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comme un homme en voyage, n'a pas voulu se coucher entièrement, tant le moment où il se doit relever est proche!

Et quelle est cette grande dame qui repose ici près de son époux? L'un et l'autre sont habillés dans toute la pompe gauloise; un coussin supporte leurs têtes, et leurs têtes semblent si appesanties par les pavots de la mort, qu'elles ont fait fléchir cet oreiller de pierre: heureux si ces deux époux n'ont point eu de confidences pénibles à se faire sur le lit de leur hymen funèbre! Au fond de cette chapelle retirée, voici quatre écuyers de marbre, bardés de fer, armés de toutes pièces, les mains jointes, et à genoux aux quatre coins de l'entablement d'un tombeau. Est-ce toi, Bayard, qui rendois la rançon aux vierges, pour les marier à leurs amants? Est-ce toi, Beaumanoir, qui buvois ton sang dans le combat des Trente? Est-ce quelque autre chevalier qui sommeille ici? Ces écuyers semblent prier avec ferveur, car ces vaillants hommes, antique honneur du nom françois, tout guerriers qu'ils étoient, n'en craignoient pas moins Dieu du fond du cœur; c'étoit en criant: Montjoie et saint Denis, qu'ils arrachoient la France aux Anglois, et faisoient des miracles de vaillance pour l'Église, leur Dame et leur Roi. N'y a-t-il donc rien de merveilleux dans ces temps des Roland, des Godefroi, des sires de Coucy et de Joinville; dans ces temps des Maures, des Sarrasins, des royaumes de Jérusalem et de Chypre; dans ces temps où l'Orient et l'Asie. échangeoient d'armes et de mœurs avec l'Europe et l'Occident; dans ces temps où Thibaud chantoit, où

les troubadours se mêloient aux armes, les danses à la religion et les tournois aux siéges et aux batailles'?

Sans doute ils étoient merveilleux ces temps, mais ils sont passés. La religion avoit averti les chevaliers de cette vanité des choses humaines, lorsqu'à la suite d'une longue énumération de titres pompeux : Haut et puissant Seigneur, messire Anne de Montmorency, connétable de France, etc., etc., etc., elie avoit ajouté: Priez pour lui, pauvre pécheur. C'est tout le néant'.

Quant aux sépultures souterraines, elles étoient généralement réservées aux rois et aux religieux. Lorsqu'on vouloit se nourrir de sérieuses et d'utiles pen

1.On a sans doute de grandes obligations à l'artiste qui a rassemblé les débris de nos anciens sépulcres; mais quant aux effets de ces monuments, on sent trop qu'ils sont détruits, Resserrés dans un petit espace, divisés par siècles, privés de leurs harmonies avec l'antiquité des temples et du culte chrétien, ne servant qu'à l'histoire de l'art, et non à celle des mœurs et de la religion; n'ayant pas même gardé leur poussière, ils ne disent plus rien ni à l'imagination ni au cœur. Quand des hommes abominables eurent l'idée de violer l'asile des morts et de disperser leurs cendres pour effacer le souvenir du passé, la chose, tout horrible qu'elle est, pouvoit avoir, aux yeux de la folie humaine, une certaine mauvaise grandeur; mais c'étoit prendre l'engagement de bouleverser le monde, de ne pas laisser en France pierre sur pierre, et de parvenir, au travers des ruines, à des institutions inconnues. Se plonger dans ces excès pour rester dans des routes communes et pour ne montrer qu'ineptie et absurdité, c'est avoir les fureurs du crime sans en avoir la puissance. Qu'est-il arrivé à ces spoliateurs des tombeaux? qu'ils sont tombés dans les gouffres qu'ils avoient ouverts, et que leurs cadavres sont restés comme en gage à la mort pour ceux qu'ils lui avoient dérobés.

2. Johnson, dans son Traité des Épitaphes, cite ce simple mot de la religion comme sublime.

sées, il falloit descendre dans les caveaux des couvents, et contempler ces solitaires endormis, qui n'étoient pas plus calmes dans leurs demeures funèbres, qu'ils ne l'avoient été sur la terre. Que votre sommeil soit profond sous ces voûtes, hommes de paix, qui aviez partagé votre héritage mortel à vos frères, et qui, comme le héros de la Grèce, partant pour la conquête d'un autre univers, ne vous étiez réservé que l'espérance!

CHAPITRE IX.

SAINT-DENIS.

On voyoit autrefois, près de Paris, des sépultures, fameuses entre les sépultures des hommes. Les étrangers venoient en foule visiter les merveilles de Saint-Denis. Ils y puisoient une profonde vénération pour la France, et s'en retournoient en disant en dedans d'eux-mêmes, comme saint Grégoire : Ce royaume est réellement le plus grand parmi les nations. Mais il s'est élevé un vent de la Colère autour de l'édifice de la Mort; les flots des peuples ont été poussés sur lui, et les hommes étonnés se demandent encore Comment le Temple d'AMMON a disparu sous les sables des déserts?

L'abbaye gothique où se rassembloient ces grands vassaux de la mort, ne manquoit point de gloire : les richesses de la France étoient à ses portes; la Seine passoit à l'extrémité de sa plaine; cent endroits célèbres remplissoient, à quelque distance, tous les sites de beaux noms, tous les champs de beaux souvenirs; la ville de Henri IV et de Louis-le-Grand étoit assise dans le voisinage; et la sépulture royale de Saint-Denis se trouvoit au centre de notre puissance et de notre luxe, comme un trésor où l'on déposoit les débris du temps, et la surabondance des grandeurs de l'empire françois.

C'est là que venoient tour à tour s'engloutir les rois de la France. Un d'entre eux, et toujours le dernier descendu dans ces abîmes, restoit sur les degrés du souterrain, comme pour inviter sa postérité à descendre. Cependant Louis XIV a vainement attendu ses deux derniers fils : l'un s'est précipité au fond de la voûte, en laissant son ancêtre sur le seuil ; l'autre, ainsi qu'OEdipe, a disparu dans une tempête. Chose digne de méditation! le premier monarque que les envoyés de la justice divine rencontrèrent fut ce Louis si fameux par l'obéissance que les nations lui portoient. Il étoit encore tout entier dans son cercueil. En vain, pour défendre son trône, il parut se lever avec la majesté de son siècle, et une arrièregarde de huit siècles de rois; en vain son geste menaçant épouvanta les ennemis des morts, lorsque, précipité dans une fosse commune, il tomba sur le sein de Marie de Médicis: tout fut détruit. Dieu,

dans l'effusion de sa colère, avoit juré par lui-même de châtier la France: ne cherchons point sur la terre les causes de pareils événements; elles sont plus haut.

Dès le temps de Bossuet, dans le souterrain de ces princes anéantis, on pouvoit à peine déposer madame Henriette, «< tant les rangs y sont pressés, s'écrie le plus éloquent des orateurs, tant la mort est prompte à remplir ces places! » En présence des âges, dont les flots écoulés semblent gronder encore dans ces profondeurs, les esprits sont abattus par le poids des pensées qui les oppressent. L'âme entière frémit en contemplant tant de néant et tant de grandeur. Lorsqu'on cherche une expression assez magnifique pour peindre ce qu'il y a de plus élevé, l'autre moitié de l'objet sollicite le terme le plus bas, pour exprimer ce qu'il y a de plus vil. Ici, les ombres des vieilles voûtes s'abaissent, pour se confondre avec les ombres des vieux tombeaux; là, des grilles de fer entourent inutilement ces bières, et ne peuvent défendre la mort des empressements des hommes. Écoutez le sourd travail du ver du sépulcre, qui semble filer, dans ces cercueils, les indestructibles réseaux de la mort! Tout annonce qu'on est descendu à l'empire des ruines; et, à je ne sais quelle odeur de vétusté répandue sous ces arches funèbres, on croiroit, pour ainsi dire, respirer la poussière des temps passés.

Lecteurs chrétiens, pardonnez aux larmes qui coulent de nos yeux en errant au milieu de cette famille de saint Louis et de Clovis. Si tout-à-coup, jetant à l'écart le drap mortuaire qui les couvre, ces monar

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