayons commise, et je suis forcé d'avouer que d'une encyclopédie telle que la nôtre il entrerait à peine les deux tiers dans une véritable encyclopédie. » Comment un pareil aveu ne désarmerait-il pas la critique? Et s'il n'a pas sauvé D'Alembert et Diderot des plus cruelles persécutions, c'est

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Voici le titre complet del'ouvrage : Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres, mis en ordre par Diderot, et, quant à la partie mathématique, par D'Alembert. Il en parut, de 1751 à 1772, 28 volumes

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