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ter en un cri perçant qui témoigne leur impatience. D'où vient cette ardeur violente et cette force, pour ainsi dire, de leurs désirs, sinon de la foiblesse et de l'imbécillité de leur raison?

Mais, s'il est ainsi, chrétiens, ô Dieu, qu'il y a d'enfans à cheveux gris, et qu'il y a d'enfans dans le monde! puisque nous n'y voyons autre chose que des hommes foibles en raison et impétueux en désirs. Quelle raison a cet avare qui veut avoir nécessairement ce qui l'accommode, sans autre droit que son intérêt ? quelle raison à cet adultère tant de fois maudit par la loi de Dieu, qui entreprend sur la femme de son prochain sans autre titre que sa convoitise? ne ressemblent-ils pas à des enfans, qui croient que leur volonté leur est une raison suffisante pour s'approprier ce qu'ils veulent? Mais il y a cette différence, que la nature en lâchant la bride aux violentes inclinations des enfans, leur a donné pour frein leur propre foiblesse; au lieu que les désirs de l'âge plus avancé, encore plus impétueux, n'ayant point de semblables digues, se débordent aussi sans mesure, si la raison ne les resserre et ne les restreint. Concluons donc, chrétiens, que la véritable raison et la véritable sagesse, c'est de savoir se modérer. Oui, sans doute, on sort de l'enfance, et l'on devient raisonnable à mesure qu'on sait dompter ce qu'il y a en soi de trop violent. Celui-là est un homme fait et un véritable sage qui, comme dit le docte Synésius, ne se fait pas une obligation du soin de contenter ses désirs, mais qui sait régler ses désirs suivant ses obligations; et qui, sachant peser mûrement combien la nature est féconde en mau

vaises inclinations, retranche deçà et delà, comme un jardinier soigneux, tout ce qui est gâté et superflu, afin de ne laisser croître que ce qui est capable de porter les fruits d'une véritable sagesse.

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Mais les arbres ne se plaignent pas quand on les coupe pour retrancher et diminuer l'excès de leurs branches, et la volonté réclame quand on retranche ses désirs c'est pourquoi il est malaisé que nous nous fassions nous-mêmes cette violence. Tout le monde n'a pas le courage de cette Anne la prophétesse, de cette sainte veuve de notre Evangile, pour faire effort contre soi-même, et mortifier par ses jeûnes et par ses austérités cette loi de péché qui vit en nos sens. C'est aussi pour cela, Messieurs, que Dieu vient à notre secours. La source de tous nos désordres, c'est que nous sommes trop attachés à nos volontés nous ne savons pas nous contredire, et nous trouvons plus facile de résister à Dieu qu'à nous-mêmes. Il faut nous arracher avec violence cette attache à notre volonté propre, qui fait tout notre malheur et tout notre crime. Mais comment aurons-nous le courage de toucher nous-mêmes et d'appliquer de nos propres mains le fer et le feu à une partie si tendre et si délicate? Je vois bien, dit ce malade, mon bras gangrené, et je sais qu'il n'y a de salut pour moi qu'en le séparant du corps; mais je ne puis pas le couper moi-même un chirurgien expert me rend cet office, triste, à la vérité, mais nécessaire. Ainsi je vois bien que je suis perdu, si je ne retranche cette attache à ma volonté, qui fait vivre en moi tous les mauvais désirs qui me damnent: je le confesse, je le reconnois;

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mais je n'ai ni la résolution ni la force d'armer mon bras contre moi-même. C'est Dieu qui entreprend de me traiter : c'est lui qui m'envoie par sa providence ces rencontres épineuses, ces accidens importuns, ces contrariétés imprévues et insupportables; parce qu'il veut abattre et dompter ma volonté trop licencieuse que je n'ai pas le courage d'attaquer moimême. Il la lie, il la serre, de peur qu'elle ne résiste au coup salutaire qu'il lui veut donner pour la guérir. Enfin il frappe où je suis sensible; il coupe et enfonce bien avant dans le vif, afin qu'étant pressé sous sa main suprême et sous les ordres inévitables de sa volonté, je sois enfin obligé de me détacher de la mienne et c'est là ma guérison, c'est là ma vie. Si vous savez entendre, ô mortels! comme vous êtes composés, et combien vous abondez en humeurs peccantes, vous comprendrez aisément que cette conduite vous est nécessaire. Il faut ici vous représenter en peu de paroles l'état misérable de notre nature. Nous avons deux sortes de maux : il y a des maux qui nous affligent; et, chrétiens, qui le pourroit croire? il y a des maux qui nous plaisent. Etrange distinction, mais néanmoins véritable! « Il » y a des maux, dit saint Augustin, que la patience » supporte»: ce sont les maux qui nous affligent; « et il y en a d'autres, dit le même saint, que la » tempérance modère » : ce sont les maux qui nous plaisent: Alia quæ per patientiam ferimus, alia quæ per temperantiam refrenamus (1). O pauvre et désastreuse humanité, à combien de maux es-tu exposée? nous sommes donnés en proie à mille

(1) S. Aug. contra Julian. lib. v, cap. v, n. 22, tom.'x, col. 640.

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cruelles infirmités: tout nous altère, tout nous incommode, tout nous tue; et vous diriez que quelque puissance ennemie ait soulevé contre nous toute la nature, tant il semble qu'elle prend plaisir à nous outrager de toutes parts. Mais encore ne sont-ce pas là nos plus grands malheurs notre avarice, notre ambition, nos autres passions insensées et insatiables sont des maux et de très-grands maux; mais ce sont des maux qui nous plaisent, parce que ce sont des maux qui nous flattent. O Dieu! où en sommes-nous? et quelle vie est la nôtre, si nous sommes également persécutés de ce qui nous plaît et de ce qui nous afflige! « Malheureux homme que » je suis! qui me délivrera de ce corps mortel » ? Infelix ego homo! quis me liberabit de corpore mortis hujus? Ecoute, homme misérable : « Ce sera » la grâce de Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur » : Gratia Dei per Jesum Christum Dominum nostrum (1). Il est vrai que tu éprouves deux sortes de maux; mais Dieu a disposé par sa providence que les uns servissent de remède aux autres : je veux dire que les maux qui fâchent, servent pour modérer ceux qui plaisent; ce qui est forcé, pour dompter ce qui est trop libre; ce qui survient du dehors, pour abattre ce qui se soulève et se révolte au dedans; enfin les douleurs cuisantes, pour corriger les excès de tant de passions immodérées; et les afflictions de la vie, pour nous dégoûter des vaines douceurs, et étourdir le sentiment trop vif des plaisirs.

Il est vrai, la nature souffre dans un traitement qui lui est si rude; mais ne nous plaignons pas de

(1) Rom. vII. 24, 25.

cette conduite : cette peine, c'est un remède; cette rigueur qu'on nous tient, c'est un régime. C'est ainsi qu'il faut vous traiter, ô enfans de Dieu, jusqu'à ce que votre santé soit parfaite, et que cette loi de péché qui règne en vos corps mortels soit entièrement abolie. Il importe que vous ayez des maux à souffrir, tant que vous en aurez à corriger : il importe que vous ayez des maux à souffrir, tant que vous serez au milieu des biens dans lesquels il est dangereux de se plaire trop. Ces contrariétés qui vous arrivent vous sont envoyées pour être des bornes à votre liberté qui s'égare, et un frein à vos passions qui s'emportent. C'est pourquoi Dieu, qui sait qu'il vous est utile que vos désirs soient contrariés, a tellement disposé et la nature et le monde, qu'il en sort de toutes parts des obstacles invincibles à nos desseins. C'est pour cela que la nature a tant d'infirmités, les affaires tant d'épines, les hommes tant d'injustices, leurs humeurs tant d'importunes inégalités, le monde tant d'embarras, sa faveur tant de vanité, ses rebuts tant d'amertumes, ses engagemens les plus doux tant de captivités déplorables. Nous sommes attaqués à droite et à gauche par mille différentes oppositions, afin que notre volonté, qui n'est que trop libre, apprenne enfin à se réduire, et que l'homme ainsi exercé, pressé et fatigué de toutes parts, se retourne enfin du côté du Seigneur son Dieu, et lui crie du fond de son cœur : O Seigneur! vous êtes le Maître et le Souverain; et après tout il est juste que votre créature vous serve et vous obéisse. Que si nous nous soumettons à la sainte volonté de Dieu, nous y trouverons la paix de nos ames, et

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