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TROISIÈME POINT

DU MÊME
MÊME SERMON,

PRÈCHÉ DEVANT LA REINE D'ANGLETERRE.

Caractères d'une véritable paix : quel en est le principe. Manière bien différente, dont les enfans du monde et les enfans de Dieu la considèrent. Discours à la Reine d'Angleterre.

ENCORE que cette paix admirable de toutes les nations chrétiennes, paix si sagement ménagée, si glorieusement conclue et si saintement affermie (*), soit un illustre présent du ciel, et un gage de la bonté de Dieu envers les hommes; néanmoins ce ne sera pas cette paix, dont je vous expliquerai les douceurs; et celle dont je dois parler est beaucoup plus relevée, et sans comparaison plus divine: car je dois parler de la paix qui fait que l'ame de la sainte Vierge, possédant le Fils de Dieu en elle-même,

(*) Ce troisième point embrasse la même matière qui est traitée dans le dernier point du sermon précédent; mais les différences considérables qu'il renferme, nous ont engagé à le donner ici en entier.

La paix dont il est ici question, est celle des Pyrénées, conclue entre la France et l'Espagne dans l'île des Faisans, au mois de novembre 1659, après une guerre de vingt-cinq ans. Le mariage de I'Infante avec Louis XIV fut un des principaux articles de cette paix; et c'est ce qui fait dire à Bossuet, qu'elle a été saintement affermie. (Edit. de Déforis.)

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glorifie le saint nom de Dieu, et se réjouit de tout son esprit en Dieu son Sauveur. Qui ne voit que cette paix toute céleste, que Dieu donne, est infiniment au-dessus de celle que les hommes négocient? Et néanmoins cette paix humaine étant un crayon, et une ombre de la paix divine et spirituelle dont je dois vous entretenir, servons-nous de cette image imparfaite, pour remonter jusques au principe ́original, et prendre une idée certaine de la vérité,

Je demande avant toutes choses, que concevonsnous dans la paix, et que veut dire ce mot? N'en recherchons pas, chrétiens, des définitions éloignées; mais que chacun de nous s'explique à lui-même ce qu'il entend par la paix. Paix, premièrement, signifie repos : dans la guerre, on s'agite et on se remue; dans la paix, on respire et on se repose. C'est pourquoi on aime la paix; parce que la nature humaine étant presque toujours agitée, rien ne doit tant flatter son inquiétude que la douceur du repos, qui soulage son travail et relâche sa contention.

Mais en disant que la paix est un repos, l'avonsnous entièrement expliquée ? en avons-nous formé l'idée toute entière? Il me semble, pour moi, que ce mot de paix a encore quelque chose de plus touchant; et voici ce que c'est, si je ne me trompe : c'est que le repos peut être fort court, et la paix nous fait espérer une longue tranquillité. En effet, n'avonsnous pas vu, que lorsqu'on a publié la suspension d'armes, comme un préparatif à la paix, on a cru voir déjà quelque commencement de repos : mais ce repos n'est pas une paix, parce qu'il n'est pas permanent. Après que le traité est conclu, et que l'al

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liance jurée établit une concorde certaine, c'est alors que la paix est faite de sorte que, pour bien expliquer la paix et en comprendre toute l'étendue, il la faut définir un repos durable, et une tranquillité permanente. Et ainsi la paix doit avoir deux choses; réjouir les cœurs par le repos, et les assurer par la consistance: c'est ce que la paix nous fait espérer, et c'est pourquoi nous l'aimons: c'est ce que la paix de ce monde ne nous donne pas; c'est pourquoi nous devons soupirer sans cesse après une paix plus divine.

Marie nous la représente dans son cantique : elle nous montre le repos et la consistance établie sur un fondement inébranlable. Quel est ce fondement, chrétiens? écoutez la divine Vierge : « Mon ame » glorifie le Seigneur, et mon esprit se réjouit en » Dieu mon Sauveur ». Mais quelle est la cause de cette joie, et d'où vient ce ravissement? C'est, ditelle, que « Dieu a jeté les yeux sur la bassesse de » sa servante »: Quia respexit humilitatem ancillæ suæ. Arrêtons-nous là, chrétiens; et ne cherchons pas plus loin le principe de cette paix, qui réjouit son ame en notre Seigneur. Ce qui produit cette paix divine, c'est le regard de Dieu sur les justes: sa bonté qui les accompagne, sa providence qui veille sur eux, c'est ce qui leur donne le repos et

la consistance.

Et afin de le bien comprendre, remarquez avec moi, dans les Ecritures, deux regards de Dieu sur les gens de bien; un regard de faveur et de bienveillance, c'est ce qui les met en repos; un regard de conduite et de protection, c'est ce qui rend leur

repos durable. Dieu ouvre sur les justes un œil de faveur; il les regarde comme un bon père, toujours prêt à écouter leurs demandes. Le roi - prophète l'exprime en ces mots : Oculi Domini super justos, et aures ejus in preces eorum (1) : « Les yeux de Dieu » sont sur les justes, et ses oreilles sont attentives à » leurs prières ». O justes, reposez-vous en celui dont la faveur et la bienveillance se déclarent envers vous si ouvertement. Mais ce repos sera-t-il durable? n'y aura-t-il rien qui le trouble et rejette vos ames dans l'agitation? Non, ne craignez rien, ô enfans de Dieu : car outre ce regard de bienveillance, il y a un regard de protection, qui prend garde aux maux qui vous menacent. « Voilà, dit le même David (2), » que les yeux de Dieu veillent continuellement sur » ceux qui le craignent, et qui établissent leur es» pérance sur sa miséricorde » : et pourquoi? « Pour » délivrer leurs ames de la mort, et les nourrir dans » la faim ». Voyez le regard de protection, par lequel Dieu veille sur les gens de bien, et empêche que le mal ne les approche. C'est pourquoi il ajoute aussitôt après : « Notre ame attend le Seigneur, » parce qu'il est notre protecteur et notre secours >> : Anima nostra sustinet Dominum; quia adjutor et protector noster est (3). Une ame ainsi regardée de Dieu, que peut-elle désirer pour avoir la paix?

C'est pourquoi l'heureuse Marie, toute pleine de cette paix admirable, ne s'occupe plus qu'à louer son Dieu dans les marques de sa faveur, dans les assurances de sa protection. « Le Tout-puissant, dit(1) Ps. xxxIII. 16. (2) Ps. XXXII. 18. - (3) Ibid. 20.

» elle, a fait en moi de grandes choses » : Fecit mihi magna qui potens est; c'est ce qui explique la faveur : Fecit potentiam in brachio suo; c'est ce qui regarde la protection. Il a fait en moi de grandes choses, par le témoignage de så faveur et l'inondation de ses grâces. Mais s'il a ouvert sur moi ses mains libérales, pour combler mon ame de biens, il a pris plaisir d'étendre son bras, pour en détourner tous les maux: Fecit potentiam in brachio suo.

Ames saintes et religieuses, ce n'est pas seulement la divine Vierge qui est honorée de ces deux regards tous les fidèles serviteurs de Dieu se réjouissent ensemble dans sa maison, à la lumière de sa faveur et sous l'ombre de sa protection toutepuissante: Sub umbra alarum tuarum protege nos (1). C'est pourquoi la paix de Dieu triomphe en leurs cœurs, comme dit l'apôtre saint Paul (2); et la marque de cette paix, c'est que le monde ne les touche plus. Car en effet, cette ame, appuyée sur Dieu, qui a mis, comme dit David, son refuge dans le Très - haut; Altissimum posuisti refugium tuum (3); jetant ensuite les yeux sur le monde, qu'elle voit bien loin à ses pieds: â Dieu, qu'il lui semble petit du haut de ce refuge inébranlable, et qu'elle le voit bien d'une autre manière que ne fait pas le commun des hommes! Elle voit toutes les grandeurs abattues, tous les superbes portés par terre; et dans ce grand renversement des choses humaines, rien ne lui paroît élevé que les simples et humbles de cœur: c'est pourquoi elle dit avec Marie: Dispersit superbos ; (2) Colos, 111. 15. (3) Ps. XC. 9.

(1) Ps. xvi. 8.

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