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CHAPITRE III.

HOTEL-DIEU, SOEURS-GRISES.

Nous venons à ce moment où la religion a voulu, comme d'un seul coup et sous un seul point de vue, montrer qu'il n'y a point de souffrances humaines qu'elle n'ose envisager, ni de misère au-dessus de son

amour.

La fondation de l'Hôtel-Dieu remonte à saint Landry, huitième évêque de Paris. Les bâtiments en furent successivement augmentés par le chapitre de Notre-Dame, propriétaire de l'hôpital, par saint Louis, par le chancelier Duprat et par Henri IV, en sorte qu'on peut dire que cette retraite de tous les maux s'élargissoit à mesure que les maux se multiplioient, et que la charité croissoit à l'égal des douleurs.

L'hôpital étoit desservi dans le principe par des

volume, ainsi qu'une explication sur le massacre d'Irlande et sur la SaintBarthélemy; le passage de l'écrivain anglois était trop long pour être inséré ici. Il ne laisse rien à désirer, et il fait tomber les bras d'étonnement à ceux qui n'ont pas été accoutumés aux déclamations des philosophes sur les massacres du Nouveau-Monde. Il ne s'agit pas de savoir si des monstres ont fait brûler des hommes en l'honneur des douze Apôtres, mais si c'est la religion qui a provoqué ces horreurs, ou si c'est elle qui les a dénoncées à l'exécration de la postérité. Un seul prêtre osa justifier les Espagnols; il faut voir, dans ROBERTSON, comme il fut traité par le clergé, et quels cris d'indignation il excita.

religieux et des religieuses sous la règle de saint Augustin, mais depuis long-temps les religieuses seules y sont restées. « Le cardinal de Vitry, dit Hélyot, a voulu sans doute parler des religieuses de l'HôtelDieu, lorsqu'il dit qu'il y en avoit qui, se faisant violence, souffroient avec joie et sans répugnance l'aspect hideux de toutes les misères humaines, et qu'il lui sembloit qu'aucun genre de pénitence ne pouvoit être comparé à cette espèce de martyre. >>

<< Il n'y a personne, continue l'auteur que nous citons, qui, en voyant les religieuses de l'Hôtel-Dieu non seulement panser, nettoyer les malades, faire leurs lits, mais encore, au plus fort de l'hiver, casser la glace de la rivière qui passe au milieu de cet hôpital, et y entrer jusqu'à la moitié du corps pour laver leurs linges pleins d'ordures et de vilenies, ne les regarde comme autant de saintes victimes qui par un excès d'amour et de charité pour secourir leur prochain, courent volontiers à la mort qu'elles affrontent, pour ainsi dire, au milieu de tant de puanteur et d'infection causées par le grand nombre des malades. »

Nous ne doutons point des vertus qu'inspire la philosophie; mais elles seront encore bien plus frappantes pour le vulgaire, ces vertus, quand la philosophie nous aura montré de pareils dévoûments. Et cependant la naïveté de la peinture d'Hélyot est loin de donner une idée complète des sacrifices de ces femmes chrétiennes : cet historien ne parle ni de l'abandon des plaisirs de la vie, ni de la perte de la jeunesse et de la beauté, ni du renoncement à une famille, à

un époux, à l'espoir d'une postérité; il ne parle point de tous les sacrifices du cœur, des plus doux sentiments de l'ame étouffés, hors la pitié qui, au milieu de tant de douleurs, devient un tourment de plus.

Eh bien ! nous avons vu les malades, les mourants près de passer, se soulever sur leurs couches, et faisantun dernier effort,accabler d'injures les femmes angéliques qui les servoient. Et pourquoi? parce qu'elles étoient chrétiennes! Eh! malheureux! qui vous serviroit si ce n'étoit des chrétiennes? D'autres filles, semblables à celles-ci, et qui méritoient des autels, ont été publiquement fouettées, nous ne déguiserons point le mot. Après un pareil retour pour tant de bienfaits, qui eût voulu encore retourner auprès des misérables? Qui? elles' ces femmes! elles-mêmes! Elles ont volé au premier signal, ou plutôt elles n'ont jamais quitté leur poste. Voyez ici réunies la nature humaine religieuse et la nature humaine impie, et jugez-les.

La sœur-grise ne renfermoit pas toujours ses vertus, ainsi que les filles de l'Hôtel-Dieu, dans l'intérieur d'un lieu pestiféré; elle les répandoit au dehors comme un parfum dans les campagnes; elle alloit chercher le cultivateur infirme dans sa chaumière. Qu'il étoit touchant de voir une femme, jeune, belle et compatissante, exercer au nom de Dieu, près de l'homme rustique, la profession du médecin! On nous montroit dernièrement, près d'un moulin, sous des saules, dans une prairie, une petite maison qu'avoient occupée trois sœurs-grises. C'étoit de cet asile champêtre qu'elles partoient à toutes les heures de la nuit et du jour pour secourir les laboureurs. On remar

quoit en elles, comme dans toutes leurs sœurs, cet air de propreté et de contentement qui annonce que le corps et l'ame sont également exempts de souillures; elles étoient pleines de douceur, mais toutefois sans manquer de fermeté pour soutenir la vue des maux, et pour se faire obéir des malades. Elles excelloient à rétablir les membres brisés par des chutes ou par ces accidents si communs chez les

paysans. Mais ce qui étoit d'un prix inestimable, c'est que la sœurgrise ne manquoit pas de dire un mot de Dieu à l'oreille du nourricier de la patrie, et que jamais la morale ne trouva de formes plus divines pour se glisser dans le cœur humain.

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Tandis que ces filles hospitalières étonnoient par leur charité ceux même qui étoient accoutumés à ces actes sublimes, il se passoit dans Paris d'autres merveilles de grandes dames s'exiloient de la ville et de la cour, et partoient pour le Canada. Elles alloient sans doute acquérir des habitations, réparer une fortune délabrée, et jeter les fondements d'une vaste propriété? Ce n'étoit pas là leur but: elles alloient, au milieu des forêts et des guerres sanglantes, fonder des hôpitaux pour des Sauvages ennemis.

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En Europe, nous tirons le canon en signe d'allégresse pour annoncer la destruction de plusieurs milliers d'hommes mais dans les établissements nouveaux et lointains, où l'on est plus près du malheur et de la nature, on ne se réjouit que de ce qui mérite en effet des bénédictions, c'est-à-dire des actes de bienfaisance et d'humanité. Trois pauvres hospitalières, conduites par madame de la Peltrie,

descendent sur les rives canadiennes, et voilà toute la colonie troublée de joie. « Le jour de l'arrivée de personnes si ardemment désirées, dit Charlevoix, fut pour toute la ville un jour de fête; tous les travaux cessèrent, et les boutiques furent fermées. Le gouverneur reçut les héroïnes sur le rivage à la tête de ses troupes, qui étoient sous les armes, et au bruit du canon; après les premiers compliments, il les mena, au milieu des acclamations du peuple, à l'église, où le Te Deum fut chanté....

« Ces saintes filles, de leur côté, et leur généreuse conductrice, voulurent, dans le premier transport de leur joie, baiser une terre après laquelle elles avoient si long-temps soupiré, qu'elles se promettoient bien d'arroser de leurs sueurs, et qu'elles ne désespéroient pas même de teindre de leur sang. Les François mêlés avec les Sauvages, les Infidèles même confondus avec les Chrétiens, ne se lassoient point, et continuèrent plusieurs jours à faire retentir tout de leurs cris d'allégresse, et donnèrent mille bénédictions à celui qui seul peut inspirer tant de force et de courage aux personnes les plus foibles. A la vue des cabanes sauvages où l'on mena les religieuses le lendemain de leur arrivée, elles se trouvèrent saisies d'un nouveau transport de joie : la pauvreté et la malpropreté qui y régnoient ne les rebutèrent point, et des objets si capables de ralentir leur zèle ne le rendirent que plus vif: elles témoignèrent une grande impatience d'entrer dans l'exercice de leurs fonctions.

<< Madame de la Peltrie, qui n'avoit jamais désiré

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