Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Lemoine du chapitre sur la dissociation. Après avoir décrit en détail, d'après les mémoires originaux, tous les faits de dissociation ou d'équilibre chimique qui se sont multipliés depuis quinze ans, celui-ci expose sa théorie; il l'applique à ses propres expériences, puis à celles de tous les autres chimistes. Il met les résultats de ces expériences en équations, en tire les solutions que donne le calcul, et les compare aux données expérimentales qui ont été publiées. C'est un gros travail : les résultats n'ont pas toujours été donnés sous la forme qu'exigent ses équations, il faut les transformer; souvent le nombre des facteurs qui interviennent rendent l'intégration directe impossible, il faut passer alors par des quadratures successives; rien ne rebute l'infatigable calculateur qui finit toujours par présenter des tableaux de concordance ou des courbes représentatives impressionnantes. Et quand on a fini la lecture de ce chapitre qui a les dimensions d'un volume, et dont l'aspect apparaît d'abord aride, on ne peut qu'être convaincu de la souplesse de cette théorie dont les équations représentent presque si complètement des faits expérimentaux si divers.

Presque si complètement.... Il n'échappe pas à un esprit aussi critique que celui de Lemoine que ce n'est pas suffisant. D'autres savants, en particulier Hortsmann en Allemagne, Peslin et Moutier en France, ne l'ont pas pensé non plus. Et depuis quelques années des théories différentes ont pris naissance, qui, sans nier l'intérêt que présente la théorie de l'égalité des vitesses des deux transformations antagonistes, ont cherché à calculer la limite de la réaction en prenant pour bases les deux principes fondamentaux de la Thermodynamique, le principe de la conservation de l'énergie qui date de 1842 et celui de Carnot qui, donné bien antérieurement, n'a commencé à être connu et employé que depuis Clausius. Peu à peu, surtout sous l'influence de Van t'Hoff

et de Le Chatelier (1), ces théories vont entrer dans la science et, plus tard, dans l'enseignement; les magnifiques résultats que Bakhuis Roozeboom et son école tireront de la règle des phases la feront admettre partout. Mais si toutes ces méthodes de recherche donnent des résultats précieux au moment de l'équilibre, si elles permettent de prévoir la limite, et de calculer l'influence qu'auront sur elle les variations de température, de pression ou de concentration des masses réagissantes, elles ne suivent pas la marche du phénomène, elles ne satisfont pas l'esprit de Lemoine épris de dynamique. Ce qu'on reproche à ses théories, c'est de s'appuyer sur les vitesses de réaction qui sont trop difficiles à calculer avec précision, parce que trop de facteurs interviennent pour les faire varier. C'est alors à l'étude systématique de ces vitesses et de ces facteurs de trouble qu'il va consacrer la majeure partie de sa vie.

Les actions de présence étaient connues depuis longtemps; on avait souvent remarqué qu'une réaction était facilitée par l'introduction d'une petite quantité de matière restant inaltérée, quelquefois même qu'une combinaison, impossible à obtenir à froid, se déclarait par la simple présence d'un corps étranger. C'est Thénard qui semble avoir signalé ce fait pour la première fois en 1818 de façon nette, alors qu'il étudiait les propriétés de l'eau oxygénée. Berzélius avait appelé ce phénomène la catalyse et ces mystérieux agents des catalyseurs. Mais aucune étude systématique n'en avait encore été faite.

Déjà Lemoine, dans ses expériences sur l'acide iodhydrique, s'était aperçu de la perturbation qu'apportait à ses nombres la surface intérieure du récipient qui renfermait les gaz il avait pris des ballons sphériques et

(1) Les lois du déplacement de l'équilibre sont de 1884.

assez grands pour éliminer le plus possible, l'influence de cette surface. De même la lumière, et surtout celle du soleil, décomposait l'acide iodhydrique à une température où il se conserve sans altération dans l'obscurité. Mais son attention fut surtout attirée par les expériences qu'Hautefeuille publia quelque temps après lui sur la décomposition de l'acide iodhydrique par les corps poreux. En comparant leurs résultats, Lemoine s'aperçoit qu'à une même température la limite de décomposition est à peu près la même dans les deux cas; seule varie la vitesse avec laquelle cette limite est atteinte. Les corps poreux ont donc joué à peu près le même rôle que l'augmentation de pression, comme si, à leur surface, ils avaient attiré les molécules gazeuses, les avaient rapprochées l'une de l'autre, augmentant ainsi leurs chances de rencontre. Cette idée, rajeunie, se retrouve dans toutes les théories modernes de la catalyse par adsorption.

Pour étudier ces phénomènes parasites et qui se devinent compliqués, il faut essayer de se placer dans les cas les plus simples. Or, dans une réaction réversible, deux transformations se produisent simultanément, deux vitesses interviennent; il est donc préférable de s'adresser désormais aux transformations irréversibles, à celles qui ne peuvent se faire que dans un sens. Il faut les choisir suffisamment lentes pour diminuer les causes d'erreur dans la mesure du temps, il faut que l'état de la transformation à un moment donné soit facile à mesurer, il est prudent de prendre des mélanges homogènes où n'interviennent pas de solides dont les surfaces de séparation sont difficiles à connaître, il est plus commode au point de vue technique d'avoir des liquides dont la masse est supérieure à celle des gaz. Ce sont toutes ces considérations qui l'ont amené à étudier les catalyses principalement sur ces trois solutions chlorure ferrique et acide oxalique, eau oxygénée, acide iodique et acide oxalique.

La première catalyse de réaction irréversible étudiée systématiquement par Lemoine est celle de la lumière. Cette question est une de celles qui l'ont le plus préoccupé; il jugeait cette partie de son œuvre comme la plus importante et la plus utile, et, sans cesse, il en parlait. Non content des mesures qu'il pouvait faire à ses laboratoires, soit à l'École Polytechnique, soit à l'Institut Catholique, il organisait partout de petits laboratoires : à Paris, à ses domiciles successifs, dans une chambre au sixième étage; à Tonnerre, où il prenait ses vacances habituelles; à Perpignan, où il passa quelques mois, et même en Suisse, où il aimait voyager en été ; beaucoup de ses mesures ont été faites dans une chambre d'hôtel à Rieder Alp, près du glacier d'Aletsch, à 1900 m. d'altitude, pour avoir le plus de rayons ultra-violets possible. Ses travaux sur cette question sont disséminés dans tous ses mémoires, depuis celui sur le phosphore de 1871, jusqu'à celui sur l'acide iodique et l'acide oxalique de 1921.

Dans ces études, ce fut un précurseur ces travaux de longue haleine, surtout dans nos climats où les jours ensoleillés sont rares, sont difficiles et ardus. Ce n'est que tout récemment que Victor Henri et surtout Daniel Berthelot se sont occupés de recherches analogues, en employant principalement les lumières artificielles modernes, riches en rayons ultra-violets; d'autres études, celles des Perrin et des Langevin partent d'un tout autre point de vue ; mais l'étude mathématique qu'il a faite de l'absorption de la lumière par les milieux traversés, restera classique et de grande utilité pour ceux qui reprendront ces recherches.

La lumière peut agir de deux façons différentes sur les corps en présence. Dans certains cas, elle agit par l'énergie qu'elle apporte et produit ainsi une transformation qui, sans elle, ne pourrait se faire; alors la décomposition est proportionnelle à l'énergie apportée et peut lui servir de mesure; c'est le cas de la photographie; on sait qu'un IVe SÉRIE. T. III.

2

sel d'argent, noirci par la lumière, puis laissé dans l'obscurité, revient lentement à son premier état et se décolore, montrant bien que la décomposition ne pouvait se faire d'elle-même. Dans d'autres cas, ce n'est que comme catalyseur qu'agit la lumière; elle accélère la vitesse des réactions possibles, elle agit comme le ferait une élévation de température. C'est uniquement à l'étude de ces cas de catalyse que s'est borné Lemoine.

Il a d'abord vérifié, par des expériences rigoureuses, faciles à montrer dans les cours, que l'action seule de la lumière transforme le phosphore ordinaire en phosphore rouge, de façon irréversible, ce qui, avec nos idées modernes, est une des meilleures preuves que le phosphore rouge est, à la température ordinaire, l'état stable. Dès 1878, il montrait qualitativement que la lumière transformait le styrolène liquide en métastyrolène, ce polymère solide au grand pouvoir réfringent qui sert à assembler les lentilles des instruments d'optique, cependant que des expériences précises montraient que l'essence. de térébenthine, qui avait la réputation de se polymériser au soleil, restait inaltérée au bout de trois ans d'insolation, pourvu qu'on ait pris soin de la débarrasser des poussières. Il avait signalé l'action de la lumière sur l'acide iodhydrique, sur le chloral, sur le cyanogène, sur l'iodure d'amidon, mais ces études fragmentaires ne lui donnent que des présomptions. Il veut des certitudes. Il va comparer alors rigoureusement, avec méthode et ressources du calcul, l'action de la lumière à celle de la chaleur.

Lemoine s'adresse d'abord au mélange de chlorure ferrique et d'acide oxalique en solution dans l'eau, et cette étude va durer douze ans (1883-1895). A l'obscurité, la chaleur décompose ce mélange; à froid, la lumière le décompose aussi; il se forme du chlorure ferreux et il se dégage du gaz carbonique; celui-ci, recueilli sur une cuve à glycérine où il ne se dissout pas, permet, par une simple lecture de volume corrigé, de calculer l'état de décomposition à un moment donné.

« ÖncekiDevam »