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les végétaux; on ne connaît pas de plante qui en soit entièrement dépourvue; la tige de certaines graminées, du maïs, du sorgho, mais surtout de la canne, en contient en telle quantité, qu'il est facile de le retirer à l'état cristallin; la sève de divers arbres, de l'érable à sucre en particulier, est également riche en saccharose; mais, dans les régions tempérées, la plante saccharifère par excellence est la betterave dont la richesse en sucre peut atteindre 23.

Il n'y a guère qu'un demi-siècle que l'on s'est préoccupé de la genèse du saccharose chez les végétaux, longtemps après que la technique sucrière fût au point. Il s'éleva en France une dispute passablement vive à laquelle prirent part les représentants les plus qualifiés de la science du moment : Claude Bernard, Pasteur, Berthelot. Il s'agissait de savoir d'où la racine de betterave tire le sucre qu'elle met en réserve.

L'opinion admise dès cette époque, à la suite de nombreuses recherches sur l'assimilation chlorophyllienne, était parfaitement nette : la matière organique, disaiton, est élaborée dans les cellules vertes et là seulement; les canaux du liber la distribuent ensuite à tous les niveaux de la plante; dans la profondeur des tissus, elle peut être remaniée, il n'en reste pas moins que la cellule chlorophyllienne est à l'origine. Pour le sucre notamment, rien de plus simple le parenchyme vert des feuilles de betterave se remplit, à la lumière, de granules amylacés qui, ultérieurement, sont solubilisés et saccharifiés par la diastase; le glucose résultant de cette transformation s'achemine, par les pétioles, jusqu'à la racine qui le condense à l'état de saccharose.

Claude Bernard souleva des objections contre cette théorie de la saccharogénie; il admettait difficilement le rôle exclusif des parties aériennes dans la synthèse des hydrates de carbone, alléguant ce fait banal que la pratique de l'effeuillage n'empêche pas certaines variétés

de betteraves cultivées pour les bestiaux d'acquérir un volume considérable. L'éminent physiologiste venait de découvrir dans le foie des mammifères une sorte d'amidon, le glycogène; or, disait-il, «les animaux n'ont ni feuilles ni chlorophylle et cependant ils forment du sucre et de l'amidon » (1). Entendait-il par là que le pigment chlorophyllien n'est pas indispensable à l'élaboration de la matière organique ? En ce cas, il faudrait mettre au compte de l'auteur de l'Introduction à l'étude de la Médecine expérimentale, la plus forte méprise qui se puisse imaginer en biologie; s'il est un fait scientifiquement démontré, c'est bien celui de l'assimilation chlorophyllienne, source de toute substance organique à la surface du globe (2).

On eut vite fait de prouver que la pratique de l'effeuillage diminue le rendement de la betterave en poids et en sucre. Claude Bernard n'en persista pas moins dans son attitude, ne cessant pas de mettre en doute la présence d'amidon authentique dans le parenchyme chlorophyllien et la migration des produits saccharoïdes de la feuille vers les autres parties de la plante. Peu documenté sur le cas de la betterave et assez mal à l'aise dans les ques

(1) Claude Bernard, C. R. Ac. Sc., 1875, t. 81, p. 100. On a peine à comprendre cette confusion de Claude Bernard en ce qui concerne la genèse de la matière amylacée. Le glycogène prend naissance dans le foie des mammifères, exactement de la même manière que l'amidon à l'intérieur d'un tubercule de pomme de terre. Dans un cas comme dans l'autre, les matériaux amenés à pied d'œuvre sont des sucres simples, du glucose principalement ; le tissu hépatique aussi bien que le parenchyme de la pomme de terre, se bornent à condenser les hexoses à l'état de glycogène ou d'amidon, ils ne les ont pas élaborés. Mais tandis que les sucres délivrés au foie par les vaisseaux sanguins proviennent des aliments, ceux que reçoit le tubercule de pomme de terre tirent leur origine de la plante elle-même, des feuilles opérant à la lumière la synthèse de la matière organique. A ce titre, il est parfaitement exact d'affirmer que la chlorophylle est indispensable à l'élaboration de l'amidon.

(2) Sans doute, nous savons convertir artificiellement en matière organique le charbon de l'acide carbonique, mais à quel prix !

tions de physiologie végétale, il eût néanmoins été forcé de se rendre à bref délai aux arguments de ses adversaires si les botanistes eux-mêmes ne lui avaient fourni l'occasion de clore le débat à son avantage. Duchartre, alors professeur de botanique à la Sorbonne et collègue de Claude Bernard à l'Académie des Sciences, eut le tort de vouloir apporter des précisions sur la formation du sucre dans la betterave. « C'est à l'état d'amidon, affirmat-il, que se produit l'hydrate de carbone qui, déjà dans le pétiole, se montre en grande partie à l'état de glycose et que l'action spéciale des cellules n'aura qu'à faire passer à l'état de sucre de canne. » L'opinion de Duchartre fit scandale. Pasteur ne pouvait comprendre qu'un organisme fabriquât du saccharose aux dépens du glucose seulement : « Je suis très disposé à croire, disait-il, que si l'on trouvait un jour un amidon pouvant se transformer en saccharose, cet amidon ne serait pas du tout l'amidon que nous connaissons. » Pour les mêmes raisons, il semblait nécessaire à Berthelot d'admettre la présence simultanée du glucose et du lévulose et non du glucose seul pour expliquer la formation du saccharose, à moins de supposer que le sucre est formé de prime-saut dans les végétaux.

Claude Bernard n'eut pas de peine à écraser les botanistes sous le poids de ces témoignages; lui-même certifia que le pétiole des feuilles de betterave renferme non pas de l'amidon ni de la simple glycose, mais du sucre interverti. « Je m'en suis assuré directement, dit-il, et notre confrère (Duchartre) peut le vérifier quand il voudra. » Puis il prononça la clôture du débat : « Ainsi se trouve close la discussion, ne pouvant plus continuer utilement »> (1).

Ce sucre interverti, que l'illustre physiologiste trou

(1) Il faut suivre, dans les C. R. de l'Académie (t. 81, 1875), les péripéties de cette querelle retentissante.

vait dans les pétioles des feuilles de betterave, n'est en réalité, nous le savons aujourd'hui d'une façon certaine (1), qu'un mélange fortement dextrogyre d'une petite quantité de saccharose et d'une masse de sucre réducteur où domine le glucose. C'est donc bien à tort que Claude Bernard proclamait le débat terminé; il ne faisait au contraire que s'ouvrir et la question précise qui se posait était de savoir exactement ce que renferment les feuilles et les pétioles en fait de principes hydrocarbonés. Tant il est vrai que les théories les plus hautement patronnées restent à la merci d'une analyse plus rigoureuse, d'une observation plus attentive.

L'opinion de Bernard, de Pasteur et de Berthelot devait fatalement s'effondrer le jour où serait reconnue la prédominance du glucose sur le fructose à la base même. des pétioles de betterave, au voisinage immédiat de la souche. Ce qui ne veut pas dire que la suite ait pleinement confirmé les vues de Duchartre; si l'auteur voyait juste quand il soutenait que la racine de betterave peut parfaitement fabriquer du sucre cristallisable aux dépens du glucose,il s'écartait de la vérité en affirmant que l'amidon est, en définitive, la matière première du sucre. En effet, les feuilles de la betterave ne renferment pas normalement de granules amylacés sinon dans les plantes très jeunes. Duchartre prenait sans doute pour des grains d'amidon les corpuscules aujourd'hui encore mal définis qui, sous l'action de l'iode, se colorent en brun foncé, à moins qu'il ne se soit contenté d'étendre à la betterave ce que l'on savait d'un grand nombre de plantes, des feuilles de topinambour notamment. De toute façon, il n'avait pas caractérisé chimiquement l'amidon chlorophyllien et méritait de ce chef les reproches justifiés que Claude Bernard adressait en ces termes aux botanis

(1) Voir H. Colin, Le S iccharose dans la Betterave, REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE, t. XXVIII, 1916, p. 289 et t. XXIX, 1917, p. 21.

tes : « Cet amidon auquel on fait jouer un si grand rôle dans les végétaux, n'a guère été constaté, jusqu'à présent, que par les caractères microscopiques de la polarisation ou de la coloration bleue par l'iode... Au point de vue absolu de la méthode expérimentale, ces caractères sont empiriques et ne suffisent pas; on sait, en effet, combien la microchimie est souvent délicate et infidèle. Il serait nécessaire d'extraire cet amidon des feuilles, afin qu'un chimiste puisse en avoir entre les mains une certaine quantité pour en étudier les propriétés chimiques » (1).

Ces discussions passionnées eurent pour effet de susciter de nouvelles recherches sur la nature des principes hydrocarbonés contenus dans les feuilles, de sorte que, vers 1880, il était acquis que les limbes des feuilles de betterave renferment du saccharose et du sucre réducteur. On ne doutait pas que ce dernier ne fût élaboré par les feuilles, mais le saccharose prenait-il naissance, lui aussi, dans le parenchyme chlorophyllien, ou provenait-il de la racine? On hésitait encore à se prononcer lorsque A. Girard (2) se mit à l'œuvre.

Son grand mérite fut de prouver d'une façon péremptoire 1o que les limbes des feuilles de betterave contiennent du réducteur libre et du sucre cristallisable; 2o que celui-ci se forme dans les feuilles exposées à la lumière, alors même qu'elles sont séparées de la souche. Dès lors, il n'était plus possible de faire venir de la racine, le sucre présent dans les feuilles.

Relativement à la genèse du saccharose dans la souche, il paraissait tout indiqué d'admettre que la matière première en était le mélange de sucres élaboré dans la feuille. Girard préféra ressusciter l'opinion soutenue quelques années auparavant par Viollette, alors doyen de la Faculté

p. 1231.

(1) Claude Bernard, C. R. Ac. Sc., 1875, t. 81, (2) A. Girard, C. R. Ac. Sc., 1883, t. 97, p. 1305 et 1894, t. 91, p. 808 et ANN. INST. AGRON., 1884-1885.

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