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ne s'agissait pas d'une proie bonne à sucer, elles entortillaient le petit pinceau dans un paquet de fils et le faisaient tomber hors de la toile » (1).

Et H. Fabre fait remarquer que, d'après ses expériences et observations, « si les yeux sont des guides insuffisants, même de très près, pour les Epeires, afin d'apercevoir la proie qui vient de donner dans leurs toiles ou le leurre qui a été substitué à une vraie proie, la trépidation de la toile les attirera du fond de leur embuscade; et le leurre, comme le vrai et habituel gibier, sera exploré, tout d'abord, des palpes et des pattes » (2).

Enfin un sagace et savant observateur des Aranéides de nos trois << Iles sœurs » de l'Océan Indien (La Réunion, Maurice et Madagascar), le regretté Docteur A. Vinson, que je m'estime heureux d'avoir eu aussi pour initiateur et maître en arachnologie, fit remarquer, il y a déjà longtemps, qu'on trouve dans ces îles des Araignées de jour ou diurnes et des araignées de nuit ou nocturnes. En étudiant les Aranéides, ainsi que je l'ai fait dans la nature, des observations précises m'ont convaincu que certaines araignées sommeillent la nuit sur leurs toiles inactives, et d'autres, retirées au contraire et endormies durant le jour, ne se livrent à la chasse que dans les

ténèbres.

« Mais c'est surtout dans le grand et magnifique genre des Epeires que le contraste des Epeires nocturnes d'avec les Epeires diurnes rend la différence bien plus sensible que dans les autres genres.

Les Epeires diurnes étalent au soleil des toiles permanentes où elles se tiennent le jour; les Epeires nocturnes n'établissent les leurs que pour la nuit; et, le jour, elles se cachent dans des « retraites ». Si le jour vient à s'assombrir par des nuages ou des brumes, quelques-unes

(1) Félix Plateau, Loc. cit. (2) J. H. Fabre, Loc. cit.

se persuadent que la nuit est proche et elles commencent à établir leurs toiles. Quelques-unes aussi, sombres et ternes le jour, offrent à la lumière artificielle des couleurs très brillantes; la face polie et violacée de leurs pattes repliées le jour, est étalée la nuit. Les couleurs jaunes dont quelques-unes sont revêtues, paraissent très vives; enfin, chaque petit poil blanc dont le corps est hérissé, en se redressant, présente un éclat remarquable à la lumière.

« Si on les enferme dans un flacon et qu'on y mette de petits papillons, ceux-ci sont épargnés tant que dure le jour ; le lendemain on n'en trouve plus que les débris; les lépidoptères ont été dévorés durant la nuit. Elles se tiennent contre le bouchon, et ne font aussi leur toile que la nuit. Ces Epeires aux mœurs si singulières sont donc de vrais « nocturnes >>> (1).

Léon Becker a observé qu'une Aranéide, l'Atype (2), se livrait à son admirable travail avec une incroyable activité durant la nuit, tandis qu'elle semblait se reposer le jour, et il relate les observations de M. Moggride au sujet d'autres Aranéides nocturnes qui, « passé neuf heures du soir, sortent de leurs terriers pour établir, à la hâte, une toile grossière dans les herbes du voisinage; puis rentrent dans leurs trous dont elles ont laissé les portes entr'ouvertes; et dès qu'une proie est prise au piège, on les voit se précipiter sur la toile, saisir la pauvre insecte et l'entraîner chez elle pour la dévorer » (3).

Or, d'après diverses expériences et observations, que j'ai faites moi-même sur la Tsingevina, en cages d'études, il m'a semblé que notre « Epeire maçonne » était douée, elle aussi, de sens tactile notable, mais encore d'un certain

(1) Cfr. Aranéides des îles de La Réunion, Maurice et Madagascar, par Vinson Auguste, Paris.

(2) Atypus pileus (Sulzer).

(3) Cfr. Quelques mots sur les travaux des araignées, par Léon Becker. (Extrait des COMPTES RENDUS DE LA SOCIÉTÉ ENTOMOLOGIQUE DE BELGIQUE ; vol. XXI des ANNALES).

sens visuel qui s'exercerait de jour et de nuit, mais plutôt de nuit. Elle serait donc à placer parmi les nocturnes plutôt que parmi les diurnes. C'est donc une noctambule, et l'éclair des gemmes de ses huit yeux l'illuminerait surtout dans les ténèbres. En plein jour, ayant jeté un petit insecte vivant sur la toile en prolongement de la «retraite» de l'Epeire maçonne, j'observai qu'il se produisit aussitôt un mouvement particulier, comme une secousse ou ébranlement des fils de réseau ; et je conjecturai que la Tsingevina devait se dire sans doute :

« Voilà commencement de chère et de festin ». Mais alors pourquoi l'Aranéide ne s'empresse-t-il pas de sortir de sa « retraite » pour venir capturer l'insecte ? Etait-ce que :

« Le mets ne lui plut pas, il s'attendait à mieux,
Et montrait un goût dédaigneux. »>

C'était plutôt, si je ne me trompe, que les organes visuels de l'Epeire maçonne apercevaient là, tout près de sa << retraite », une énorme chose plus ou moins remuante, fort étrange pour elle, et s'en méfiait. De fait, dès que ma personne curieuse se fut reculée et un peu éloignée, la Tsingevina accourut de son antre, s'empara de l'insecte et l'emporta. J'ai fait d'ailleurs la même observation, lors de mes expériences relatées plus haut, sur les agissements de notre Araignée maçonne, quand mon intervention dérangeait son œuvre, décrochait et mettait à terre son petit «< palais de cristal » suspendu. Tant que je me tenais tout près, afin de bien voir, la propriétaire ne bougeait pas. Dès que je m'étais éloigné, elle sortait pour venir remédier à l'accident.

J'ai observe cependant que certaines Tsingevina, peutêtre encore jeunes, moins prudentes ou plus naïves, se hâtaient de fondre sur la proie et s'en emparaient.

Il faut à l'Epeire maçonne la «< viande saignante » d'une proie vivante; elle dédaigne un « corps inerte à fluides IV® SÉRIE. T. III.

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stagnants ». Ayant placé dans les réseaux de sa toile un cadavre de Diptère, l'Araignée qui se tenait à l'affût dans l'antre de sa « retraite », se précipita sur ce que la trépidation de sa toile et son sens tactile lui faisaient conjecturer devoir être une bonne aubaine, sans qu'elle eût cependant, semblait-il, de par son sens visuel, perception précise de l'objet ; car ce ne fut qu'en s'approchant du cadavre que la Tsingevina reconnut qu'il n'y avait pour elle rien à manger ou plutôt à sucer.

...

« Et il lui fallut à jeun retourner au logis.

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Les choses semblent encore se passer de même manière quand la proie bien vivante que j'offre à la Tsingevina adulte ou jeune ne lui dit rien qui vaille, pour un motif ou pour un autre. Ayant jeté à la toile d'une Tsingevina un puceron de belle taille et plein de vie, l'Epeire maçonne, qui était au guet dans sa « retraite », se précipita sur l'insecte, mais sans oser, ce semble, s'en emparer. Et, après être revenue par deux fois près du remuant puceron, afin sans doute de mieux voir et reconnaître à qui elle avait affaire, elle rentra au logis. Entre temps le puceron parvint à se dégager des réseaux de la toile et vint même braver l'Araignée jusqu'à l'entrée de sa demeure où elle resta prudemment à l'écart.

Un autre jour, vers midi, c'est une mouche qui vient à donner dans les réseaux de la toile. Le diptère est de plus grande et forte taille que l'Aranéide. La Tsingevina resta prudemment encore dans sa « retraite » ; et la mouche finit par se dégager et s'envola indemne.

Mais à la nuit et au crépuscule, de la tombée du jour à l'aurore, la Tsingevina est moins prudente et plus audacieuse. Elle se tient alors à l'affût plus près de l'orifice de sa retraite, prête à ne plus s'y laisser braver impunément. Un insecte hémiptère bien vivant que j'ai jeté dans les réseaux de la toile de l'Epeire maçonne adulte, vers 10 heures du matin, se débat toute la journée, empêtré dans

les filets du piège, sans que l'araignée vienne s'en emparer; mais elle capturera l'insecte quand viendront les ténèbres de la nuit ; et le lendemain matin je puis voir la Tsingevina encore << à table », suçant les reliefs de l'hémiptère.

C'est aussi dans les ténèbres de la nuit ou du crépuscule que notre Aranéide maçon se montre particulièrement actif dans ses opérations de constructeur et de piègeur. Et, pour l'œuvre importante de la «pose de la première pierre» du petit «palais de cristal», il m'a semblé que nos jeunes Epeires maçonnes attendaient que le soleil eût disparu à l'horizon.

Dès lors, pour notre araignée noctambule, la Tsingevina mère, c'est surtout la nuit qui porte conseil ; et je constaterai le lendemain matin, que les brèches, et les ruines de la maison et de la «< nursery », que j'ai causées par mon intervention de la veille, seront réparées ou aveuglées. Mais non, ce que je constate, c'est que, la nuit comme le jour, la sollicitude maternelle de l'Epeire maçonne semble en défaut,et qu'elle ne remédie pas à l'accident par l'apport de matériaux qui sont cependant à sa portée dans mon terrarium ou cage d'observations et d'études; tandis que pour le travail régulier et instinctif de la construction du petit « palais de cristal » l'araignée maçonne sait choisir et amener à pied d'œuvre ces mêmes matériaux, afin d'en parfaire les assises.

Mais, en admettant même, ce qui est loin d'être acquis, le contraire le serait plutôt, si je ne me trompe, que le sens visuel de l'Epeire maçonne, la Tsingevina de Madagascar, est peu développé, que sa « myopie est extrême », et ce, dans les ténèbres de la nuit comme en plein jour, je ne pourrais m'empêcher de dire : « Chez la plus arriérée des tribus de la grande brousse de Madagascar, quelle Neny» (maman), serait-elle presque aveugle, mais ayant encore sa raison, en agirait aussi piteusement, aussi peu intelligemment que l'araignée-mère Tsingevina, au cas où quelque malencontreux et grave accident viendrait

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