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COMPLETTE

DES TRAVAUX

DE M. MIRABEAU L'AINĖ, A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

ÉTATS DE PROVENCE

Différentes opinions prononcées dans l'assem blée des possédans-fiefs de Provence.

SUR la motion de M. DE LA MOLLE, tendante à demander qu'il fût renvoyé au lendemain de délibérer sur la protestation de la noblesse et qu'en général désormais tout objet de délibération fût proposé 24 heures avant d'opiner. 21 janvier 1789.

MESSIEURS,

Ja pense, comme M: de la Molle, que les chefs de nos assemblées devroient annoncer d'avance les matières de nos délibérations.

Tome I.

A

Proposer de délibérer sans nul délai sur des points inopinés, ce n'est pas recueillir les suffrages, mais les surprendre.

une

Cet usage n'est bon qu'à mettre assemblée entièrement dans la main de celui qui la préside; à dépouiller les opinions de leur propre pensée, et à les circonscrire dans le cercle qu'on peut leur avoir astutieusement préparé.

2

Cet usage induit également en erreur et les esprits profonds et les esprits ardens; ceux-ci, parce que forcés d'aller trop vîte ils ne se garantissent des chûtes que par hasard; ceux-là, parce qu'accoutumés à ne juger que lorsqu'ils ont tout vu, s'ils n'ont pas le tems de tout voir, ils ne jugent que par humeur.

Aussi cet usage, lorsqu'il n'est pas l'instrument du despotisme, est-il la torche de la discorde, qui est pour le despotisme un autre moyen de renverser tout ce qui lui déplaît, d'extirper tout ce qui lui fait ombrage. Tels hommes qui se seroient paisiblement rappro chés dans la discussion préliminaire de la conversation, se repoussent dans une délibération publique et imprévue, parce que personne ne yeut avoir eu tort devant beaucoup de témoins;

et l'irascibilité de l'amour-propre appelle la guerre là où la communauté d'intérêts, et plus souvent encore la nécessité de leur rapprochement, eût négocié la paix.

En un mot, messieurs, délibérer avec soudaineté, ne convient pas à des hommes occupés d'affaires graves et publiques. C'est cette manière de les traiter lestement qui, après avoir valu à notre nation des reproches très-fondés sur sa légèreté, a fait accuser notre ordre en particulier de vouloir décider de tout sans avoir rien appris. Peut-être eût-il été plus juste d'imputer nos torts à cette confraternité, d'ailleurs intéressante, qui nous laisse rarement la force de dire non, quand l'un de nous a dit oui.

Quoi qu'il en soit, il est tems d'être un peu moins complainsans, et beaucoup plus réfléchis. Eh! pour décider la question qui nous occupe, ne suffit-il pas de penser que l'usage qu'on nous propose de proscrire, fait de nous autant d'aveugles instrumens de l'autorité? Car on ne se détermine pas librement quand on n'a pas le tems de délibérer. Aussi est-ce une coutume depuis long-tems établie chez les Anglois, qui vont apparemment devenir l'objet de notre étude, puisque nous vou

lons enfin être une nation, et qui du moins ont plus que nous l'habitude de discuter les affaires publiques, que les délibérations les plus importantes sont tellement interrompues par le premier membre qui le juge nécessaire, qu'on n'en continue aucune avant que la proposition d'ajourner la première n'ait été débattue.

Cependant, tous les députés de cette assemblée, si intérressante parce qu'elle est vraiment nationale, sont essentiellemment égaux; mais ils ont reconnu que l'homme avoit par'dessus tout besoin de réflexion : que celui qui propose un avis peut en masquer si bien les inconvéniens, en fortifier si habilement les parties foibles , que les hommes les plus clairvoyans s'y trompent au premier coup-d'œil ; enfin, ils ont senti que l'éloquence étoit une puissance dont il falloit se défier comme de toutes les autres.

Peut-être dira-t-on que le délai de vingtquatre heures demandé par M. de la Molle est trop court, et que l'expédition des af faires ne permet pas d'en accorder un plus long. Mais ces vingt-quatre heures se multiplient par le nombre de ceux qui prennent intérêt à la question proposée, et ce seroit

un hasard très - remarquable que chacun la considérât sous la même face, ce qu'on ne peut pas dire des deux ou trois instans pendant lesquels elle est discutée publiquement.. Car enfin, quelqu'intégrité que possède un président, un chef d'assemblée, il faut bien lui supposer l'adresse de fixer l'attention, au moins dans les premiers momens, sur la partie de son avis la plus à l'abri de la critique. En un mot, le choix des inconvéniens est la première des nécessités humaines; et je ne vois aucune comparaison entre les inconvéniens, si toutefois il en est, des propositions abandonnées aux réflexions préliminaires de vingt-quatre heures, et ceux des délibérations soudaines et inopinées.

Eh! combien notre précipitation ne devient-elle pas plus dangereuse, plus condamnable quand il s'agit de ces questions aussi neuves qu'importantes, où nos intérêts, que nous passons pour si bien connoître, sont confondus avec d'autres intérêts que nous sommes accusés de connoître si mal; où nous pouvons être légitimement atteints de nous décider vite, de crainte de nous déterminer avec équité; où, plutôt que de faire un pas vers

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