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pris! Cependant, alors même que nous triomphions en voyant des Indiens retomber au Nouveau-Monde dans la servitude, tout retentissoit en Europe du bruit de notre philanthropie et de notre amour de liberté. Ces honteuses variations de la nature humaine, selon qu'elle est agitée de passions contraires, flétrissent l'ame, et rendroient méchant si on y arrêtoit trop long-temps les yeux. Disons donc plutôt que nous sommes foibles, et que les voies de Dieu sont profondes, et qu'il se plaît à exercer ses serviteurs. Tandis que nous gémissons ici, les simples chrétiens du Paraguay, maintenant ensevelis dans les mines du Potose, adorent sans doute la main qui les a frappés; et par des souffrances patiemment supportées ils acquièrent une place dans cette république des saints qui est à l'abri des persécutions des hommes.

CHAPITRE VI.

MISSIONS DE LA GUIANE.

Si ces missions étonnent par leurs grandeurs, il en est d'autres qui, pour être plus ignorées, n'en sont pas moins touchantes. C'est souvent dans la cabane obscure et sur la tombe du pauvre que le Roi des rois aime à déployer les richesses de sa grace et de ses miracles. En remontant vers le nord depuis

le Paraguay jusqu'au fond du Canada, on rencontroit une foule de petites missions où le néophyte ne s'étoit pas civilisé pour s'attacher à l'apôtre, mais où l'apôtre s'étoit fait Sauvage pour suivre le néophyte. Les religieux françois étoient à la tête de ces églises errantes, dont les périls et la mobilité sembloient être faits pour notre courage et notre génie.

Le père Creuïlli, jésuite, fonda les missions de Cayenne. Ce qu'il fit pour le soulagement des Nègres et des Sauvages paroît au-dessus de l'humanité. Les pères Lombard et Ramette, marchant sur les traces de ce saint homme, s'enfoncèrent dans les marais de la Guiane. Ils se rendirent aimables aux Indiens Galibis, à force de se dévouer à leurs douleurs, et parvinrent à obtenir d'eux quelques enfants, qu'ils élevèrent dans la religion chrétienne. De retour dans leurs forêts, ces jeunes enfants civilisés prêchèrent l'Évangile à leurs vieux parents sauvages, qui se laissèrent aisément toucher par l'éloquence de ces nouveaux missionnaires. Les catéchumènes se rassemblèrent dans un lieu appelé Kourou, où le père Lombard avoit bâti une case avec deux Nègres. La bourgade augmentant tous les jours, on résolut d'avoir une église. Mais comment payer l'architecte, charpentier de Cayenne, qui demandoit quinze cents francs pour les frais de l'entreprise? Le missionnaire et ses néophytes, riches en vertus, étoient d'ailleurs les plus pauvres des hommes. La foi et la charité sont ingénieuses les Galibis s'engagèrent à creuser sept pirogues, que le charpentier accepta sur le pied de deux cents livres chacune. Pour compléter le reste

de la somme, les femmes filèrent autant de coton qu'il en falloit pour faire huit hamacs. Vingt autres Sauvages se firent esclaves volontaires d'un colon pendant que ses deux Nègres, qu'il consentit à prêter, furent occupés à scier les planches du toit de l'édifice. Ainsi tout fut arrangé, et Dieu eut un temple au désert.

Celui qui de toute éternité a préparé les voies des choses vient de découvrir sur ces bords un de ces desseins qui échappent dans leur principe à la sagacité des hommes, et dont on ne pénètre la profondeur qu'à l'instant même où ils s'accomplissent. Quand le père Lombard jetoit, il y a plus d'un siècle, les fondements de sa mission chez les Galibis, il ne savoit pas qu'il ne faisoit que disposer des Sauvages à recevoir des martyrs de la foi, et qu'il préparoit les déserts d'une nouvelle Thébaïde à la religion persécutée. Quel sujet de réflexion! Billaud de Varenne et Pichegru, le tyran et la victime dans la même case à Synnamary, l'extrémité de la misère n'ayant pas même uni les coeurs; des haines immortelles vivant parmi les compagnons des mêmes fers, et les cris de quelques infortunés prêts à se déchirer se mêlant aux rugissements des tigres dans les forêts du Nouveau-Monde !

Voyez au milieu de ce trouble des passions le calme et la sérénité évangéliques des confesseurs de Jésus-Christ jetés chez les néophytes de la Guiane, et trouvant parmi des Barbares chrétiens la pitié que leur refusoient des François ; de pauvres religieuses hospitalières, qui sembloient ne s'être exilées dans

un climat destructeur que pour attendre un Collotd'Herbois sur son lit de mort et lui prodiguer les soins de la charité chrétienne; ces saintes femmes, confondant l'innocent et le coupable dans leur amour de l'humanité, versant des pleurs sur tous, priant Dieu de secourir et les persécuteurs de son nom, et les martyrs de son culte : quelle leçon' quel tableau! que les hommes sont malheureux! et que la religion est belle!

CHAPITRE VII.

MISSIONS DES ANTILLES.

L'établissement de nos colonies aux Antilles ou Ant-Iles, ainsi nommées parce qu'on les rencontre les premières à l'entrée du golfe Mexicain, ne remonte qu'à l'an 1627, époque à laquelle M. d'Enambuc bâtit un fort et laissa quelques familles sur l'île Saint-Christophe.

la

C'étoit alors l'usage de donner des missionnaires pour curés aux établissements lointains, afin que religion partageât en quelque sorte cet esprit d'intrépidité et d'aventure qui distinguoit les premiers chercheurs de fortune au Nouveau-Monde. Les frères Précheurs de la congrégation de Saint-Louis, les pères Carmes, les Capucins et les Jésuites se consa

crèrent à l'instruction des Caraïbes et des Nègres, et à tous les travaux qu'exigeôient nos colonies nais-: santes de Saint-Christophe, de la Guadeloupe, de la Martinique et de Saint-Domingue.

On ne connoît encore aujourd'hui rien de plus satisfaisant et de plus complet sur les Antilles que l'histoire du père Dutertre, missionnaire de la congrégation de Saint-Louis.

<«< Les Caraïbes, dit-il, sont grands rêveurs; ils portent sur leur visage une physionomie triste et mélancolique; ils passent des demi-journées entières assis sur la pointe d'un roc ou sur la rive, les yeux fixés en terre ou sur la mer, sans dire un seul mot... Ils sont d'un naturel bénin, doux, affable, et compatissant, bien souvent même jusqu'aux larmes, aux maux de nos François, n'étant cruels qu'à leurs ennemis jurés.

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« Les mères aiment tendrement leurs enfants, et sont toujours en alarme pour détourner tout ce qui peut leur arriver de funeste; elles les tiennent presque toujours pendus à leurs mamelles, même la nuit, et c'est une merveille que, couchant dans des lits suspendus qui sont fort incommodes, elles n'en étouffent jamais aucun... Dans tous les voyages qu'elles font, soit sur mer, soit sur terre, elles les portent avec elles, sous leurs bras, dans un petit lit de coton qu'elles ont en écharpe, lié par dessus l'épaule, afin d'avoir toujours devant les yeux l'objet de leurs

soucis'.>>>

1. Hist, des Ant., tom. 11, pag. 375.

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