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Les premières mesures ont lieu à 100o et à l'obscurité. Conformément à la théorie, la vitesse de décomposition diminue à mesure que le mélange s'appauvrit, par le fait même de la transformation, ce qui permet, à partir d'une seule observation, de calculer la quantité de matière qui sera décomposée à un moment donné. D'autres mesures sont faites ensuite à des températures un peu plus basses et un peu plus élevées. Conformément à toutes les expériences antérieures, une élévation de température augmente la vitesse de la réaction et cette variation est toujours très rapide.

Lemoine s'était souvent préoccupé de trouver la loi de cette variation; la fonction exponentielle qu'il donne ici se rapproche de celle de Van t' Hoff qui régit à peu près toutes les décompositions dont on peut mesurer la vitesse une élévation de température de 10° double la vitesse de décomposition; alors, l'expérimentateur précis calcule, d'après son exponentielle, ce que sera la décomposition à la température ordinaire, où il nous semble que les deux corps ne réagissent pas. Il laisse un flacon à la cave à l'obscurité et à température constante, et, six ans après, les 2 % de décomposition qu'il constate par l'analyse lui montrent que son extrapolation n'a pas été trop hardie.

En même temps quelques faits nouveaux apparaissent : si l'on ajoute à la dissolution, du sel marin, la vitesse de la réaction diminue; c'est que le sel marin forme avec le chlorure ferrique une combinaison qui n'agit plus sur l'acide oxalique; l'addition de sel correspond à une diminution de chlorure de fer dans le mélange. C'est un des premiers exemples de ces méthodes de chimie physique, si employées maintenant, qui permettent de soupçonner, dans les dissolutions, la formation de composés restant dissous, par le trouble qu'ils apportent à un phénomène continu que l'on peut mesurer.

Corrélativement à l'action de la chaleur, Lemoine

étudie l'action de la lumière sur le mélange, en se proposant de mesurer la quantité de lumière introduite et la réaction qu'elle produit et de coordonner numériquement les résultats obtenus. La technique de ces mesures est tout entière à inventer, les causes d'erreur nombreuses à dépister. Une première question préoccupe le méticuleux expérimentateur : la décomposition dégage de la chaleur ; n'y a-t-il pas à craindre que cette chaleur n'élève la température du mélange et que l'effet mesuré ne soit dû à la fois à la lumière et à cette élévation de température? Des mesures précises montrent que, dans les cas de soleil le plus ardent, la température ne dépasse pas 50o, température à laquelle les expériences précédentes ont montré que la décomposition n'est pas appréciable.

Une question plus importante est l'absorption de la lumière par le produit même qui est utilisé. Le mélange est fortement coloré en brun; il absorbe les différentes radiations et les quantités de lumière reçues par les couches successives du liquide vont en décroissant; il faut tenir compte de cette décroissance. Or le mélange des deux corps est coloré de la même façon que la dissolution de chlorure ferrique pur; il suffit donc de déterminer la loi de l'absorption dans cette dernière dissolution; ce sera la loi de l'absorption dans le mélange. Pour mesurer cette absorption, Lemoine aurait pu prendre les méthodes habituelles; il préfère étudier l'action chimique que la lumière peut encore produire dans le mélange, après avoir traversé des flacons plats de différentes épaisseurs remplis de chlorure ferrique. Avec ces résultats numériques, ce n'est plus qu'un jeu pour lui de calculer ce que serait l'absorption pour une couche idéale, infiniment mince, placée à un endroit quelconque, puis d'intégrer l'équation différentielle ainsi obtenue. Alors les quantités de gaz carbonique ainsi calculées pour une cuve d'épaisseur connue, plate, cylindrique ou même elliptique, pour tenir compte de l'obliquité des rayons solaires, sont comparées

à celles qu'on a véritablement recueillies, et la concordance est très satisfaisante.

Les résultats de nombreuses mesures faites en tant d'endroits différents montrent que la lumière ne fait qu'accélérer la transformation qui, sans elle, demanderait un temps presque infini. Le calcul montre que si l'on voulait produire à l'obscurité le même effet qu'un quart d'heure d'exposition au soleil, il faudrait, ou bien, dans le même temps, une température de 136°, ou bien, à la même température, une durée de plus de cent années.

C'est bien ce qui caractérise un catalyseur; mais Lemoine veut encore plus de précisions. Il mesure directement la différence entre la perte d'énergie de la lumière qui a traversé le mélange et la perte d'énergie de la même lumière qui a traversé un milieu également coloré, mais où ne se produit pas de réaction. Cette différence est infime la décomposition n'a pas fait perdre d'énergie à la lumière; pas plus qu'un corps poreux qui décompose l'acide iodhydrique n'a perdu de sa masse. Ils sont bien, au même titre, des catalyseurs.

En même temps qu'il s'adressait au mélange de chlorure ferrique et d'acide oxalique, Lemoine faisait des expériences comparatives avec le styrolène, qui n'est pas coloré. Les résultats, plus difficiles à obtenir, à cause de la lenteur de la réaction, conduisent à des conclusions du même ordre. Alors les idées de Lemoine, sur la catalyse, se précisent de plus en plus ; il devient plus affirmatif et énonce la loi moderne que ses propres expériences ainsi que d'autres, faites surtout en Allemagne, ont contribué à établir, loi qui fut si longue à faire admettre et qui n'a plus actuellement de contradicteurs : Un catalyseur ne modifie en rien le phénomène ; il ne fait qu'accélérer la vitesse avec laquelle il se produit. Ainsi un lubrifiant ne peut changer le sens de la marche d'une machine, il ne peut que faciliter le mouvement.

Cependant, les phénomènes de catalyse préoccupent de plus en plus les savants et les industriels: augmenter la vitesse d'une réaction, c'est gagner du temps, c'est surtout augmenter le rendement utile. C'est alors que Sabatier, en collaboration avec l'abbé Senderens, fait paraître ses premières recherches (1897) qui vont se poursuivre 25 ans : les métaux réduits de leurs oxydes, la mousse de platine, certains oxydes facilitent les hydrogénations, les déshydratations, les réductions internes. A peu près à la même époque (1907) Lemoine, toujours avec les mêmes préoccupations, étudie l'action catalytique de la braise sur la décomposition des alcools, et, toujours, il retrouve la même loi générale le rôle des catalyseurs est d'abaisser la température des transformations chimiques.

Mais les catalyses dans les liquides le préoccupent depuis ses premières expériences sur le chlorure ferrique et l'acide oxalique. Pour une étude d'ensemble, où tous les catalyseurs seront systématiquement étudiés, il reprend un travail déjà fait en partie par Thénard, la décomposition de l'eau oxygénée sous l'influence de la chaleur, montrant ainsi qu'on peut, par des conceptions nouvelles, rajeunir un sujet qui semble avoir été déjà traité.

Dans une première série de mesures, il reprend encore une fois l'étude de l'influence de la température et de la dilution, ce qui lui permet de découvrir un phénomène imprévu; excellent exemple donné aux jeunes expérimentateurs trop pressés. Quand la concentration dépasse 70 %, l'allure de la décomposition n'est plus l'allure habituelle, la vitesse augmente d'abord au lieu de diminuer et ce n'est qu'après quelque temps que le phénomène redevient normal. Lemoine élucide rapidement la question; l'eau n'agit pas seulement comme solvant, mais par son action de présence; la décomposition donne naissance à de l'eau qui, d'abord, catalyse la réaction plus vite que la décomposition ne la ralentit, puis l'influence de la décomposition redevient prépondérante. Fidèle à ses

habitudes, il traduit ce raisonnement en langage mathématique, et les volumes d'oxygène dégagé correspondent à ceux qu'il calcule. La concentration pour laquelle la vitesse cesse de croître correspond à une combinaison d'eau et d'eau oxygénée, nouvel exemple de la découverte d'un corps en solution par une méthode de physicochimie. Ainsi s'explique la très grande stabilité de l'eau oxygénée aux fortes concentrations: en l'absence d'eau, qui sert de catalyseur, la décomposition est très lente.

Alors l'influence du récipient, dont Lemoine avait déjà deviné l'importance dans ses premiers travaux, est étudiée méthodiquement; influence de la nature chimique du verre, de la forme de la surface, et de sa proportion au volume, du nettoyage et de l'humidité, et de toutes ces minutieuses recherches il sort cette attristante vérité : chaque récipient a son individualité propre, il catalyse différemment la même réaction; c'est l'explication nette des troublants insuccès obtenus jusqu'alors dans des travaux du même ordre.

Après trois ans, quand le terrain est ainsi déblayé, il passe en revue les différents catalyseurs, les acides, les bases et de nombreux corps solides ses résultats jettent quelques lueurs sur l'important problème, encore mal connu aujourd'hui, de la catalyse hétérogène, où les vitesses de diffusion dans les liquides viennent compliquer les vitesses de réaction. Les conclusions de cet imposant mémoire, où sont relatées plus de 300 expériences, comportant chacune une dizaine de mesures, et autant de calculs, garderont longtemps encore une importance de premier ordre.

La guerre mondiale terminée, les préoccupations purement scientifiques peuvent renaître. Alors l'infatigable travailleur revient à son travail. Sans souci de l'âge, il amorce une étude qui doit compléter les précédentes, la catalyse du mélange d'acide iodique et d'acide oxalique. La retraite lui a pris son laboratoire de l'École

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