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AUTRE CONCLUSION

DU MÊME SERMON (*).

HELAS! quel objet funeste, mais quel exemple admirable se présente ici à mon esprit! Me sera-t-il permis en ce lieu de toucher à des plaies encore toutes récentes, et de renouveler les justes douleurs des premières personnes du monde? Grande et auguste reine, que le ciel vient d'enlever à la terre, et qui causez à tout l'univers un deuil si grand et si véritable, ce sont ces fortes pensées, c'est cette attache immuable à la souveraine volonté de Dieu, qui nous a fait voir ce miracle, et d'égalité dans votre vie, et de constance inimitable dans votre mort. Quels troubles, quels mouvemens, quels accidens imprévus ont jamais été capables de l'ébranler, ni d'étonner sa grande ame? Ne craignons pas de jeter un moment la vue sur nos dissensions passées, puisque la fermeté inébranlable de cette princesse a tellement soutenu l'effort de cette tempête, que nous pouvons maintenant nous en souvenir sans

(*) Ce morceau forme dans le manuscrit un hors d'œuvre ajouté après coup, pour appliquer le sermon à la circonstance de la mort de la Reine mère. Dans ce plan l'auteur devoit retrancher de son discours, depuis ces mots de la page 381, Mais, mes Frères, imitons en tout ce saint homme, jusqu'à la fin, pour y substituer cette péroraison. (Edit. de Déforis.)

BOSSUET. XV.

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crainte. Quand il plut à Dieu de changer en tant de maux les longues prospérités de sa sage et glorieuse régence, fut-elle abattue par ce changement? Au contraire, ne la vit-on pas toujours ferme, toujours invincible, fléchissant quelquefois par prudence, mais incapable de rien relâcher des grands intérêts de l'Etat, et attachée immuablement à conserver le sacré dépôt de l'autorité royale, unique appui du repos public, qu'elle a remise enfin toute entière entre les mains victorieuses d'un fils qui sait la maintenir avec tant de force? C'est sa foi, c'est sa piété, c'est son abandon aux ordres de Dieu, qui animoit son courage; et c'est cette même foi et ce même abandon à la Providence, qui la soutenant toujours malgré ses douleurs cruelles jusque entre les bras de la mort, lui a si bien conservé parmi les sanglots de tout le monde, et parmi les cris déplorables de ses chers et illustres enfans, cette force, cette constance, cette égalité qui n'a pas moins étonné qu'attendri tous les spectateurs.

O vie illustre? ô vie glorieuse et éternellement mémorable! mais ô vie trop courte, trop tôt précipitée! Quoi donc, nous ne verrons plus que dans une reine ce noble amas de vertus que nous admirions en deux! quoi! cette bonté, quoi! cette clémence; quoi! tant de douceur parmi tant de majesté! quoi! ce cœur si grand et vraiment royal, ces charités infinies, ces tendres compassions pour les misères publiques et particulières; enfin toutes les autres rares et incomparables qualités de la grande Anne d'Autriche ne seront plus qu'un exemple et un ornement de l'histoire! Qui nous a sitôt enlevé cette reine que

nous ne voyions point vieillir, et que les années ne changeoient pas ? comment cette merveilleuse constitution est-elle devenue si soudainement la proie de la mort? d'où est sorti ce venin? en quelle partie de ce corps si bien composé, étoit caché le foyer de cette humeur malfaisante, dont l'opiniâtre malignité a triomphé des soins, et de l'art, et des vœux de tout le monde ? O que nous ne sommes rien ! ô que la force et l'embonpoint ne sont que des noms trompeurs? Car que sert d'avoir sur le visage tant de santé et tant de vie, si cependant la corruption nous gagne au dedans, si elle attend, pour ainsi dire, à se déclarer, qu'elle se soit emparée du principe de la vie; si s'étant rendue invincible, elle sort enfin tout-à-coup avec furie de ses embûches secrètes et impénétrables pour achever de nous accabler? C'est ainsi que nous avons perdu cette grande reine qui devoit illustrer ce siècle entier; et maintenant étant arrivée au

séjour de l'éternité, elle n'est plus suivie que de ses œuvres; et de toute cette grandeur, il ne lui en reste. qu'un plus grand compte.

Et nunc reges, intelligite; erudimini, qui judicatis terram (1): « Ouvrez les yeux, arbitres du monde; >> entendez, juges de la terre ». Celui qui est le maître de votre vie, l'est-il moins de votre grandeur ? celui qui dispose de votre personne, dispose-t-il moins de votre fortune? Et si ces têtes illustres sont si fort sujettes, nous, foibles particuliers, que pensons-nous faire, et combien devons-nous être sous la main de Dieu et dépendans de ses ordres? Car sur quoi se peut assurer notre prudence tremblante? (1) Ps. 11. 10.

que tenons-nous de certain? quel fondement a notre vie? quel appui a notre fortune? et quand tout l'état présent seroit tranquille, qui nous garantira l'avenir? seront-ce les devins et les astrologues? Que je me ris de la vanité de ces faiseurs de pronostics, qui menacent qui il leur plaît, et nous font à leur gré des années fatales! esprits turbulens et inquiets, amoureux des changemens et des nouveautés, qui ne trouvant rien à remuer dans la terre, semblent vouloir nouer avec les astres des intelligences secrètes pour troubler et agiter le monde. Moquons-nous de ces vanités. Je veux qu'un homme de bien pense toujours favorablement de la fortune publique : et du moins n'avons-nous pas à craindre les astres. Non, non, le bonheur et le malheur de la vie humaine n'est pas envoyé à l'aveugle par des influences naturelles, mais dispensé avec choix par les ordres d'une sagesse et d'une justice cachée, qui punit comme il lui plaît les péchés des hommes. Ne craignons donc pas les astres; mais, mes Frères, craignons nos péchés. Croyons que le grand pape saint Grégoire parloit à nous quand il a dit ces belles paroles: Peccata nostra barbaricis viribus sociamus, et culpa nostra hostium gladios exacuit, quæ reipublicæ vires gravat (1) : Ne voyezvous pas, dit-il, que l'Etat gémit sous le poids de nos péchés, et que joignant nos crimes aux forces des ennemis, c'est nous seuls peut-être qui allons faire pencher la balance? Quand deux grands peuples se font la guerre, Dieu veut assurément se venger de l'un, et souvent de tous les deux; mais de (x) Lib. v, Ep. xx, ad Mauric. tom. 11, col. 747.

savoir par où il veut commencer, c'est ce qui passe de bien loin la portée des hommes. Nous savons qu'il a souvent commencé par les étrangers; et aussi il est écrit que souvent, « le jugement commence par » sa maison » Tempus est ut judicium incipiat à domo Dei (1). Celui qui réussit le premier n'est pas plus en sûreté que l'autre, parce que son tour viendra au temps ordonné. Dieu châtie les uns par les autres, et il châtie ordinairement ceux par lesquels il châtie les autres. Nabuchodonosor est son serviteur pour exercer ses vengeances; le même est son ennemi pour recevoir les coups de sa justice. Prenons donc garde, mes Frères, de ne mettre pas Dieu contre nous; et infidèles à notre patrie et à notre prince, ne nous joignons pas à nos ennemis, et ne les fortifions pas par nos crimes. Faisons la volonté de Dieu, et après il fera la nôtre il nous protégera dans le temps, et nous couronnera dans l'éternité, où nous conduise, etc.

(1) 1. Petr. v. 17.

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