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les circonstances l'avaient introduit, Witz témoignait de l'importance des services rendus par les principes généraux de la Science, pour la réalisation des progrès dans les applications. Et il se trouvait dès lors autorisé, par des titres personnels, à apprendre à la grande industrie locale ce qu'elle pouvait attendre de lui, à redire du haut de sa chaire la déclaration de Marc Seguin dans son grand ouvrage sur les chemins de fer, déclaration que s'était plu à rappeler dans son éloge, le secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, M. É. Picard : « L'industrie est la vie des peuples civilisés. C'est donc à son développement que doivent tendre tous les talents, toutes les intelligences; c'est autour de ce puissant levier que doivent se réunir les esprits supérieurs qui aspirent à l'honneur de concourir à notre régénération sociale ». A ce noble but, Witz a consacré sa vie. Pendant cinquante ans, il a marché à l'avant-garde du progrès social, éclairant la route aux industriels du Nord, par son labeur, par ses conseils, par ses disciples.

Avant lui, le mode d'action des parois était discuté. Il a cessé de l'être depuis ses mesures. Son étude eut par surcroît cette conséquence inattendue de lui ouvrir une voie nouvelle. Il apparut, en effet, clairement, dès que l'importance de ce facteur dans les opérations thermiques eut été établie, que son action devait se manifester dans les phénomènes les plus rapides, comme les phénomènes explosifs.

Or, à ce moment, les moteurs à gaz naissaient à la vie industrielle. Witz fut ainsi conduit à les étudier. Ce furent ses Études sur les moteurs à gaz tonnant qui vinrent ouvrir la série des grands mémoires, fondements de sa renommée, et l'amenèrent à mettre sur pied sa théorie des moteurs à gaz, devenue classique.

Cette théorie, doublée des expériences nombreuses qui avaient été instituées, a permis d'établir l'avantage des hautes températures et des hautes pressions explo

sives, le bénéfice des fortes compressions et des longues détentes; elle a montré la supériorité des moteurs à explosion sur les moteurs à combustion; elle a éclairé les inventeurs en leur indiquant le but qu'ils devaient éviter. Lorsque, plusieurs années après, le moteur Diesel est venu, cette théorie a pu montrer que son rendement élevé avait été prévu par elle.

Witz fut un précurseur dans la voie féconde des moteurs

à gaz.

Il ne cessait cependant de multiplier les expériences sur les moteurs, sur l'emploi des gaz de hauts-fourneaux, du gaz à l'eau, et d'augmenter par là le nombre des inventeurs qui trouvaient en lui direction et conseils.

A mesure que croissaient l'importance et la variété des essais auxquels il se livrait, le conseiller du petit nombre se transformait pour devenir le guide de tous. Il offrait libéralement au public, sous forme de publications techniques, la riche moisson documentaire réunie par ses soins et parvenue, entre ses mains, à la maturité ; et le public, contrairement à son habitude, lui témoignait sa reconnaissance en enlevant cinq éditions successives d'une œuvre purement scientifique.

La notoriété de Witz sur tout ce qui touche aux machines à vapeur et aux moteurs à gaz, est devenue si considérable qu'il sera toujours difficile d'écrire sur ces remarquables machines, sans citer son nom.

La vivacité de son esprit l'empêchait cependant de se cantonner dans ce domaine. Physicien érudit, il a publié sur l'électricité de nombreux mémoires spéciaux, tels ceux sur les intensités des champs magnétiques terrestres, sur l'énergie nécessitée par la création des champs, et nombre d'autres. Expérimentateur habile, il a su rendre visibles les lignes de force d'un champ magnétique, et, dans une autre voie, fait d'ingénieuses expériences sur la dépense d'énergie réellement transformée en lumière dans les divers modes d'éclairage.

En physique comme en mécanique, Witz a affirmé sa maîtrise.

Il s'est rangé, par ses découvertes, dans cette catégorie d'hommes, assez répandus dans les laboratoires scientifiques, qui, sans souci des conséquences, travaillent fiévreusement pour savoir davantage, pour étendre leur entendement, pour connaître « la joie de connaître ». Mais, de son laboratoire, il s'efforçait de répandre les résultats de son labeur dans la libre atmosphère que respirait la foule, assuré que les applications de la science ne pouvaient être indifférentes à personne, et il les disséminait libéralement.

Il s'était épris de sa tâche de professeur, au point d'avoir fait de son laboratoire un amphithéâtre, où il travaillait toutes fenêtres ouvertes. Pour le voir, pour l'entendre, des ingénieurs, des praticiens, se mêlaient à ses étudiants ordinaires; pour eux, il savait allier la technique à la science, et faire sentir à tous la même envie sincère de les instruire.

Outre les qualités essentielles aux grands professeurs, Witz avait encore celles qui les rendent aimables à leurs disciples; aussi, assure-t-on que, dans des conférences spéciales qu'il faisait à leur intention, il oubliait, en parlant aux jeunes filles, le conseil prudent de Fontenelle : « De dépouiller complètement devant elles, le carac» tère de savant et de philosophe, caractère cependant >> presque indélébile, et dont elles aperçoivent bien >> finement et avec bien du dégoût les traces les plus » légères». Witz avait réussi à attirer et à retenir captif son sémillant auditoire, avec les seules ressources de la météorologie, de l'électricité, des mines de potasse, du pétrole alsacien et des conseils sur l'utilisation rationnelle des combustibles! Il était plus facile à Witz de dépouiller la science de son aridité, que sa propre personne de son caractère d'apôtre.

Chez lui, le conférencier ne faisait pas tort à l'histo

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rien il trouvait sa fin naturelle dans la recherche de la vérité, et ses plus hautes inspirations dans l'évocation des hommes qui avaient le plus honoré son pays, Pascal, Descartes, Sadi-Carnot. « Il en coûte de l'avouer, disaitil, avant que MM. Le Chatelier et Daniel Berthelot eussent rendu à la mémoire de Sadi-Carnot le reconnaissant hommage des ingénieurs et des physiciens l'histoire de l'auteur des Réflexions sur la puissance motrice du feu n'est pas assez connue en France, bien que dans toute l'étendue des sciences il ne soit rien de plus grand que son œuvre. » De cette grande œuvre, Witz a contribué à répandre le bienfait dans le public par la belle page d'histoire qu'elle lui inspira, page si glorieuse pour la France, si éloquente aussi pour les savants, auxquels elle apprenait du même coup quelle avait été la méthode du maître et comment il l'avait suivie.

A cet enseignement, Witz avait conformé sa vie. << Il raisonnait avec son esprit, ne rêvait pas avec son imagination et livrait le moins qu'il pouvait à l'audace des spéculations hasardées. Il surajoutait étroitement l'utile à la théorie et voulait rester un constructeur de réalités. Ses vues théoriques le conduisaient à la pratique, et celle-ci lui suggérait des considérations relevant de la science pure. »>

Par là, le savant, l'ingénieur, l'historien sont demeurés en sa personne, dans une dépendance étroite et dans une remarquable collaboration, unis en une trinité bienfaisante, uniquement inspirée du souci de se dévouer à l'intérêt public.

Le désir de conserver à de jeunes générations un aussi noble exemple, a dicté la résolution du Comité qui nous invite à saluer en ce jour, dans cet amphithéâtre, où il travailla et enseigna sa vie durant, ce buste qui reproduit les traits de Witz.

Nous sommes venus en nombre, revoir ces yeux qui brillèrent d'un si vif éclat, voir remuer ces lèvres qui

gagnèrent tant d'auditoires, qui, entre ces murs, appelèrent à la vie tant de choses et tant d'idées, et qu'un artiste habile vient de rappeler à l'existence. Entendez-les, Messieurs, ces lèvres, elles répètent en ce moment la confession de Witz: « Ce n'est pas pour collectionner des faits nouveaux ou recueillir des recettes utiles que l'homme de science prodigue ses peines et prolonge ses veilles ; ce n'est pas dans le seul but d'améliorer le sort de ses semblables en construisant une machine qui décuple les forces de l'humanité. Quelque noble que soit cette ambition, l'objectif du savant est plus grand encore. Dans les phénomènes qu'il analyse, il cherche des causes et des lois, il y découvre des harmonies mystérieuses et ainsi il s'élève dans une région supérieure, d'où il ne tarde pas à apercevoir Celui qui est l'origine de toutes choses ».

Les vibrations de ce bronze, animé par l'âme de Witz, sont de celles qui résonnent à l'unisson de ces grandes voix qui s'en vont clamant par le monde la noblesse et la beauté du travail, la grandeur de l'homme qui se dévoue à l'intérêt public, de l'homme qui sait poursuivre sans faiblesse son destin, répétant jusqu'au bout la devise qui fut celle de Witz: « Servez-vous les uns les autres, aimez-vous les uns les autres ».

A de tels hommes, la patrie entière doit sa reconnaissance, et l'Académie apporte le tribut de son admiration.

CHARLES BARROIS,

Vice-Président de l'Académie des Sciences.

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