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GEORGES LEMOINE

Membre de l'Institut, Professeur honoraire à l'École Polytechnique et à l'Institut catholique de Paris, ancien Président de la Société scientifique de Bruxelles.

La vie de Georges Lemoine ressemble à son œuvre scientifique par sa belle unité et par son développement harmonieux. Né à Tonnerre, le 16 janvier 1841, il reçut, dès son plus jeune âge, de son père, interne des hôpitaux de Paris, de ses grands-parents, de sa mère l'exemple des vertus qu'il pratiqua toute sa vie, le respect de la religion, l'amour du travail, le culte passionné de la science. D'abord brillant élève au collège de sa ville natale, il vint faire sa classe de seconde à Paris, au lycée St-Louis; c'est là qu'il trouva dans le premier aumônier, l'Abbé Clerc, le directeur de conscience qui orienta et dirigea son existence, qui resta son ami et dont il ne pouvait parler plus tard sans émotion. Il n'avait pas 16 ans, quand son père mourut; sa mère, qui n'avait que cet enfant, vint habiter auprès de lui; jusqu'à l'àge de 8 ans, elle avait été son unique professeur; elle continua à veiller sur son travail en même temps que sur sa vie matérielle. La diligente tendresse de la mère et le labeur régulier du fils le firent entrer à 17 ans à l'École Polytechnique.

Sorti, un des premiers, de cette pépinière de savants, il fut nommé élève ingénieur des Ponts et Chaussées; puis, passionné pour les recherches désintéressées, il obtint la faveur très enviée de travailler, dans sa chère école, au laboratoire de Fremy; il n'y resta que deux ans,

mais, en partant comme ingénieur à Rennes, il avait terminé sa thèse de Doctorat, et n'avait plus qu'à la rédiger. La brillante soutenance de cette thèse, les difficultés et les dangers qu'il avait surmontés dans ses recherches, avaient attiré l'attention sur lui ; il fut nommé répétiteur auxiliaire à l'École Polytechnique, en même temps qu'il était attaché au service hydrométrique de la Ville de Paris sous la direction de Belgrand (1866). Et dès lors, sa vie orientée entre ces deux pôles, l'enseignement et les recherches originales d'une part, le service hydrométrique d'autre part, se développe harmonieuse et brillante. Il est successivement ingénieur en chef (1881), puis inspecteur général des Ponts et Chaussées (1901) avec la succession de Belgrand; ses publications d'hydrologie alternent avec ses mémoires de chimie-physique, d'abord en commun avec Belgrand, puis signées de lui seul, puis en collaboration avec les ingénieurs qui sont sous ses ordres. Dans l'enseignement, sa carrière est aussi régulière et rapide: choisi par Monseigneur d'Hulst pour être professeur de chimie à l'Institut catholique de Paris, à sa fondation, en 1875, il devient ensuite répétiteur à l'École Polytechnique, examinateur de sortie (1884) et professeur titulaire (1897), cependant que ses recherches originales lui font décerner en 1893 le prix Lacaze et le conduisent, jeune encore, à la Section de chimie de l'Académie des Sciences (1899), qu'il présidera en 1921. Il est mort le 14 novembre 1922, doucement, presque sans maladie, emportant l'estime de ceux qui l'avaient connu, entouré de sa femme et de ses quatre enfants, mort comme il avait écrit qu'il désirait mourir « se recommandant à l'immense miséricorde du Christ, notre Rédempteur » (1).

La plupart des travaux de Georges Lemoine, en chimie, sont des travaux de longue haleine, se rapportant à

(1) « Les chimistes de langue française ». REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES, 1902.

quelque grande idée ; une idée lui en suggère une autre ; les mesures ou les calculs qu'il entreprend se superposent dans ses publications; ce n'est que quelques années plus tard, quand une question lui semble être au point, qu'il fait paraître un travail d'ensemble, soit dans l'ENCYCLOPÉDIE CHIMIQUE DE FREMY, soit dans les ANNALES DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE, Soit dans le JoURNAL DE CHIMIE-PHYSIQUE DE PH. A. GUYE. On trouvera, à la fin de cet article, l'ordre chronologique de ce qu'il a publié ; il me semble préférable, dans l'exposé de son œuvre, de ne pas suivre cet ordre, mais de grouper ses travaux d'après les principales idées directrices qui les ont suscités.

Ses premières recherches, entreprises pour obtenir le grade de Docteur ès sciences, sur les conseils de Fremy, sont des travaux de chimie pure : il étudie les combinaisons du soufre et du phosphore, signalées aepuis longtemps par Berzélius, mais déjà une idée le conduit: il cherche si, dans ces combinaisons, le phosphore ne se trouve pas, dans les unes à l'état de phosphore blanc, dans les autres à l'état de phosphore rouge. Les conceptions que nous avons actuellement d'un corps composé n'admettent pas ces distinctions; il est probable que les sulfures liquides qu'il a décrits, ne sont que des mélanges eutectiques. Mais ses recherches systématiques lui font découvrir quelques sulfures cristallés dont l'un se montre si stable à l'air et à l'humidité et si peu dangereux à manier qu'il est maintenant utilisé dans la fabrication des allumettes en France. En lisant son travail, on admire le courage du jeune homme et son habileté, car la plupart de ces composés sont très dangereux à manipuler; c'est à cause des explosions fréquentes qu il avait eues que Berzélius avait interrompu leur étude.

Lemoine revint de temps en temps sur ces sulfures de phosphore; en les traitant par la soude, il obtint toute une série de composés où l'oxygène remplace en partie le

soufre, ce qui lui permet d'insister sur l'analogie entre ces deux éléments, analogie déjà signalée par Dumas dans sa classification des corps simples. Dans tous ces travaux apparaît le souci de rigueur qui caractérise son œuvre : un fait étudié par Lemoine n'a pas besoin d'être repris ; le travail est achevé.

Ses études sur les sulfures de phosphore lui avaient montré que les conditions de transformation du phosphore blanc en phosphore rouge n'étaient pas précisées ; nommé répétiteur auxiliaire à l'École Polytechnique, Georges Lemoine reprend les expériences de Hittorf sur ces transformations. C'est alors que paraît le fameux mémoire de Debray sur la dissociation du carbonate de chaux (1867): si l'on chauffe ce corps en vase clos, la décomposition s'arrête lorsque la pression du gaz carbonique atteint une certaine valeur ; si l'on fait le vide, èn ne modifiant pas la température, la décomposition recommence et s'arrête quand la pression du gaz a repris la même valeur ; à chaque température, le phénomène est le même ; seule la pression limite varie. On voit l'analogie de cette décomposition avec la vaporisation d'un liquide en vase clos; même équilibre quand la valeur a atteint une certaine pression, même variation de cette pression avec la température; et l'analogie n'est pas seulement qualitative, la formule que Clapeyron a donnée, il y a plus de 30 ans, pour la vaporisation s'applique à cette décomposition en vase clos, à cette dissociation pour employer l'expression de Sainte-Claire Deville.

Tout de suite Lemoine a l'idée de comparer la transformation allotropique qu'il étudie à cette dissociation. En enfermant en vase clos, à température constante, du phosphore rouge, il y a transformation en phosphore blanc, mais la réaction s'arrête pour une certaine limite. En opérant de même sur du phosphore blanc, il y a formation de phosphore rouge; la réaction s'arrête encore

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