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I.ER SERMON

POUR LA FÊTE

DE L'ANNONCIATION.

Grandeur du mystère de l'incarnation. Ordre merveilleux qui y est gardé. Méthode dont Dieu se sert pour guérir notre orgueil. Sentimens dans lesquels nous devons entrer à la vue des abaissemens du Verbe incarné. Combien son appauvrissement est étonnant: de quelle manière il relève la bassesse de notre nature.

Beatus venter qui te portavit.

Bienheureuses les entrailles qui vous ont porté. Luc. x1. 27.

DANS cette auguste journée, en laquelle le Père céleste avoit résolu d'associer la divine Vierge à sa génération éternelle, en la faisant Mère de son Fils unique; comme il savoit, chrétiens, que la fécondité de la nature n'étoit pas capable d'atteindre à un ouvrage si haut, il résolut aussi tout ensemble de lui communiquer un rayon de sa fécondité infinie. Aussitôt qu'il l'eut ainsi ordonné, cette chaste et bénite créature parut tout d'un coup environnée de son Saint-Esprit, et couverte de toutes parts de l'ombre de sa vertu toute-puissante. Le Père éternel s'approche en personne, qui ayant engendré en elle BOSSUET. XV.

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ce même Fils tout-puissant qu'il engendre en luimême devant tous les siècles; par un miracle surprenant, une femme devient la mère d'un Dieu; et celui qui est si grand et si infini, si je puis parler de la sorte, qu'il n'avoit pu jusqu'alors être contenu que dans l'immensité du sein paternel, se trouve en un instant renfermé dans ses entrailles bienheu

reuses.

Cependant comme Dieu lui-même avoit entrepris la formation de ce corps dont le Verbe devoit être revêtu, la nature et la convoitise, qui ont accoutumé de s'unir dans les conceptions ordinaires, eurent ordre de se retirer; ou plutôt la convoitise, déjà éloignée depuis fort long-temps du corps et de l'esprit de Marie, n'osa pas seulement paroître dans ce mystère de grâce et de sainteté et pour ce qui est de la nature, qui est toujours respectueuse envers son auteur, elle n'avoit garde de mettre la main dans un ouvrage qu'il entreprenoit d'une manière si haute; mais s'arrêtant à considérer, non sans un profond étonnement, cette nouvelle manière de former et de faire naître un corps humain, elle crut que toutes ses lois alloient être à jamais renversées. C'est à peu près, chrétiens, ce qui s'accomplit aujourd'hui dans les entrailles de la sainte Vierge, et ce qui nous oblige de nous écrier avec cette femme de notre Evangile, qu'elles sont vraiment bienheureuses. Mais comme le fond d'un si grand mystère est entièrement impénétrable, je n'ose pas seulement penser à vous en donner l'explication; et je me contenterai, chrétiens, de demander humblement à Dieu, qu'il lui plaise me

donner ses saintes lumières, pour vous faire entendre les fruits infinis qui en reviennent à notre nature : encore cette grâce est-elle si grande, que je n'ose pas espérer de l'obtenir de moi-même.

Ce n'est plus une femme particulière, c'est toute l'Eglise catholique, qui, adorant aujourd'hui le Verbe divin incarné dans les entrailles de la sainte Vierge, s'écrie avec transport, que ces entrailles sont bienheureuses, dans lesquelles s'est accompli un si grand mystère. Je me propose de vous faire entendre, autant que ma médiocrité le pourra permettre, la force de cette parole; et comme le bonheur de la sainte Vierge ne consiste pas seulement dans les grâces qui lui sont données, mais dans celles que nous recevons par son entremise, je vous expliquerai, si Dieu le permet, le miracle qui s'est fait en elle pour notre commune félicité; afin que vous compreniez avec combien de raison ses entrailles sont appelées bienheureuses. Je suivrai dans cette matière les traces que saint Augustin nous a marquées, et je réduirai à trois chefs ce qui s'opère aujourd'hui dans la sainte Vierge. « Regardez, dit » ce saint évêque, cette chaste servante de Dieu, » vierge et mère tout ensemble »: Attende ancillam illam castam, et virginem et matrem. « C'est là » que le Fils de Dieu a pris la forme d'esclave, » c'est là qu'il s'est appauvri, c'est là qu'il a enrichi » les hommes » : Ibi accepit formam servi..., ibi se pauperavit, ibi nos ditavit (1). Voilà trois choses, mes Sœurs, que cette sainte journée a vues s'accom

(1) In Ps. Ci, Serm. 1, n. 1, tom. XV,

col. 1092.

plir dans les entrailles de la sainte Vierge, l'humiliation, l'appauvrissement, permettez-moi d'user de ce mot, la libéralité du Verbe fait chair. Il y a pris la forme d'esclave, voilà qui marque l'humiliation; il y a pris notre pauvreté, vous voyez comme il s'est ainsi appauvri lui-même; il nous a communiqué ses richesses, c'est par-là qu'il a exercé sur nous sa libéralité infinie. Ce sont, mes Sœurs, les trois grands ouvrages dans lesquels saint Augustin a cru renfermer tout ce qui s'accomplit aujourd'hui.

Et en effet, si nous entendons l'ordre et l'économie du mystère, nous verrons que tout est compris dans ces trois paroles: car, pour remonter jusqu'au principe, ce Dieu, qui prend une chair humaine dans le ventre sacré de Marie, ne se charge de notre nature, que dans le dessein de la réparer; et pour cela trois choses étoient nécessaires, de confondre notre orgueil, de relever notre bassesse, d'enrichir notre pauvreté. Il falloit confondre l'orgueil, qui étoit la plus grande plaie de notre nature, et le plus grand obstacle à la guérison; et pour cela est-il rien de plus efficace que de voir un Dieu rabaissé jusqu'à prendre la forme d'esclave? Mais l'ouvrage de notre salut n'est pas encore achevé, et l'orgueil étant confondu, il faut encourager la foiblesse ; de peur que notre nature n'étant plus occupée que son néant, n'osât pas même s'approcher de Dieu, ni même regarder le ciel; et au lieu qu'elle se perdoit par l'orgueil, elle ne pérît encore plus par le désespoir. Pour lui donner du courage, « Dieu se fait » pauvre, dit saint Augustin (1); de peur que l'homme (1) Ubi suprà.

de

» pauvre et misérable, étant effrayé par l'éclat et la » pompe de ses richesses, n'ose pas s'approcher de » lui avec sa pauvreté et sa misère »: Accepit paupertatem nostram, ne divitias ejus expavesceres, et ad eum accedere cum tua paupertate non auderes. Ayant donc ainsi relevé notre courage abattu, que reste-t-il maintenant à faire, sinon qu'il rende le bien à ceux auxquels il a déjà rendu l'espérance? et c'est ce qu'il fait, se donnant à nous avec ses trésors et ses grâces par son incarnation bienheureuse; par où vous découvrez maintenant la suite des paroles de saint Augustin, et tout ensemble l'ordre merveilleux du mystère qui s'accomplit en la sainte Vierge. O entrailles vraiment bienheureuses, dans lesquelles la nature humaine reçoit tant de grâces! « Là un Dieu a pris la forme d'esclave », afin de confondre notre orgueil : Ibi accepit formam servi: « là un Dieu s'est revêtu de notre indigence », afin d'encourager notre bassesse: ibi se pauperavit : « là un Dieu se donne lui-même avec tous ses biens », afin d'enrichir, notre pauvreté : ibi nos ditavit. Dieu me fasse la grâce, mes Sœurs, d'expliquer saintement ces trois vérités, qui feront le partage de ce discours.

PREMIER POINT.

Tous les saints Pères ont dit, d'un commun accord, que l'orgueil étoit le principe de notre ruine; et la raison en est évidente. Nous apprenons, par les saintes Lettres, que le genre humain est tombé par l'impulsion de Satan. Cet esprit superbe est tombé sur nous comme un grand bâtiment qu'on jette

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