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ceux-ci restent le chef-d'œuvre dont la méthode, la rigueur, et la clarté ont été désespérément admirées par les grands géomètres de tous les âges, Newton à leur tête.

Comment Clairaut, un tel disciple de Newton, voulant écrire un manuel, n'a-t-il pas essayé de conserver en ses pages quelque chose des austères et attrayantes beautés de l'œuvre euclidienne? Cinquante ans plus tard, en 1794, un autre Maître de la pensée mathématique, d'un génie supérieur à celui de Clairaut même, ne dédaignera pas de s'y essayer, et il y réussira : les Éléments de Legendre continuent, après cinq quarts de siècle, à initier nos générations à la Science de l'espace. Chez Clairaut, — et ce détail est caractéristique, la fameuse propriété du carré de l'hypoténuse, pierre fondamentale de la Géométrie, que vous et moi, étant enfants, saluions sans effroi, et plus joyeux qu'irrespectueux, du nom de pont-aux-ânes, au lieu de s'appuyer sur la splendide et simple démonstration euclidienne vingttrois fois séculaire, est incidemment signalée comme corollaire de la solution d'un problème, résolu lui-même par je ne sais quel artifice. Il valait mieux, au contraire, enseigner à l'élève que ce théorème fondamental admet deux démonstrations, l'une par les équivalences d'aires, l'autre par les proportions des lignes de figures semblables, et indiquer le lien entre ces deux démonstrations. Clairaut n'avait pas le droit d'oublier, même pour satisfaire peut-être à une gageure faite à la capricieuse marquise, la réponse qu'adressa, d'après la tradition, le sage Euclide à un royal élève, Ptolémée, fâché de rencontrer quelques épines au seuil de la Géométrie : « On n'entre point en Géométrie par des routes royales. >>

Il est regrettable qu'un savant d'une aussi haute valeur que Clairaut, oubliant les leçons de circonspection que Newton lui avait données, ait écrit en sa Préface des lignes telles que celles-ci, qui déjà auront étonné les géomètres du XVIIIe siècle : « Si Euclide a pris souvent la peine de donner des démonstrations pour ainsi dire inutiles, c'est que ce Géomètre avait à convaincre des Sophistes obstinés: il fallait alors que la Géométrie eût, comme la Logique, les secours des raisonnements en forme, pour fermer la bouche à la chicane. Mais les choses ont changé de face. Tout raisonnement qui tombe sur ce que le bon sens seul décide d'avance,

est aujourd'hui en pure perte. » — Clairaut se trompait, ou plutôt déguisait la vérité ; car les choses n'avaient pas changé de face. Sans attendre le seuil du xxe siècle, où nous voyons Einstein révolutionner les idées courantes sur l'espace et le temps, ni même le xixe siècle, où Lobatschefski et Riemann fondèrent la Géométrie générale, vaste royaume dont la Géométrie euclidienne forme une des trois provinces, déjà les contemporains de Clairaut se préoccupaient des écueils et des scandales (selon les expressions de d'Alembert) qui se dressent parmi les éléments de la Géométrie. Du vivant de Clairaut, Euler publiait en 1750 ses Réflexions sur l'Espace et le Temps, et d'Alembert, en 1759, donnait ses Éléments de Philosophie, auxquels nous empruntions les expressions de tantôt (1). Ce XVIIIe siècle ne se clora point que Monge et Fourier, en une séance de l'École Normale du 26 Pluviôse an III (14 février 1795), n'entrent en une fructueuse discussion sur la Ligne Droite et sur la définition qu'il convient d'en faire dans les Éléments (2) la discussion avait été amenée par la toute récente publication (1794) des Éléments de Géométrie du citoyen Legendre.

Cependant, tout déclassé que soit au point de vue de la pédagogie contemporaine le Traité de Clairaut, il n'en reste pas moins, aux yeux des Historiens de la Science, un monument extrêmement intéressant. On doit savoir gré à M. Solo

(1) « A proprement parler, écrit encore d'Alembert, il n'y a point de science qui n'ait sa Métaphysique, si on entend par ce mot les principes généraux sur lesquels une science est appuyée, et qui sont comme le germe des vérités de détail qu'elle renferme et qu'elle expose; principes d'où il faut partir pour découvrir de nouvelles vérités, ou auxquels il est nécessaire de remonter pour mettre au creuset les vérités qu'on croit découvrir.» (Éclaircissements sur les Éléments de Philosophie, XV.)

(2) Séances de l'École Normale, Débats, t. I, pp. 28-33. Voyez dans la revue MATHESIS de Gand, 1889, pp. 139-140, les sages conclusions de Monge, l'illustre fondateur de la Géométrie descriptive, opposées aux suggestions de Fourier, le pénétrant auteur de la Théorie analytique de la Chaleur. L'étude de la Métaphysique d'une science est inutile et dangereuse pour le jeune élève, mais elle est utile et nécessaire au maître qui enseigne cette science, et Clairaut a mal fait de déguiser au lecteur de sa Préface l'importance de cette Métaphysique.

vine de sa réédition ; il y a toujours utilité à relire les essais, fussent-ils même peu heureux, de tels Maîtres.

Il y a quelque soixante-dix ans, on exhuma de l'oubli cette Géométrie de Clairaut: il y eut même des professeurs qui la mirent entre les mains de leurs élèves (1); mais cette résurrection fut modeste et de peu de durée.

Le même savant écrivit aussi des Éléments d'Algèbre (1746), qui durèrent quelque temps et où l'auteur épargnait beaucoup à l'élève les difficultés. La quatrième édition, en 1797, fut munie, par un éditeur intelligent, d'additions tirées surtout des leçons que venaient de donner à l'École Normale Lagrange et Laplace.

(A continuer.)

B. LEFEBVRE, S. J.

(1) Ces maîtres avaient été séduits par le prestige du nom de Clairaut et aussi par l'autorité du nom de Lacroix. La seconde édition de la Biographie universelle de Michaud venait, en effet, de commencer à paraître (1841) l'article consacré à Clairaut était signé par Lacroix, qui avait été le grand réformateur de l'enseignement des Mathématiques en France, après la Révolution, et la Géométrie de Clairaut y était fort louée. En fait, l'article était la reproduction, à quelques coupures près, de la belle Notice donnée, dès 1813, par Lacroix dans la première édition de cette Biographie universelle. Jamais Lacroix n'avait songé à préconiser l'introduction de cette Géométrie, comme manuel, dans l'enseignement moyen. Du reste, s'il en loue l'esprit, c'est avec des réserves. Ajoutons que lui-même, illustre débris de l'ancienne Académie des Sciences, qui l'avait élu membre correspondant en 1789, et membre titulaire de l'Institut depuis 1799, aimait fort de louer les académiciens du XVIIIe siècle.

REVUE

DES RECUEILS PÉRIODIQUES

HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES.

Les sciences grecques et leur transmission, par HEIBERG (I). - Le beau travail de M. Heiberg est écrit d'un style si serré qu'il est impossible de le résumer. Le professeur de Copenhague nous a habitués à cette concision dans les articles de SCIENTIA, où il nous donne des aperçus généraux sur la Science grecque. Il faut se contenter de les signaler au lecteur.

La nouvelle étude de M. Heiberg s'étend à toutes les sciences naturelles grecques, y compris la médecine qui y tient une grande place, et sans en exclure l'astronomie, ni les mathématiques; c'est ce qui me donne l'occasion d'en parler ici. Personne n'a plus de compétence que l'auteur pour traiter pareil sujet. Son travail est divisé en deux parties, provenant, en fait, de la réunion de deux articles. Le premier a pour objet La splendeur et la décadence de la Science grecque; le second nous retrace L'Euvre de conservation et de transmission des Byzantins et des Arabes. C'est ce dernier qui nous semble le plus neuf et aussi le plus intéressant.

Je ne puis m'empêcher d'y relever un trait, qui sera pour bien des lecteurs assez inattendu; car, s'il est exact, il est en tous cas peu connu et ne fait guère honneur à l'Occident latin. Il mériterait une étude approfondie. M. Heiberg juge,

(1) Les Sciences grecques et leur Transmission. «SCIENTIA ». REVUE INTERNATIONALE DE SYNTHÈSE SCIENTIFIQUE, Milan. Bureaux de la Revue, janvier-février 1922 ; pp. 1-10 et 97-104.

en effet, avec la dernière sévérité, les excès commis par les croisés, lors de la prise de Constantinople, en 1204. Les vainqueurs, dit-il, se conduisirent en barbares, détruisant les manuscrits les plus rares et les plus précieux pour le plaisir de les détruire. Ils causèrent ainsi des pertes irréparables.

Il n'est pas inutile de dire, pour terminer, que l'article du professeur de Copenhague est écrit en français.

A propos du douzième centenaire du plus ancien traité d'Algorisme, par KARPINSKI (I).- Court, mais bon travail sur le calcul numérique des nombres entiers au Moyen Age, auquel la récente publication du Catalogue des Manuscrits mathématiques et astronomiques de la Bibliothèque de Bruges, par MM. De Poorter et Alliaume (2), donne un intérêt particulier. A l'exception de deux, tous les manuscrits décrits dans ce Catalogue proviennent, on le sait, des célèbres abbayes de Ter Doest et des Dunes. Or, quand on parcourt le Catalogue de Bruges, dès le premier coup d'œil, un fait appelle l'attention; je veux dire le nombre relativement considérable de traités d'algorisme, qu'en plein Moyen Age ces deux abbayes possédaient dans leurs bibliothèques. Sacro Bosco, Jordan de Nemore, Jean de Lignières, Nicole Oresme, Alexandre de Villedieu y étaient représentés. Les manuscrits de Ter Doest et des Dunes sont de nature à jeter du jour sur la question si obscure de l'état des connaissances scientifiques proprement dites, et notamment de l'arithmétique, chez les Belges, au XIIIe et au XIVe siècle. Peut-être ont-ils même une portée plus grande, et nous apportent-ils des documents nouveaux sur l'algorisme au Moyen Age. Mais, une étude préliminaire serait nécessaire pour nous fixer sur ce sujet. Quels sont les traités encore inédits contenus dans les manuscrits de Bruges ? Malgré les nombreux renseignements qu'il nous donne, le Catalogue présente encore des lacunes. C'est ainsi, par exemple, qu'il

(1) L. C. Karpinski, Prof. in the University of Michigan, Two Twelf Century Algorisms, ISIS, t. III. Bruxelles, Weissenbruch, 1921;

PP. 396-413.

(2) Extrait des ANNALES DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DE BRUGES, t. LXV. Bruges, De Plancke, 1922; Pp. 15-50.

IVe SÉRIE. T IUI.

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