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quelle année il écrivit ses livres contre les gentils, et dom Ceillier, qui se livre là-dessus à quelques conjectures, croit que ce fut en 303 (965). Quant à ces livres, nous en avons sept, et l'on convient qu'Arnobe n'en composa pas un plus grand nombre. En voici quelques extraits qui en feront connaître le contenu.

II. Les païens disaient : « Depuis qu'il y a des Chrétiens dans l'univers, l'univers a péri. Arnobe leur demande en quoi la nature était changée ? « Le soleil, la lune, les étoiles, ne se lèvent-ils pas à l'ordinaire? la terre a-t-elle cessé de produire ses fruits? Parmi les hommes, a-t-on cessé de voir des familles, des royaumes, des empires? Ce sont les Chrétiens, dites-vous, qui attirent les pestes et les famines. Ce sont eux! D'où vient donc que le nom de ces fléaux est si ancien? d'où vient que les anciennes histoires en sont pleines ?-Ce sont les Chrétiens qui occasionnent tant de guerres ! Mais les guerres des Assyriens sous Ninus; mais la guerre de Troie; mais la guerre de Xerxès en Grèce; mais les guerres de ce jeune homme de Macédoine qui subjugua l'Orient; mais les guerres des Romains pour asservir l'univers: est-ce encore nous qui en avons été cause? Le fait est que, depuis qu'il y a des Chrétiens dans le monde, il y a moins de guerres et des guerres moins cruelles. Vous demandez d'où viennent ces maux. Mais, peut-être, ne sont-ce pas des maux véritables? Platon, le plus sublime des philosophes, ne dit-il pas que la ruine du monde en sera la régénération? »

On voit, par ce passage, que les païens accusaient les Chrétiens de tous les maux qui arrivaient dans le monde ; c'est-à-dire que tous les moyens, et surtout la calomnie, étaient bons pour les rendre odieux. Comme le peuple n'aurait pas compris les raisonnements philosophiques contre la religion nouvelle qui venait s'emparer des âmes, on trouvait plus facile de lui attribuer les malheurs privés et publics: argument commode qu'emploient toujours les dominateurs près de leur ruine, et qui sentent que, quelque chose d'irrésistible et de plus fort que leurs doctrines impuissantes va leur succéder! On remarquera encore ici cette déclaration d'Arnobe, que depuis qu'il y a des Chrétiens dans le monde, il y a moins de guerres et des guerres moins cruelles. C'est qu'en effet le christianisme devait produire cet effet salutaire, et plus il pénétrera dans les sociétés, plus il tendra à diminuer ces carnages d'hommes et à rendre odieux le règne de la force. Arnobe continue:

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Dans les plus grandes cités, on rend un culte à d'anciennes prostituées; ailleurs, on élève des temples magnifiques à des chats, à des scarabées qui fouillent l'ordure, et vos dieux ne s'en fâchent pas. Mais ils se fâchent, dites-vous, parce que nous adorons le Dieu souverain, le Père universel, par qui tout existe, et eux-mêmes, si pourtant iis existent!

Mais, dira quelque furieux, ce Dieu Ini-même existe-t-il? Quant aux hommes, s'il en est qui nient ou qui doutent qu'il y ait une divinité quelconque, nous ne nous occupons pas d'eux; car les sages disent que de réfuter des extravagances est une extravagance plus grande. Nous ne parlons que de ceux qui reconnaissent la divinité en général, Vouloir prouver à ceux-là qu'il est un Dieu suprême, c'est presque aussi téméraire que de le nier; car est-il un seul homme qui ne soit né avec la notion de ce Dieu souverain? en est-il un seul à qui il ne soit pas inné, dès le sein de sa mère, qu'il est un Roi et un Seigneur qui gouverne toutes choses? Les animaux, les pierres même, si elles pouvaient parler, le proclameraient. Vous-mêmes, ô païens! vous reconnaissez, dites-vous, ce grand Dieu dans votre Jupiter en quoi vous confondez des choses inconciliables. D'après le sentiment commun et unanime de tous les mortels, le Dieu tout-puissant, ni n'a été engendré lorsqu'il n'était point, ni n'a commencé avec le temps; car lui-même est la source des choses, l'auteur des temps et des siècles. Mais votre Jupiter, comme vous le rapportez, a un père, une mère, des grands pères, des grand'mères, des frères; il est né en la manière commune à tous. Comment donc peutil être le Dieu éternel? - Mais enfin, supposé que les deux soient le même, pourquoi donc alors et vous et vos dieux nous persécutez-vous ?

III. « Vous répondez: Les dieux ne vous en veulent point, parce que vous adorez le Dieu tout-puissant; mais parce que, d'un homme né comme les autres, et, ce qui est plus indigne, d'un homme mort du supplice de la croix, vous en faites un Dieu, vous soutenez qu'il vit encore, et vous l'adorez tous les jours. Mais quels sont donc ces dieux qui nous en veulent? ne sont-ils pas nés comme tous les mortels? Mais vous, qui nous reprochez d'adorer un homme, n'en adorez-vous aucun? Adorez-vous vousmême autre chose que des hommes? Les histoires que vous en contez n'en sont-elles pas la preuve?

«Mais accordons pour un instant que le Christ soit un d'entre nous. N'est-il pas digne d'être appelé Dieu et adoré comme tel à cause de ses bienfaits? Si vous faites un dieu de Bacchus, parce qu'il a trouvé l'usage du vin; une déesse de Cérès, parce qu'elle a trouvé l'usage du pain, et ainsi des autres ; quels honneurs ne méritera point celui qui nous a ramenés de l'erreur à la vérité ? celui

(903) Hist. des gut. sac. et eccles., tom III, pag. 371-375.

qui nous a fait connaître ce qu'il y a de plus salutaire à savoir au genre humain: ce que c'est que Dieu, le monde et nous-mêmes? celui qui nous a détachés d'idoles inertes pour nous élever jusqu'au ciel et nous mettre en communication avec le souverain Seigneur de toutes choses. Oui, moimême naguère j'adorais des idoies de terre qu'on venait de cuire dans le four, des dieux fabriqués sur l'enclume et sous le marteau, des ossements d'éléphants; quand j'apercevais des bandelettes coloriées dans le creux d'un arbre, ou des pierres arrosées d'huile, je les adorais, je les suppliais, comme si elles renfermaient quelque vertu, et je demandais des grâces à un tronc insensible. Maintenant je sais ce qui en est: et le Christ qui m'a éclairé, je ne le regarderais pas comme un Dieu ?

« Mais il a péri sur un gibet. — Qu'est-ce que cela fait? Pythagore a été brûlé vif, Socrate a été condamné à boire la ciguë, Régulus a péri par le plus cruel supplice: ontils été jugés infâmes pour cela? Ce n'est pas la peine, c'est le crime qui fait l'infamie. Vous riez de nous, parce que nous adorons un homme mort d'une mort ignominieuse; et vous-mêmes, vous adorez Bacchus et Romulus qui ont été mis en pièces, Esculape frappé de la foudre, Hercule périssant sur le bûcher? Moquez-vous donc d'abord de vous-mêmes.

« Le Christ ne fût-il donc qu'un homme, il faudrait encore l'appeler Dieu pour ses bienfaits; mais puisqu'il est Dieu réellement et sans aucun doute, combien plus ne doit-il pas être adoré souverainement ? Quoi! s'écriera quelqu'un en colère, ce Christ est Dieu? Oui, répondrons-nous, il est Dieu, envoyé par le souverain Roi, pour la plus importante de toutes les affaires (966). Oui, dussiez-vous en rire aux éclats comme vous faites, le Christ est Dieu, et Dieu pardessus toutes choses, et Dieu par la racine même de son être (967). Encore une fois, malgré que vous en ayez, et dussiez-vous en avoir les oreilles rompues, le Christ est Dieu; il est Dieu, parlant sous la forme de l'homme (968); et il l'a prouvé par des miracles que vous ne contestez pas. Un des plus étonnants de ces miracles, c'est qu'il a donné à des ignorants le pouvoir d'en faire. Doutez-vous de ces faits? Mais il est des témoins oculaires qui les ont crus et les ont persuadés par de bonnes preuves à d'autres. Et quels sont-ils? les peuples, les nations, le genre humain incrédule, qui jamais n'aurait cru ces choses s'il ne les avait vues plus claires quo le soleil (969). Une seule considération devait vous porter à croire vous-mêmes. Voyez en combien peu de temps cette religion s'est répandue par toute la terre. Y a-t-il nation si barbare qu'elle n'ait adoucie et civilisée? Voyez, d'autre

(966) L. I, n° là (67) L. v, n° 19. (8) L. II, n° 2. (969) L. i, no 15-20.

part, cette foule d'hommes de génie, orateurs, grammairiens, rhéteurs, jurisconsultes, médecins, philosophes, qui sollicitent ses enseignements et méprisent les opinions où ils mettaient peu avant leur confiance: des esclaves se laissent torturer par leurs maîtres, des époux bannir de l'union conjugale, des enfants déshériter par leurs parents, plutôt que de rompre la foi chrétienne. Ajoutez-y que plus vous multipliez vos menaces et vos supplices contre cette religion, plus cette religión augmente. Vous employez les bourreaux et les ongles de fer pour empêcher de croire, et vos bourreaux et vos ongles de fer sont un nouvel attrail pour croire au Christ et préférer son amitié à tous les biens du monde. Y a-t-il à tout ceci une autre cause que Dieu ?

« Vous nous raillez sur notre croyance; mais les affaires de ce monde ne commencent-elles pas toutes par la foi? Vous voyagez par terre et par mer; n'est-ce pas parce que vous croyez au retour? Vous ensemencez vos champs; n'est-ce pas parce que vous croyez à la récolte à venir? Si vous honorez vos dieux, c'est sans doute que vous croyez qu'ils existent. Et dans l'ordre intellectuel, pourquoi vous attachezvous à tel philosophe plutôt qu'à tel autre? N'est-ce pas parce que vous y avez plus de foi? Eh bien ! nous, nous avons foi au Christ, qui a prouvé par ses miracles qu'il mérite d'en être cru, attendu qu'il est Dieu. Mais vos philosophes, quels miracles ont-ils faits? Quel est celui d'entre eux qui ait jamais pu par une seule parole, je ne dis pas calmer les tempêtes, rendre la vue aux aveugles, ressusciter des morts, mais simplement vous tirer une épine du pied (970) ?>

IV. Comme on le voit les sentiments d'Arnobe sur la nature de Dieu sont trèsorthodoxes, et il en prouve l'existence, tant par les effets dont il est l'auteur, que par l'idée que les hommes en ont naturellement. Ensuite il emploie utilement, contre les païens, plusieurs preuves de la vérité de la religion chrétienne: les miracles de Jésus-Christ et de ses disciples, la constance des martyrs et le progrès merveilleux du christianisme, au milieu même des plus cruelles persécutions. Dans d'autres endroits, Arnobe parle dignement du pouvoir suprême de Jésus-Christ, dont le nom seul, dit-il, met en fuite les démons, fait taire les oracles, rend inutiles tous les efforts de la magie.

D'anciens auteurs disent que les livres d'Arnobe sont également pleins de force et d'esprit (971). Cependant il en est d'autres qui lui reprochent de la diffusion dans les idées, et qui prétendent que son style sent trop le rhéteur; nous le croyons en effet. Fleury dit qu'il lui est échappé quelques erreurs (972). Mais cela n'est pas éton

(970) L. 1, 3, 4, 5 et 6.

(971) Bieronym. in Chronic., ad an. 20 Constantin. (972) Hist. ecclés, liv. vi, 45.

nant; n'était pas encore suffisamment
instruit; il ne connaissait pas les détails de
la doctrine chrétienne, et n'avait pas assez
étudié les livres saints. A part des inexac-
titudes explicables, son ouvrage contient
des choses très-précieuses. Il a, sur les di-
vinités païennes, des détails curieux et pi-
quants. Au reste, si l'on peut lui reprocher
des défauts, la clarté avec laquelle il pro-
fesse la divinité de Jésus-Christ, n'en est
que plus remarquable. Cela fait voir com-
bien la croyance des Chrétiens sur ce point
est expresse et notoire.

Quelques auteurs ont voulu supputer le
temps auquel Arnobe écrivait par un pas-
sage de ses livres, où il compte environ
mille cinquante ans depuis la fondation de
Rome, et pas encore quatre cents depuis
qu'il y avait des Chrétiens. Mais cette preuve
ne paraît pas solide à d'autres; car, outre
qu'Arnobe ne détermine pas en quelle an-
née précisément Rome fut bâtie, et qu'il
n'en marque le temps que d'une manière
incertaine, il ne dit pas non plus quelle
époque suivaient les auteurs des Annales de
la ville de Rome, qu'il cite et sur l'auto-
rité desquels il fonde sa supposition, ce
qu'il eûi cependant été nécessaire de sa-
voir, puisque, comme on le sait, il y a plu-
sieurs époques différentes, comme celles de
Varron, de Caton et de Fronton.

Arnobe se plaint qu'on eût brûlé les li-
vres sacrés et abattu les églises, où l'on
priait le Dieu souverain pour les magistrats,
les armées, les rois, les amis, les ennemis,
les vivants et les morts, et où l'on n'entendait
rien qui ne tendît à rendre humain, doux,
modeste et charitable. Il fallait plutôt,
selon lui, brûler les livres des poëtes et
démolir les théâtres, où les dieux mêmes
servaient de jouet (973); ce qui n'est pas
un vœu digne de louange, car il n'est pas
de l'esprit chrétien d'user de représailles
et de rien détruire pour s'établir. Voy.
l'article ABDAS (saint), évêque de Perse.
La vérité n'a pas besoin de moyens violents.
C'est le fait seul de l'erreur de persécuter
et de ruiner pour triompher. Aussi les
païens parlaient-ils de brûler les livres de
Cicéron, parce que les Chrétiens en profi-
taient pour combattre l'idolâtrie (974). Si, de
part et d'autre, on eût ainsi brûlé les li-
vres, que seraient donc devenus les chefs-
d'œuvre de l'antiquité? N'est-ce pas, au con.
traire, au christianisme que nous en devons
la conservation?

-

V. On ignore le temps de la mort d'Ar-

(975) L. IV, n° 18.

(974) L. III, no 4.
(975) Loc. cit., pag. 374.

(976) Hieronym., epist. 49 ad Paulin.

(977) M. N. S. Guillon, disc. prélim. sur l'élog. de
saint Jean Chrysostome, apud, Biblioth. choisie des
Pères de l'Eglise, tom. XIII, pag. 29-30 de l'édit.
in-12, 1828.

(978) BB. PP., tom. IV, lib. II, pag. 567, col. 1,
epist. 83 ad Magn.

(979) Epist. 56 ad Tranquillin., pag. 589, col. 1,
tom. IV. Les écrivains protestants, Bayle entre

nobe. Son nom a été célèbre dans toute
la postérité, dit Dom Ceillier (975), soit pour
ses écrits, soit pour avoir été le maître de
Lactance, celui des Pères latins qui ait écrit
avec le plus de netteté et de politesse, et dont
le style approche le plus de l'éloquence de
Cicéron (976). « On peut dire, en effet, dé-
clare un auteur moderne (977), que le meil-
leur ouvrage d'Arnobe fut Lactance, appelé
à son tour par saint Jérôme un fleuve d'é-
Joquence cicéronienne : Quasi fluvius elo-
quentiæ Tulliana; éloge vrai, quand il s'ap-
plique à l'élégante pureté de sa diction, di-
gne des beaux siècles d'Auguste. Le maî-
tre et le disciple paraissent en quelque
sorte limitrophes entre le langage du temps
des persécutions et l'époque où la paix fut
donnée à l'Eglise. Ils virent à la fois et
Dioclétien, qui commanda ou laissa exécu-
ter la plus sanglante guerre qui eût été jus-
que-là faite au christianisme, et Constan-
tin, qui fit asseoir avec lui la Croix sur le
trône d'où il donnait des lois à toute la
terre. »

Mais si saint Jérôme ne refuse pas à Ar-
nobe les brillantes ressources de l'imagina-
tion et les qualités de l'orateur, d'un autre
côté, il lui reproche une fatigante prolixité
qui le jette dans le défaut d'ordre et de mé-
thode: Inæqualis et nimius, et absque ope-
ris sui partitione confusus (978), et il ne per-
met de le lire qu'avec précaution (979), dé-
cision qui s'applique surtout à certaines
opinions de l'auteur sur des points de foi,
qu'il n'avait pas eu, comme nous l'avons dit,
le temps d'approfondir.

Enfin, un critique récent porte sur les li-
vres d'Arnobe le jugement suivant : « On
remarque qu'Arnobe ne cite jamais les li-
vres de l'Ancien-Testament, et rarement le
Nouveau. Son principal mérite est donc ce-
lui qui nous intéresse le moins (il nous
semble pourtant que ce mérite-là intéresse
bien l'histoire même de l'Eglise), la con-
naissance profonde qu'il avait du paga-
nisme, qui lui sert à l'écraser par la force
de ses raisonnements, par l'immense éten-
due de ses lectures, par le témoignage.de
ses écrivains les plus accrédités, et par
l'impossibilité absolue où il le réduit d'ex-
cuser en aucune manière les ridicules et
les abominations de son polythéisme (980). »
- Nous avons différentes éditions de l'ou-
vrage d'Arnobe contre les Gentils. La meil-
leure est celle de Leyde, 1652 et 1657, avec
les remarques de divers savants. On en

autres, ont étrangement abusé de cette décision de
saint Jérôme. Ils ont été jusqu'à accuser Arnobe
d'hétérodoxie; ils enveloppent Lactance dans cette
accusation. On lira avec intérêt les moyens d'attaque
et de défense auxquels l'un et l'autre à donné occa-
sion. C'est l'objet d'un mémoire curieux du P. Mer-
lin, dans les Mémoires de Trévoux et Mém. d'une
société célèbre, publiés par l'abbé Grosier, tom. Ier,
ag. 132 et suiv.

(980) M. N. S. Guillon, Bibloth. ch. des PP: de
l'Egl. édit. ubi supra, tom. IV, pag. 203.

trouve aussi une bonne édition à la fin des OEuvres de saint Cyprien, publiée par Le Prieur en 1666. Les sept livres d'Arnobe sont insérés dans le tome V de la Patrologie, publiée par M. l'abbé Migne.

ARNOBE LE JEUNE, différent du grand Arnobe dont nous venons de parler, paraît avoir fleuri vers l'an 460; mais on ne saurait fixer l'époque de sa mort.

I. Les uns le font moine de Lérins, les autres le mettent au rang des prêtres de Marseille, qui s'élevèrent contre la doctrine de saint Augustin sur la grâce. Ce qui est plus certain, c'est que l'on trouve dans ses ouvrages des traces de semi-pélagianisme, pour ne rien dire de plus, quoique plusieurs cherchent à l'excuser. On a de cet écrivain ecclésiastique :

1° Un Commentaire sur les Psaumes attribué à tort par Trithème et par Bède à Arnobe l'apologiste. Ce commentaire est adressé à Laurence ou plutôt à Léonce et à Rustique, qui sont sans doute Léonce d'Arles et Rustique évêque de Fréjus, ce qui fait voir que cet Arnobe était Gaulois et qu'il vivait dans le v siècle. Il paraît par ce qu'il dit sur le psaume cv qu'il était dans le sacerdoce; 2° une Conférence ou dispute avec Serapion sur l'unité et la trinité de Dieu, sur l'union des deux substances en Jésus-Christ dans une seule personne, et sur la concorde de la grâce et du libre arbitre.

Un critique moderne (981) dit que ce traité a été fortuitement découvert et primitivement publié par Feu-Ardent, qui y a joint des notes utiles et savantes. Mais des critiques anciens (982) prétendent que celle Conférence n'est point d'Arnobe. L'auteur de cet ouvrage, disent-ils, quoique dans les mêmes sentiments qu'Arnobe sur la grâce, fonde son opinion sur l'autorité de saint Augustin, et va jusqu'à dire qu'il la respecte comme les écrits des apôtres (983). Or Arnobe était très-éloigné de parler ainsi, et par conséquent ce traité pourrait bien plutôt être de Vigile de Tapse, dont on reconnaît non-seulement ie style, mais tous les sentiments dans cette pièce.

Mais, d'un autre côté, le P. Longueval, sans se prononcer sur le véritable auteur de celle Conférence avec Sérapion Egyptien, voit une difficulté à ce que Vigile de Tapse en fût l'auteur. C'est que Vigile écrivait longtemps après saint Léon, et que l'ouvrage en question paraît avoir été composé sous le pontificat de ce saint Pape: car 1° l'auteur ne cite aucun écrivain posté rieur à saint Léon; 2° en parlant du Pape Damase, il le nomme de vénérable mémoire; et en citant saint Léon, loin de lui donner une semblable épithète, il semble parler de lui comme d'un homme vivant : Dominus meus vir apostolicus Leo papa (984).

(981) L'abbé Caillau, Bibliographie catholique, tom:. VII, pag. 135.

(982) Moréri et Ellies Dupin, Bibl. des aut. du ve siècle.

(985) Ad calcem. Oper. S. Irenæi, edit. Ferard,

On attribue encore à Arnobe le Jeune des Annotations sur quelques passages des Evangélistes: cet opuscule a été recueilli dans les Bibliothèques des Pères. On trouve tous ces ouvrages d'Arnobe dans le tome LIH de la Patrologie publiée par M. l'abbé Migne. Le Commentaire sur le Psautier a paru à Bâle en 1537 et 1560, in-8°, et à Paris, en 1539, aussi in-8°.

II. Le P. Longueval cherche à disculper Arnobe de son semi-pélagianisme et remarque qu'on peut donner à ses paroles un sens catholique. Nous rapporterons ce qu'il dit à ce sujet, en même temps que son jugement sur le Commentaire du Psautier (985).

Quoique le style d'Arnobe, di-t-il, se sente de la barbarie des nations dominantes, son commentaire n'est pas méprisable, du moins il est court et précis, mérite aussi estimable que rare dans ces sortes d'ouvrages, où l'on étale assez souvent de l'érudition au dépens du jugement. Arnobe développe, d'une manière ingénieuse, les figures de nos mystères cachées dans les divins cantiques qu'il commente; et il demande aux Juifs comment ils peuvent lire le Psautier, comme ils font dans leurs synagogue, sans y reconnaître que celui qu'ils ont crucifié est le Seigneur.

On accuse cet auteur, ajoute le P. Longueval, d'avoir donné dans les erreurs de Pélage touchant le péché originel, parce qu'il dit que nous avons part en naissant à la sentence portée contre Adam et non à son péché Qui nascitur sententiam Ada habet, peccatum vero non habet. Mais ce qui précède peut faire juger qu'il ne parle que du péché actuel ou personnel. I reconnaît même la nécessité et le pouvoir de la grâce, sans cependant que ce pouvoir ôte la liberté. I admet une grâce prévenante et universelle répandue sur tous les hommes; et il combat avec force les erreurs des prédestinatiens. Voici de quelle manière il parle à un de ces hérétiques dans le commentaire du psaume CXLVI.

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« Prédestination, remarquez bien ce que je dis la grâce de Jésus-Christ précède la bonne volonté générale de tous les hommes, de la manière que j'ai expliqué... Si vous ne niez pas que ce divin Sauveur soit mort pour tous, si vous assurez avec l'Apôtre qu'il veut que tous soient sauvés, passez de cette grâce générale à la grâce spéciale. Dites comme l'Apôtre Tous ne sont pas généralement sauvés; mais quiconque invoquer le Seigneur sera sauvé (986). Allez donc à la boutique du médecin il est venu de lui-même dans notre ville, sans que nous l'en eussions prié ; il est venu pour tous, il a fait crier comme par hérault : Venez tous à moi. Après cette invitation, la volonté précède la grâce; car le Seigneur pag. 564.

:

(984) Hist. de l'Egl. gall., liv. iv, tom. II, pag. 342, note, de l'édit. in-12, 1825.

(985) Id. ibid., pag. 340, 341. (986) Rom. x, 13.

dit: Si vous voulez m'écouter, vous serez russasiés des biens de la terre; si vous ne le voulez pas, le glaive vous dévorera (987). De même donc que la grâce a précédé là volonté en se montrant, la volonté précède aussi la grâce car vous n'êtes pas baptisé avant que de vouloir vivre. »

Le venin du semi pélagianisme pourrait être caché dans ces dernières paroles et dans quelques autres endroits de ce commentaire; mais on peut, dit le P. Longueval, on peut, ce semble, y trouver un sens catholique. Et si maintenant Arnobe est véritablement l'auteur de la Conférence avec Sérapion, il faudrait avouer qu'il était bien éloigné de penser que les prédestinatiens fussent les vrais disciples de saint Augustin. Sur le psaume LVII, Arnobe parle des anges gardiens, et dit qu'ils s'éloignent de nous quand nous péchons.

ARNOLD, chancelier de l'empereur Frédéric I", fut élu comme archevêque de Mayence par quelques députés du clergé et du peuple qui étaient venus à la cour que T'empereur tint à Worms à la Pentecôte de l'année 1153. Il succéda ainsi à l'archevêque Henri, qui avait été déposé par deux légats, mais que plusieurs regrettaient et qui regardaient sa déposition comme injuste. Ceux-ci n'étaient donc pas disposés à accepter le nouvel archevêque. Mais Arnold avait aussi ses partisans, et il se fomenta alors une division qui produisit de fréquentes séditions et une guerre civile.

Des laïques du parti d'Arnold s'emparèrent de la grande église de Mayence et en empêchèrent l'entrée aux ecclésiastiques du parti opposé, car cet archevêque s'était attiré la haine d'une grande partie de son clergé. La répulsion était telle contre lui, qu en 1159, plusieurs entrèrent à main armée dans son synode pour l'en chasser. Mais ils furent repoussés par des comtes, et Arnold alla en Lombardie porter ses plaintes à Frédéric. Ses ennemis n'en résolurent pas moins sa mort. On l'en avertit secrètement; mais il méprisa cet avis. Il ne tarda pas à voir qu'il avait eu tort; car le jour de la Saint-Jean, 24 juin 1160, ils vinrent l'attaquer dans le monastère de Saint-Jacques, où il était logé, et commencèrent à y mettre le feu. Placé dans la tour de l'église, il voulut les haranguer; mais ce fut sans succès: il ne put parvenirà les apaiser. Enfin, voyant qu'ils avaient permis aux moines de sortir, il essaya de se sauver déguisé en moine. Malheureusement il fut reconnu, et on le massacra. On le dépouilla, et son corps demeura trois jours sans sépulture, exposé à toutes les insultes de la populace. Ainsi périt Arnold, après avoir occupé pendant sept ans le siége de Mayence.

Les auteurs de sa mort furent excommuniés dans le concile de Lodi tenu par l'antipape Victor, suivant la volonté de l'empereur, en 1161. Mais Frédéric voulut un

(987) Isai. 1, 19, 20.

autre genre de punition. En 1163, aux fêtes de Pâques, il vint à Mayence pour y tenir sa cour avec les seigneurs. Presque tous les bourgeois s'enfuirent de la ville, craignant la punition du meurtre de leur archevêque; et il n'y eut que les moins. considérables qui restèrent, et quelquesuns de ceux qui avaient déjà obtenu leur grâce de l'empereur. Un des coupables fut pris et exécuté à mort. L'abbé de Saint-Jacques fut présenté à l'empereur comme complice et obtint du temps pour se justifier; mais n'ayant pu le faire, il fut chassé de son abbaye et du pays. Les moines furent enfermés dans une maison, d'où les uns se sauvèrent par les fenêtres ou autrement, les autres furent congédiés; ainsi le service divin cessa dans ce monastère. Les murailles de la ville furent abattues par ordre de Frédéric, et ne furent rétablies que sous son successeur, trente-sept ans après.

ARNON, archevêque de Saltzbourg, appelé aussi Aquila, était, selon l'opinion la plus répandue, frère du célèbre Alcuin. Il avait été abbé d'Elnon, c'est-à-dire de SaintAmand, lorsqu'il fut appelé sur le siége de Saltzbourg, l'an 786, après Bertric, qui ne l'avait tenu qu'un an après la mort de saint Virgile, lequel avait gouverné cette église près de 40 ans.

Charlemagne qui, à cette époque, étendait ses conquêtes, et son fils Pépin, roi d'Italie, ayant subjugué les Huns, en 796, et étendu l'empire des Francs jusqu'à l'embouchure de la Drave dans le Danube, Charlemagne, disons-nous, chargea Arnon d'instruire dans la religion chrétienne ces nouveaux sujets inêlés des Huns et des Slaves. Ce prélat se rendit donc chez ces peuples, les instruisit, y consacra des églises et ordonna des prêtres.

A son retour, il dit à Charlemagne qu'il avait beaucoup de bien à faire dans ce pays, si l'on y établissait un évêque. Ce prince lui ayant demandé s'il avait un sujet propre à prendre cette charge, Arnon lui désigna Théodoric, et, par son ordre, le sacra évêque; puis, avec le comte Girolde, il le conduisit en Slavonie, le mit entre les mains des seigneurs, et lui recommanda la Carinthie. L'archevêque Arnon donna tout pouvoir à l'évêque Théodoric sur ces pays, de prêcher, de båtir et dédier des églises, d'ordonner des prêtres et d'établir toute la discipline ecclésiastique, à la charge seulement de reconnaître la supériorité de l'église de Saltzbourg qui, par suite de la nouvelle conquête de Charlemagne, avait été érigée en métropole, la juridiction de son évêque s'étant naturellement étendue.

De son côté, Arnon continua à travailler avec un grand zèle à la conversion de ces nations barbares. Sa prudence le rendit aimable aux seigneurs et aux peuples, qui lui étaient tellement soumis, qu'il se faisait obéir en leur envoyant non-seulement une lettre. mais du papier blanc. Il faisait man

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