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toutes les intelligences, en imposant à chacun la tâche qui lui convient. Comme dans une maison gouvernée d'après de sains principes, le travail, l'autorité, les rapports réciproques des membres, la responsabilité, le sentiment de solidarité, la confiance tous ces facteurs, bien qu'ayant chacun sa sphère d'action propre, sont réunis dans une synthèse harmonieuse.L'État populaire ne ressemble ni à une usine se composant de propriétaires qui encaissent des revenus, d'employés qui administrent et d'ouvriers qui travaillent, ni à une colonie où, sous la protection d'une force armée, un groupe d'hommes libres règne sur une masse d'ilotes. >>

D'où vient à Rathenau l'immense succès qui a accueilli ses divers ouvrages et qui a fait de lui aux yeux de quelques critiques le prophète et l'évangéliste de l'ère nouvelle qui s'ouvre pour l'Allemagne républicaine? A vrai dire, il nous est difficile de l'attribuer aux mérites intrinsèques du message que Rathenau adresse à ses compatriotes. L'œuvre est intéressante, sans doute; elle est d'une facture vigoureuse ; mais elle ne brille pas par l'originalité de la pensée. En dehors d'une philosophie alambiquée et imprécise dont nous ne lui contesterons pas la paternité, ses critiques, ses principes et ses projets pratiques de réforme laissent l'impression de choses déjà entendues. A l'envi, d'autres ont, bien avant Rathenau, dénoncé les contradictions et les absurdités de notre régime économique moderne, l'immense gaspillage de forces et de capitaux, la misdirection de la consommation, l'abus que la ploutocratie fait trop souvent de sa toutepuissance; il y a beau temps que les philosophes allemands ont souligné le caractère organique de la société au point d'en faire une individualité supérieure à l'homme, réduit à l'état de cellule sociale; les projets de socialisation de l'activité économique dégagent un fort relent de SaintSimonisme. Si les œuvres de Rathenau ont obtenu un tel retentissement dans sa patrie, nous en voyons plutôt la cause dans la forte personnalité et la situation de l'auteur : il est peu banal d'entendre un grand financier, le capitaine d'une des plus puissantes organisations industrielles de son pays, faire, avec tant de force, le procès du régime capitaliste; dans l'opportunité de ces paroles prononcées à l'heure où la nation dégrisée et meurtrie cherche sa voie au sortir

d'une guerre qui a détruit l'ancienne armature impériale; enfin et surtout dans l'incontestable sincérité qui constitue, à notre sens, le principal mérite de l'œuvre de Rathenau. A. M.

XIX. L'EXPÉRIENCE HUMAINE ET LA CAUSALITÉ PHYSIQUE, par L. BRUNSCHVICG. Un vol. de XVI-625 pages (22 × 14). - Paris, Alcan, 1922.30 francs.

Dans ce livre, suite nécessaire et complément longtemps attendu des « Étapes de la philosophie mathématique », M. Br. se propose d'examiner les rapports qui relient la causalité physique et l'expérience humaine. Et comme ce concept de causalité est en définitive le fondement même de toute science empirique, on peut dire que le but atteint ou visé dépasse le titre, et que c'est une critique de la philosophie de la science que l'auteur entreprend.

La méthode est historico-critique. M. Br. ne suppose donc rien. Il ne partira pas, comme les empiristes, de l'expérience pure. Celle-ci est contradictoire : on l'a prouvé depuis longtemps. Il ne s'inféodera pas non plus au rationalisme, si on entend par là un système qui fixe au savant des cadres à priori dans lesquels les données devront entrer. Il consultera l'expérience telle qu'elle est, lui demandant « de nous orienter à travers la diversité des conceptions que les générations successives se sont faites de la causalité ». Il prendra donc la physique, avec ses progrès, ses tâtonnements, ses «< crises » et ses tournants. Il réfléchira sur ces faits. Mais sa réflexion ne découvrira pas des concepts dont le contenu et le sens seraient intelligibles indépendamment de l'expérience ; elle constatera purement et simplement « la vie de l'esprit ».

Ce n'est donc pas à une philosophie de la nature que l'auteur aboutira, ni même à une philosophie de la science conçue à la façon de Kant ou d'Hamelin, c'est vers une philosophie de l'esprit, vers la formation d'une « conscience intellectuelle », que convergeront ses efforts. L'auteur se flatte d'avoir ainsi uni le positivisme véritable et le rationalisme, libéré de toute métaphysique, dans une synthèse supérieure, dans un « humanisme » nouveau, dont la caractéristique sera l'affirmation du progrès indéfini de l'intelli

gence exploratrice de l'univers. En d'autres termes : l'objet d'expérience scientifique, le monde physique, n'est pas une pure donnée; c'est une donnée élaborée par l'intelligence. Mais cette élaboration ne consiste pas, comme Kant l'avait pensé, dans une information déterminée. Il n'y a pas de catégories. Ou plutôt, à chaque bond que fait la science, une nouvelle catégorie fait son apparition, pour disparaître bientôt, chassée par un progrès nouveau dû à l'observation plus minutieuse. Et cette succession de catégories, il n'y a pas de règle qui la régisse. Il faut donc abandonner l'utopie d'une philosophie de la science. Seule une philosophie de l'esprit reste possible. Le théoricien de la connaissance, comme le dit excellemment M. Weber, « se bornera à prendre conscience de cette activité spirituelle (organisatrice de l'univers), à l'embrasser dans son ensemble et à la considérer d'un œil ouvert en même temps sur tout le reste de l'activité humaine ».

Il nous est impossible, dans ce bref compte rendu, de suivre l'auteur dans son immense inventaire des fluctuations successives du concept de causalité physique. Ce n'est d'ailleurs pas là que réside l'intérêt ni surtout l'originalité de son livre. Cet inventaire, d'autres l'ont dressé avant lui, et, à notre sens, avec plus d'ampleur, de clarté et de bonheur. Je ne citerai que E. Cassirer: Das Erkenntnis problem.

Mais ce que nous voudrions faire, c'est répondre brièvement à la question suivante : La méthode de l'auteur est-elle efficace? Conduit-elle, de droit, à une conclusion?

Lorsque nous aurons assisté à la lutte entre l'anthropomorphisme de la causalité et le naturalisme, avec leurs conséquences de déduction et d'induction, lorsque nous aurons vu la mesure prendre peu à peu la place de la qualité et entendu M. Painlevé traduire le principe de causalité en langage de mécanique rationnelle, lorsque nous aurons ainsi << substitué définitivement une relation fonctionnelle à la connexion causale », aurons-nous vraiment rendu intelligible la causalité physique ? Sans doute, nous l'aurons ainsi rendue mathématiquement représentable et scientifiquement utilisable. Les savants peuvent s'en contenter, mais non les philosophes. En leur défendant de passer outre, M. Br. est victime du préjugé qu'il avait peut-être à cœur de détruire, le

préjugé rationaliste, qui prétend réduire toute connaissance à la connaissance claire de la représentation. C'est précisément par delà la représentation que jaillit la « vie de l'esprit ». Et voilà pourquoi la causalité phénoménale est inintelligible si elle ne s'appuie pas sur une causalité métaphysique, irreprésentable, peut-être, mais posée comme condition nécessaire du phénomène. Il se peut que M. Br. ait raison de reprocher à Kant son formalisme, mais il a certainement tort de transporter le débat sur le terrain métaphysique. Sa méthode d'historien ne l'autorisait pas à ce passage. Tout ce qu'il a réussi à démontrer, c'est que l'objet de connaissance s'est peu à peu différencié. L'être tel qu'il paraît fut la part de la science, l'être tel qu'il est celle de la métaphysique. Contre la causalité métaphysique, la méthode historico-critique est inefficace.

Donne-t-elle du moins des résultats appréciables sur le terrain de la causalité empirique ? Sans doute, elle a mis au jour un certain nombre de faits avec lesquels le philosophe devra compter. Elle a montré, et M. Br. y insiste avec quelque exagération, que les « crises rénovatrices des sciences ont été les seules crises utilement rénovatrices de la philosophie ». En suivant pas à pas les changements incessants du principe de causalité phénoménale, elle a rendu le penseur prudent devant l'affirmation de formes à priori. Mais elle n'a pas réussi, croyons-nous, à convaincre le philosophe qu'il devait se contenter de contempler et d'admirer la « vie de l'esprit ». Invinciblement le philosophe se dira qu'il y a, dans cette vie, une unité à découvrir; et il cherchera, comme Hamelin, dans une analyse toujours plus profonde des « éléments de la représentation » un principe créateur ou du moins une règle unique des concepts et des axiomes fondamentaux de la science. Aura-t-il tort ? Nous ne le pensons pas. Mais il faudra, pour aboutir, que le chercheur ne rejette pas, à priori, toutes les notions métaphysiques. Si M. Br. n'avait pas traité la philosophie scolastique avec un peu trop de désinvolture, il aurait vu peut-être comment la détermination quantitative de la matière, pur principe d'altérité, devait aboutir un jour à une géométrie qui ignorerait l'espace et la distance et ne laisserait subsister que la distinction intrinsèque des éléments.

Nous ne savons pas si les efforts de M. Weber pour construire une psychologie de l'invention scientifique seront couronnés de succès, mais nous sommes certains que le but du devenir perpétuel des sciences peut être fixé, grâce à la métaphysique. Ce but, c'est la détermination de plus en plus exacte de l'intelligible métaphysique en termes de phénomènes. Jamais sans doute il ne sera atteint. Mais l'idée directrice sera éclairée et la raison satisfaite.

Nous regrettons que l'immense labeur de M. Br. n'ait pas abouti. Son système est un système hybride : l'inspiration en est rationaliste, la méthode le rapproche du pragmatisme. Seule la méthode transcendantale était ici de mise.

Ce résultat négatif était fatal. La connaissance scientifique et phénoménale posée comme un absolu, doit se détruire elle-même. La position de Kant est intenable : M. Br. l'a peut-être démontré. Mais alors pourquoi chercher à l'étayer par une méthode non appropriée ? Le rationalisme ne sera sauf qu'à condition de reconnaître la métaphysique. Seul le thomisme est un « humanisme » conséquent jusqu'au bout.

Nous regrettons donc l'inutilité relative de ce labeur. Nous regrettons plus encore que, dans une œuvre d'une si haute tenue scientifique, M. Br. ait cru devoir insinuer son opposition à la religion chrétienne et au dogme catholique. Non erat hic locus.

H. THIELEMANS, S. J.

XX. INTRODUCTION A L'ÉTUDE DES HIEROGLYPHES, par H. SOTTAS et E. DRIOTON. - Un vol. de XVI-195 pages. Paris, Geuthner, 1922.

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Les fouilles récentes ont remis à l'ordre du jour le déchiffrement des écritures d'autrefois. Le XIXe siècle a résolu l'énigme des hiéroglyphes, du cunéiforme, de l'écriture chypriote; mais des problèmes nouveaux se sont posés dans les dernières années; l'écriture hiéroglyphique hittite, les écritures hiéroglyphique et linéaire de Crète restent indéchiffrées, pour ne pas parler des courtes inscriptions de la péninsule sinaïtique. C'est dire qu'un ouvrage tel que celui de MM. Sottas et Drioton ne retiendra pas seulement l'attention des égyptologues, mais de tous ceux qui s'intéressent aux écritures orientales antiques.

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