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geurs étoient surtout arrêtés, dépouillés et massacrés aux passages des rivières. Des moines habiles et courageux entreprirent de remédier à ces maux. Ils formèrent entre eux une compagnie, sous le nom d'Hospitaliers pontifes ou faiseurs de ponts. Ils s'obligeoient, par leur institut, à prêter main-forte aux voyageurs, à réparer les chemins publics, à construire des ponts, et à loger les étrangers dans des hospices qu'ils élevèrent au bord des rivières. Ils se fixèrent d'abord sur la Durance, dans un endroit dangereux, appelé Maupas ou Mauvais-pas, et qui, grace à ces généreux moines, prit bientôt le nom de Bon-pas, qu'il porte encore aujourd'hui. C'est cet ordre qui a bâti le pont du Rhône à Avignon. On sait que les messageries et les postes, perfectionnées par Louis XI, furent d'abord établies par l'Université de Paris.

Sur une rude et haute montagne du Rouergue, couverte de neige et de brouillards pendant huit mois de l'année, on aperçoit un monastère, bâti vers l'an 1120, par Alard, vicomte de Flandre. Ce seigneur, revenant d'un pèlerinage, fut attaqué dans ce lieu par des voleurs; il fit voeu, s'il se sauvoit de leurs mains, de fonder dans ce désert un hôpital pour les voyageurs, et de chasser les brigands de la montagne. Étant échappé au péril, il fut fidèle à ses engagements, et l'hôpital d'Albrac ou d'Aubrac s'éleva in loco horroris et vastæ solitudinis, comme le porte l'acte de fondation. Alard y établit des prêtres pour le service de l'église, des chevaliers hospitaliers pour escorter les voyageurs, et des dames de qua

lité pour laver les pieds des pèlerins, faire leurs lits et prendre soin de leurs vêtements.

Dans les siècles de barbarie, les pèlerinages étoient fort utiles; ce principe religieux, qui attiroit les hommes hors de leurs foyers, servoit puissamment au progrès de la civilisation et des lumières. Dans l'année du grand jubilé', on ne reçut pas moins de quatre cent quarante mille cinq cents étrangers à l'hôpital de Saint-Philippe-de-Néri, à Rome; chacun d'eux fut nourri, logé et défrayé entièrement pendant trois jours.

Il n'y avoit point de pèlerin qui ne revînt dans son village avec quelque préjugé de moins et quelque idée de plus. Tout se balance dans les siècles : certaines classes riches de la société voyagent peut-être à présent plus qu'autrefois; mais, d'une autre part, le paysan est plus sédentaire. La guerre l'appeloit sous la bannière de son seigneur, et la religion dans les pays lointains. Si nous pouvions revoir un de ces anciens vassaux que nous nous représentons comme une espèce d'esclave stupide, peut-être serions-nous surpris de lui trouver plus de bon sens et d'instruction qu'au paysan libre d'aujourd'hui.

Avant de partir pour les royaumes étrangers, le voyageur s'adressoit à son évêque, qui lui donnoit une lettre apostolique avec laquelle il passoit en sûreté dans toute la chrétienté. La forme de ces lettres varioit selon le rang et la profession du porteur, d'où on les appeloit formatæ. Ainsi, la religion n'étoit oc

1. En 1600.

cupée qu'à renouer les fils sociaux que la barbarie rompoit sans cesse.

le

En général, les monastères étoient des hôtelleries où les étrangers trouvoient en passant le vivre et le convert. Cette hospitalité, qu'on admire chez les anciens, et dont on voit encore les restes en Orient, étoit en honneur chez nos religieux : plusieurs d'entre eux, sous le nom d'hospitaliers, se consacrèrent particulièrement à cette vertu touchante. Elle se manifestoit, comme aux jours d'Abraham, dans toute sa beauté antique, par le lavement des pieds, la flamme du foyer et les douceurs du repas et de la couche. Si voyageur étoit pauvre, on lui donnoit des habits, des vivres, et quelque argent pour se rendre à un autre monastère, où il recevoit les mêmes secours. Les dames montées sur leur palefroi, les preux cherchant aventures, les rois égarés à la chasse, frappoient, au milieu de la nuit, à la porte des vieilles abbayes, et venoient partager l'hospitalité qu'on donnoit à l'obscur pèlerin. Quelquefois deux chevaliers ennemis s'y rencontroient ensemble, et se faisoient joyeuse réception jusqu'au lever du soleil, où, le fer à la main, ils maintenoient l'un contre l'autre la supériorité de leurs dames et de leurs patries. Boucicault, au retour de la croisade de Prusse, logeant dans un monastère avec plusieurs chevaliers anglois, soutint seul contre tous qu'un chevalier écossois, attaqué par eux dans les bois, avoit été traîtreusement mis à mort.

Dans ces hôtelleries de la religion, on croyoit faire beaucoup d'honneur à un prince quand on lui pro

posoit de rendre quelques soins aux pauvres qui s'y trouvoient par hasard avec lui. Le cardinal de Bourbon, revenant de conduire l'infortunée Élisabeth en Espagne, s'arrêta à l'hôpital de Roncevaux dans les Pyrénées; il servit à table trois cents pèlerins, et donna à chacun d'eux trois réaux pour continuer leur voyage. Le Poussin est un des derniers voyageurs qui aient profité de cette coutume chrétienne; il alloit à Rome, de monastère en monastère, peignant des tableaux d'autel pour prix de l'hospitalité qu'il recevoit, et renouvelant ainsi chez les peintres l'aventure d'Homère.

CHAPITRE IX.

ARTS ET MÉTIERS, COMMERCE.

Rien n'est plus contraire à la vérité historique que de se représenter les premiers moines comme des hommes oisifs, qui vivoient dans l'abondance aux dépens des superstitions humaines. D'abord cette abondance n'étoit rien moins que réelle. L'ordre, par ses travaux, pouvoit être devenu riche, mais il est certain que le religieux vivoit très durement. Toutes ces délicatesses du cloître, si exagérées, se réduisoient, même de nos jours, à une étroite cellule, des pratiques désagréables, et une table fort simple, pour ne rien dire de plus. Ensuite, il est très faux

que les moines ne fussent que de pieux fainéants : quand leurs nombreux hospices, leurs colléges, leurs bibliothèques, leurs cultures, et tous les autres services dont nous avons parlé, n'auroient pas suffi pour occuper leurs loisirs, ils avoient encore trouvé bien d'autres manières d'être utiles; ils se consacroient aux arts mécaniques, et étendoient le commerce au dehors et au dedans de l'Europe.

La congrégation du tiers-ordre de Saint-François, appelée des Bons-Fieux, faisoit des draps et des galons, en même temps qu'elle montroit à lire aux enfants des pauvres, et qu'elle prenoit soin des malades. La compagnie des Pauvres Frères cordonniers et tailleurs étoit instituée dans le même esprit. Le couvent des Hiéronymites, en Espagne, avoit dans son sein plusieurs manufactures. La plupart des premiers religieux étoient maçons aussi bien que laboureurs. Les Bénédictins bâtissoient leurs maisons de leurs propres mains, comme on le voit par l'histoire des couvents du Mont-Cassin, de ceux de Fontevrault et de plusieurs autres.

Quant au commerce intérieur, beaucoup de foires et de marchés appartenoient aux abbayes, et avoient été établis par elles. La célèbre foire du Landyt, à Saint-Denis, devoit sa naissance à l'Université de Paris. Les religieuses filoient une grande partie des toiles de l'Europe. Les bières de Flandre, et la plupart des vins fins de l'Archipel, de la Hongrie, de l'Italie, de la France et de l'Espagne, étoient faits par les congregations religieuses; l'exportation et l'importation des grains, soit pour l'étranger, soit pour

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