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La cause générale
des déformations de l'écorce terrestre

et la dérive des continents

C'est devenu un lieu commun de répéter que l'hypothèse ne doit être qu'un moyen de travail, qu'elle doit être soumise, avant d'être admise, à une critique sévère, et qu'une fois adoptée, clle doit être vérifiée le plus souvent possible. « Il va sans dire », a écrit quelque part Henri Poincaré, « que si elle ne supporte pas cette épreuve, on doit l'abandonner sans arrière-pensée. C'est bien ce qu'on fait, mais quelquefois avec une certaine mauvaise humeur »> (1).

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Plus les hypothèses auxquelles on est forcé de recourir sont nombreuses, plus il importe que le contrôle en soit sévère et sans lacunes, et qu'on ne cesse pas de le tenir à jour, faute de quoi, insensiblement, on en vient à perdre de vue l'origine toute conjecturale de certaines d'entre elles, et à leur laisser prendre figure de vérités incontestables.

Tel semble bien être, pour le moment, le cas de la géologie. Le pilotis qui soutient son édifice doctrinal, dans. certaines de ses parties, s'accommode fort mal de la surcharge importante des acquisitions nouvelles, journellement apportées par l'observation. Dans la construction des lézardes apparaissent, qui, chez les uns, provoquent cette mauvaise humeur dont parlait Henri Poincaré,

(1) La Science et l'hypothèse, p. 278.

tandis que les autres en prennent occasion pour prédire la ruine de quelques parties maîtresses du monument et s'employer de leur mieux à la précipiter.

Au nombre des doctrines les plus menacées, il faut placer celles qui cherchent l'explication des déformations de l'écorce terrestre dans la contraction due au refroidissement. Après avoir connu, pendant près d'un siècle, une faveur presque universelle, cette conception tout hypothétique connaît la disgrâce. Les tectoniciens les plus avertis sont bien près d'être unanimes à la considérer comme insuffisante, et les plus hardis d'entre eux proclament sa déchéance.

Les doutes qui, depuis longtemps, se faisaient jour un peu partout à son sujet, ont trouvé récemment un nouvel aliment dans l'agitation soulevée par la diffusion de la théorie des translations continentales ou de la dérive des continents, due au géophysicien allemand Alfred Wegener.

Selon les vues classiques, les continents actuels ont pour charpente les parties les plus résistantes de l'écorce terrestre, celles qui ont échappé aux grands effondrements et aux flexions qui ont fait naître les dépressions occupées par les océans. A la surface du globe, leur position est fixe, et chacun de leurs points peut être déterminé par des coordonnées précises et constantes, à peu de chose près.

D'après Wegener, cette conception serait entièrement fallacieuse, et ce que nous appelons terre ferme ne serait que des sortes de radeaux, formés de roches relativement légères, flottant sur une couche fluide, de densité un peu plus forte qu'eux-mêmes. Leur partie visible, comme celle des icebergs des mers polaires, serait maintenue en relief grâce à l'existence d'une masse immergée beaucoup plus importante et, de même que les glaces flottantes sont souvent entraînées au loin par les flots de l'océan, ils auraient dérivé, au cours des âges, avec des vitesses variables, de manière à s'écarter l'un de l'autre.

Dans cette conception, la latitude et la longitude d'un point de la surface des terres émergées cessent d'être constantes elles ne peuvent s'exprimer avec quelque rigueur, que pour un instant donné. D'un continent à l'autre, la distance doit être variable, car il n'y a aucune raison de croire que la dérive soit terminée, et les partisans de la nouvelle doctrine ne manquent pas d'invoquer certaines mesures, qui paraissent leur donner raison.

Pour eux, l'Amérique s'éloigne de l'Europe et de l'Afrique et la largeur de l'Atlantique augmente; bien plus, c'est à la dérive même qu'ils attribuent la formation de cet océan, qui ne serait autre que la fracture, démesurément élargie, qui aurait autrefois séparé l'un de l'autre des rivages actuels, autrefois contigus.

Dans une publication récente, riche de substance, M. Emile Argand a enregistré, non sans quelque humour, la division des géologues en deux camps, celui des << fixistes» et celui des « mobilistes », que séparent des divergences, apparemment profondes, dont il se peut toutefois, à bien examiner les choses, qu'on se soit exagéré l'importance.

L'appareillage des mobilistes contre les fixistes va-t-il prendre les proportions de la querelle célèbre qui, aux temps héroïques de la géologie, opposa les plutoniens aux neptuniens ? Forcés d'abandonner la contraction terrestre, nous porterons-nous aux extrêmes, en adhérant au mobilisme radical, ou quelque opinion intermédiaire, modérée, nous offrira-t-elle un refuge commode, en attendant plus ample informé ?

C'est à l'examen des diverses faces de ce problème que sera consacrée la suite du présent article.

§ 1. Le procès de la contraction

Entrevue déjà par Descartes, puis par Cordier, mais exposée pour la première fois dès 1829 (1), et déve

(1) Elie de Beaumont, Recherches sur quelques-unes des Révolutions

loppée en détail en 1852 (1) par Elie de Beaumont, la théorie de la contraction n'a pas été admise aussi facilement ni aussi universellement qu'on pourrait croire. Il ne peut être question ici d'en recommencer l'historique, dont la plupart des traités classiques contiennent l'exposé. Des pages excellentes, qui n'ont pas vieilli, ont été consacrées à cet objet, en 1888, par mon vénéré maître Ch. de la Vallée Poussin, qui fut le premier à enseigner la géologie sur des bases vraiment scientifiques à l'Université de Louvain.

La théorie d'Elie de Beaumont y est présentée en un raccourci d'une clarté et d'une précision parfaites. Je ne résiste pas au plaisir d'en citer le texte en entier, en y soulignant quelques passages où s'affirment le sens critique pénétrant et la sûreté d'information de l'auteur, qui, sur plus d'un point essentiel, a devancé la science de son temps.

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L'idée ne trouva sa formule précise que sous la plume d'Elie de Beaumont. Personne n'ignore que, d'après lui, les grands dérangements de terrains dérivent de l'enveloppe solide de la Terre devenue trop grande avec le temps pour recouvrir exactement une masse interne encore fluide, sur laquelle elle se doit reposer et qui se contracte en se refroidissant. Pour y rester appliquée, l'écorce, en se rapprochant du centre, subit une compression tangentielle, qui lui fait perdre de son ampleur elle se déforme et se partage en compartiments plus ou moins étendus, séparés par des rides correspondant aux zones de moindre résistance.

de la surface du globe, présentant divers exemples de coincidence entre le redressement des couches de certains systèmes de montagnes, et les changements soudains qui ont produit les lignes de démarcation qu'on observe entre certains étages consécutifs des terrains de sédiment. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES, t. XVIII, pp. 5-25, 284-416 ; t. XIX, pp. 5-99, 174-240.

(1) Id., Notice sur les systèmes de Montagnes, Paris, 1852. (3 vol. in-36).

Que de traits géographiques ou géologiques s'encadrent heureusement dans cette conception où la grandeur s'unit à la simplicité ! Elle a l'avantage d'enchaîner les principaux accidents du globe à la doctrine universellement acceptée sur l'évolution des astres par concentration avec déperdition de la chaleur. Grandes flexions de l'écorce à la suite de ses déformations immanquables; contorsions des terrains pincés par la compression transversale ; alignement des volcans le long des fractures qui l'accompagnent infailliblement; dissymétrie des chaînes provoquée par le glissement tangentiel; succession et orientations variées de ces mêmes chaînes d'après les étapes du refroidissement, tout cela, et bien d'autres phénomènes accessoires, se lient et s'expliquent.

Au premier abord, on put croire que la lumière était faite ! » (1)

C'est, en effet, ce qu'on a cru jusqu'en ces dernières années, oubliant le caractère tout hypothétique du point de départ, en dépit de sages avertissements comme celui-ci, que l'on trouve sous la plume de Ch. de la Vallée Poussin, comme conclusion d'une discussion serrée : « L'hypothèse contractive a pour elle des probabilités, mais elle peut ètre fausse; et avant qu'elle soit acceptée comme une vérité, mon impression est qu'il y a du chemin à faire! » (2) Depuis l'époque, déjà ancienne, où ces lignes ont été écrites, on a beaucoup cheminé, mais d'une marche mal assurée, dans des voies incertaines, sans parvenir à lever la prudente réserve qu'elles formulent. Bien au contraire, les doutes et les obscurités n'ont cessé de s'accroître. Nous allons nous en rendre compte en examinant quelques-unes des objections les plus fortes, dont il ait été fait état.

(1) Ch. de la Vallée Poussin, La Cause générale des mouvements orogéniques. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DE BELGIQUE, 3e série, t. XVI, no 12, 1888, pp. 722-723; pp. 7-8 du tiré-à-part.

(2) Ibid., p. 736 ; p. 21 du tiré-à-part.

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