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VIE

DE

SAINT HUGUES

ABBÉ DE CLUNY

1024-1109

PAR

LE R. P. DOM A. L'HUILLIER

MOINE BÉNÉDICTIN DE SOLESMES

OUVRAGE ORNÉ DE GRAVURES ET DE CHROMOLITHOGRAPHIES
D'APRÈS UN MANUSCRIT DU DOUZIÈME SIÈCLE

MEMORTE

SOLESMES

IMPRIMERIE SAINT-PIERRE

(SARTHE)

1888

L5

PRÉFACE

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E 1er septembre 1837, le Pape Grégoire XVI érigeait à Solesmes la première abbaye de la Congrégation bénédictine de France, en qui la puissance apostolique faisait revivre les anciennes Congrégations du même ordre qui avaient fleuri dans notre pays avant la Révolution, c'est à dire celles de Cluny, de Saint-Maur, de Saint-Vannes & Saint-Hydulphe. Il y a maintenant cinquante ans que le successeur de Pierre opérait cette résurrection; c'est donc pour Solesmes l'année jubilaire, dont la joie vient augmenter dans nos monastères celle que la chrétienté entière éprouve en ces mêmes jours, à l'occasion du jubilé sacerdotal de Notre Très Saint Père le Pape Léon XIII. C'est la cinquantième année, celle où, selon l'Ecriture, « l'homme rentrera en possession de ce qui lui ap<< partenait, où chacun reviendra vers les biens que possédaient ses « pères; revertetur homo ad possessionem suam, & unusquisque « ad familiam pristinam (1). » En nos tristes jours, hélas! il n'est pas toujours possible de rentrer en possession, même en vertu des droits les plus certains. Il suffirait, pour le prouver, de l'exemple qui frappe aujourd'hui tous les yeux, celui du Pontife souverain, douloureusement régnant dans une prison, au milieu même de la terre que le Seigneur lui a donnée en héritage. Le successeur des grands

(1) Levit. xxv, 10.

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abbés de Cluny n'est pas mieux traité que son maître le Pontife romain, dont il suit les exemples au sein d'épreuves analogues. Assis au seuil de sa demeure, il proteste par sa présence constante contre la force qui lui a pris son bien. Mais doit-il pour cela renoncer à tous les bienfaits de l'année jubilaire? L'Ecriture a dit qu'à cette date « chacun reviendrait vers les biens que possédaient ses pères. » N'y a-t-il pas plus d'une manière de revenir à son patrimoine, & celui-ci ne consiste-t-il que dans les biens matériels? Non, assurément. Les traditions d'honneur sont, dans une famille, un bien plus précieux que toutes les richesses; les traditions de sainteté le sont beaucoup plus encore. Les faire revivre plus fortes & plus belles, est un véritable gain qui compense beaucoup de pertes. Or, la divine Providence a voulu que, parmi nous, les traits d'un de nos plus illustres aïeux fussent remis en lumière précisément en cette cinquantième année. Par suite de circonstances imprévues, le travail que nous présentons aujourd'hui n'a été mené à terme qu'à cette heureuse date, quoiqu'il eût été commencé depuis déjà huit ans. C'est pour nous un motif d'espérer que notre œuvre arrive à son heure pour produire le bien, si modeste soit-il, que Dieu en peut attendre.

Nous ne nous faisons pas illusion, pourtant, sur les difficultés que nous avons à vaincre. La situation matérielle que nous a faite le libéralisme révolutionnaire, nous a créé des obstacles à chaque beure renaissants. Notre sujet lui-même présentait plus d'un écueil. Nous ne tenons pas à énumérer ces difficultés, puisque, au contraire, nous devons souhaiter que le lecteur ne s'en aperçoive pas, s'il est possible. Il en est une, cependant, que nous ne pouvons faire disparaître aujourd'hui, que l'agitation stérile des luttes politiques entraîne presque tous les hommes, beaucoup pourront-ils comprendre quelle put être l'utilité d'une vie qui ne fut pas bruyante? Peut-être n'y avait-il qu'un moine capable de s'intéresser aujourd'hui à la vie d'un abbé du moyen-âge, qui passa soixante années à la tête d'un monastère. Il semble, au reste, que saint Hugues ait manifesté son désir d'avoir un de ses fils pour historien, si obscur que fût cet ouvrier envoyé par le Père pour travailler à sa vigne; car la mort est ve

nue briser le pinceau vigoureux & sûr qui traçait naguère l'esquisse de Cluny au XIe siècle, & qui eût donné à la vie de notre grand abbé un lustre particulier (1).

Puisqu'un moine tient la plume, on ne doit pas apparemment attendre qu'il déguise sa qualité. Notre livre doit donc être une œuvre monastique. Dès lors, nous devons dépeindre cette vie dans toute son ampleur surnaturelle, sans consentir à la rabaisser ni rapetisser, par des concessions aux préjugés naturalistes aujourd'hui répandus partout. D'ailleurs, l'historien, quel qu'il fût, qui entreprendrait de dépouiller les saints de ce caractère principal, serait-il un historien fidèle? Pourrait-on se flatter d'être vrai en peignant les hommes du moyen-âge, plus encore les monastères, sans montrer la vie surnaturelle qui coulait en eux à pleins bords? Ce serait peindre un squelette pour représenter un homme; ce serait fausser l'histoire, & se mettre dans l'impossibilité d'expliquer bien des faits autrement que par des conjectures plus ou moins gratuites; car le grand moteur de la vie était alors la foi, si étrange que cela puisse paraître à nos contemporains. Mais nous entendons ce que l'on nous objecte : c'est précisément, nous répond-on, pour rester dans le vrai que nous dégageons les faits historiques des superfétations dont un esprit superstitieux les a surcharges. C'est l'école franchement naturaliste qui parle ainsi. Eh bien! voyons ce qu'elle a fait dans le cas particulier de saint Hugues; le sens commun se chargera de dire ce qu'il en faut penser.

Voici, par exemple, un professeur de l'école de Berlin, le docteur Lehman, qui écrit sur la vie de notre saint une étude bibliographique très sérieuse, fort étudiée, dans laquelle enfin il ne s'est trompé que faute d'avoir en mains un document non encore publié (2). Mais il se beurte à une vision: un prêtre vénérable, en offrant le saint Sacrifice, voit dans le calice l'image d'un petit enfant rayonnant de lumière. Que pensera de cela le savant docteur? Ne croyons

(1) Cluny au onzième siècle, par M. l'abbé Cucherat. Autun, 1885, quatrième édition.

(2) Forschungen zur Geschichte des abtes Hugo I von Cluny (Goettingen, 1869).

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