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rité que je vous annonce. Nous devons entendre, mes Frères, qu'il y a deux enfantemens en Marie. Elle a enfanté Jésus-Christ, elle a enfanté les fidèles ; c'est-à-dire, elle a enfanté l'Innocent, elle a enfanté les pécheurs. Elle enfante l'Innocent sans peine; mais il falloit qu'elle enfantât les pécheurs parmi les tourmens et les cris: c'est pourquoi je vois dans mon Evangile, qu'elle les enfante à la croix, ayant le cœur rempli d'amertume, et saisi de douleur, le visage noyé de ses larmes. Et voici la raison de tout ce mystère, que je vous prie de bien pénétrer, pour l'édification de vos ames.

Puisque, ainsi que nous l'avons dit, les fidèles devoient renaître de l'amour du Père éternel, et des souffrances de son cher Fils; afin que la divine Marie fût la mère du peuple nouveau, il falloit qu'elle fût unie non-seulement à l'amour fécond, par lequel le Père nous a adoptés; mais encore aux cruels supplices, par lesquels le Fils nous engendre. Car n'étoit-il pas nécessaire que l'Eve de la nouvelle alliance fût associée au nouvel Adam? Et de là vient que vous la voyez affligée au pied de la croix; afin que, de même que la première Eve a goûté autre

fois sous l'arbre, avec son époux désobéissant, la douceur empoisonnée du fruit défendu; ainsi l'Eve de mon Evangile s'approchât de la croix de Jésus, pour goûter avec lui toute l'amertume de cet arbre mystérieux. Mais mettons ce raisonnement dans un plus grand jour; et posons pour premier principe, que c'étoit la volonté du Sauveur des ames, que toute sa fécondité fût dans ses souffrances. C'est lui-même qui me l'apprend, lorsqu'il se compare,

dans

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dans son Evangile, à ce merveilleux grain de froment, qui se multiplie en tombant par terre, et devient fécond par sa mort : Nisi granum frumenti cadens in terram mortuum fuerit, ipsum solum manet; si autem mortuum fuerit, multum fructum affert (1).

En effet, tous les mystères du sauveur Jésus sont une chute continuelle. Il est tombé du, ciel en la terre, de son trône dans une crèche; de la bassesse de sa naissance il est tombé, par divers degrés, aux misères qui ont affligé sa vie; de là il a été abaissé jusqu'à l'ignominie de la croix; de la croix il est tombé au sépulcre, et c'est là que finit sa chute; parce qu'il ne pouvoit descendre plus bas. Aussi n'est-il pas plutôt arrivé à ce dernier anéantissement, qu'il a commencé de montrer sa force; et ce germe d'immortalité, qu'il tenoit caché en lui-même, sous l'infirmité de sa chair, s'étant développé par sa mort, on a vu ce grain de froment se multiplier avec abondance, et donner partout des enfans à Dieu. D'où je tire cette conséquence infaillible, que cette fécondité bienheureuse, par laquelle il nous engendre à son Père, est dans sa mort et dans ses souffrances: Venez donc, divine Marie, venez à la croix de votre cher Fils; afin que votre amour maternel vous unisse à ces souffrances fécondes, par lesquelles il nous. régénère.

Qui pourroit vous exprimer, chrétiens, cette sainte correspondance, qui fait ressentir à Marie toutes les douleurs de son Fils? Elle voyoit cet unique

(1) Joan. XII. 24.

BOSSUET. XV.

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et ce bien-aimé attaché à un bois infâme, qui étendoit ses bras tout sanglans à un peuple incrédule et impitoyable; ses yeux meurtris inhumainement, et sa face devenue hideuse. Quelle étoit l'émotion du sang maternel, en voyant le sang de ce Fils, qui se débordoit avec violence de ses veines cruellement déchirées?, Saint Basile de Séleucie, voyant la Cananée aux pieds du Sauveur, et lui faisant sa triste prière en ces mots : « Fils de David, ayez pitié de >> moi; car ma fille est tourmentée par le démon (1) », paraphrase ainsi ses paroles? « Ayez pitié de moi, » car ma fille souffre; je suis tourmentée en sa per» sonne; à elle la souffrance, à moi l'affliction. Le » démon la frappe, et la nature me frappe moi» même : je ressens tous ses coups en mon cœur, et » tous les traits de la fureur de Satan passent par » elle jusque sur moi-même (2) ». Voyez la force de la nature et de l'affection maternelle. Mais comme le divin Jésus surpasse infiniment tous les fils, la douleur des mères communes est une image trop imparfaite de celle qui perce le cœur de Marie. Son affliction est comme une mer, dans laquelle son ame est toute abîmée. Et par-là vous voyez comme elle est unie aux souffrances de son cher Fils, puisqu'elle a le cœur percé de ses clous, et blessé de toutes ses plaies.

Mais admirez la suite de tout ce mystère. C'est au milieu de ces douleurs excessives; c'est dans cette désolation, par laquelle elle entre en société des supplices et de la croix de Jésus, que son Fils l'as() Matth. xv. 22. — (1) Orat, xx, in Chanan.

socie aussi à sa fécondité bienheureuse. « Femme, » lui dit-il, voilà votre fils ». Femme qui souffrez avec moi, soyez aussi féconde avec moi; soyez mère de ceux que j'engendre par mon sang et par mes blessures. Qui pourroit vous dire, fidèles, quel fut l'effet de cette parole? Elle gémissoit au pied de la croix; et la force de la douleur l'avoit presque rendue insensible. Mais aussitôt qu'elle entendit cette voix mourante du dernier adieu de son Fils, ses sentimens furent réveillés par cette nouvelle blessure; il n'y eut goutte de sang en son cœur, qui ne fût aussitôt émue, et toutes ses entrailles furent renversées. «< Femme, voilà votre fils » Ecce filius tuus (1). Quoi, un autre en votre place, un autre pour vous! quel adieu me dites-vous, ô mon Fils! Est-ce ainsi que vous consolez votre mère? Ainsi cette parole la tue; et pour accomplir le mystère, cette même parole la rend féconde.

Il me souvient ici, chrétiens, de ces mères infortunées, à qui on déchire les entrailles pour en arracher leurs enfans, et qui meurent pour les mettre au monde. C'est ainsi, ô bienheureuse Marie, que vous enfantez les fidèles : c'est par le cœur que vous enfantez, puisque, ainsi que nous avons dit, vous engendrez par la charité. Ces paroles de votre Fils, qui étoient son dernier adieu, entrèrent dans votre cœur comme un glaive tranchant, et y portèrent jusqu'au fond, avec une douleur excessive, un amour de mère pour tous les fidèles : ainsi l'on peut dire, que vous nous avez enfantés d'un cœur déchiré, par

(1) Joan. XIX. 26.

la violence d'une affliction sans mesure. Et lorsque nous paroissons devant vous, pour vous appeler notre mère, vous vous souvenez de ces mots sacrés, par lesquels Jésus-Christ vous établit dans cette qualité de sorte que vos entrailles s'émeuvent sur nous, comme sur les enfans de votre douleur.

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Souvenons-nous donc, chrétiens, que nous sommes enfans de Marie, et que c'est à la croix qu'elle nous engendre. Méditons ces belles paroles, que nous adresse l'Ecclésiastique: Gemitus matris tuæ ne obliviscaris (1): « N'oublie pas les gémissemens de ta » mère ». Quand le monde t'attire par ses voluptés, pour détourner l'imagination de ses délices pernicieuses, souviens-toi des pleurs de Marie, et n'oublie jamais les gémissemens de cette mère si charitable: Ne obliviscaris gemitus. Dans les tentations violentes, lorsque tes forces sont presque abattues, que tes pieds chancellent dans la droite voie, que l'occasion, le mauvais exemple ou l'ardeur de la jeunesse te presse, n'oublie pas les gémissemens de ta mère souviens-toi des pleurs de Marie, et des incroyables douleurs qui ont déchiré son ame au Calvaire. Misérable, que veux-tu faire? Veux-tu élever encore une croix, pour y attacher JésusChrist? Veux-tu faire voir à Marie son Fils crucifié encore une fois, couronner sa tête d'épines, fouler aux pieds, à ses yeux, le sang du nouveau Testament; et, par un si triste spectacle, rouvrir encore toutes les blessures de son amour maternel?

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Ah! mes Frères, ne le faisons pas : souvenons-nous (1) Eccli. VII. 29.

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