Sayfadaki görseller
PDF
ePub

les armées, dépendoient encore en partie des grands propriétaires ecclésiastiques. Les églises faisoient valoir le parchemin, la cire, le lin, la soie, les marbres, l'orfévrerie, les manufactures en laine, les tapisseries et les matières premières d'or et d'argent; elles seules, dans les temps barbares, procuroient quelque travail aux artistes, qu'elles faisoient venir exprès de l'Italie et jusque du fond de la Grèce. Les religieux eux-mêmes cultivoient les beaux arts, et étoient les peintres, les sculpteurs et les architectes de l'âge gothique. Si leurs ouvrages nous paraissent grossiers aujourd'hui, n'oublions pas qu'ils forment l'anneau où les siècles antiques viennent se rattacher aux siècles modernes; que, sans eux, la chaîne de la tradition des lettres et des arts eût été totalement interrompue il ne faut pas que la délicatesse de notre : goût nous mène à l'ingratitude.

A l'exception de cette petite partie du Nord comprise dans la ligne des villes anséatiques, le commérce extérieur se faisoit autrefois par la Méditerranée. Les Grecs et les Arabes nous apportoient les marchandises de l'Orient qu'ils chargeoient à Alexandrie. Mais les croisades firent passer entre les mains des Francs cette source de richesses. « Les conquêtes des croisés, dit l'abbé Fleury, leur assurèrent la liberté du commerce pour les marchandises de la Grèce, de Syrie et d'Egypte, et par conséquent pour celles des Indes, qui ne venoient point encore en Europe par d'autres routes'. »

1. Hist. eccl., tom, xvir, sixième disc., pag. 20.

Le docteur Robertson, dans son excellent ouvrage sur le commerce des anciens et des modernes aux Indes Orientales, confirme, par les détails les plus curieux, ce qu'avance ici l'abbé Fleury. Gênes, Venise, Pise, Florence et Marseille dûrent leurs richesses et leur puissance à ces entreprises d'un zèle exagéré, que le véritable esprit du christianisme a condamnées depuis long-temps'. Mais enfin on ne peut se dissimuler que la marine et le commerce moderne ne soient nés de ces fameuses expéditions. Ce qu'il y eut de bon en elles appartient à la religion, le reste aux passions humaines. D'ailleurs, si les croisés ont eu tort de vouloir arracher l'Égypte et la Syrie aux Sarrasins, ne gémissons donc plus quand nous voyons ces belles contrées en proie à ces Turcs, qui semblent arrêter la peste et la barbarie sur la patrie de Phídias et d'Euripide. Quel mal y auroit-il si l'Égypte étoit depuis saint Louis une colonie de la France, et si les descendants des chevaliers françois régnoient à Constantinople, à Athènes, à Damas, à Tripoli, à Carthage, à Tyr, à Jérusalem?

Au reste, quand le christianisme a marché seul aux expéditions lointaines, on a pu juger que les désordres des croisades n'étoient pas venus de lui, mais de l'emportement des hommes. Nos missionnaires nous ont ouvert des sources de commerce pour lesquelles ils n'ont versé de sang que le leur, dont, à la vérité, ils ont été prodigues. Nous renvoyons le lecteur à ce que nous avons dit sur ce sujet au Livre des Missions.

1. Vid. FLEURY, loc. cit.

CHAPITRE X.

DES LOIS CIVILES ET CRIMINELLES.

Rechercher quelle a été l'influence du christianisme sur les lois et sur les gouvernements, comme nous l'avons fait pour la morale et pour la poésie, seroit le sujet d'un fort bel ouvrage. Nous indiquerons seulement la route, et nous offrirons quelques résultats, afin d'additionner la somme des bienfaits de la religion.

Il suffit d'ouvrir au hasard les conciles, le droit canonique, les bulles et les rescrits de la cour de Rome, pour se convaincre que nos anciennes lois recueillies dans les capitulaires de Charlemagne, dans les formules de Marculfe, dans les ordonnances des rois de France, ont emprunté une foule de règlements à l'Église, ou plutôt qu'elles ont été rédigées en partie par de savants prêtres, ou des assemblées d'ecclésiastiques.

De temps immémorial les évêques et les métropolitains ont eu des droits assez considérables en matière civile. Ils étoient chargés de la promulgation des ordonnances impériales relatives à la tranquillité publique; on les prenoit pour arbitres dans les procès c'étoient des espèces de juges de paix naturels que la religion avoit donnés aux hommes. Les empereurs chrétiens, trouvant cette coutume

établie, la jugèrent si salutaire', qu'ils la confirmèrent par des articles de leurs codes. Chaque gradué, depuis le sous-diacre jusqu'au souverain pontife, exerçoit une petite juridiction, de sorte que l'esprit religieux agissoit par mille points et de mille manières sur les lois. Mais cette influence étoit-elle favorable ou dangereuse aux citoyens? Nous croyons qu'elle étoit favorable.

D'abord, dans tout ce qui s'appelle administration, la sagesse du clergé a constamment été reconnue, même des écrivains les plus opposés au christianisme. Lorsqu'un état est tranquille, les hommes ne font pas le mal pour le seul plaisir de le faire. Quel interêt un concile pouvoit-il avoir à porter une loi inique touchant l'ordre des successions ou les conditions d'un mariage? ou pourquoi un official, ou un simple prêtre, admis à prononcer sur un point de droit, auroit-il prévariqué? S'il est vrai que l'éducation et les principes qui nous sont inculqués dans la jeunesse influent sur notre caractère, des ministres de l'Évangile devoient être, en général, guidés par un conseil de douceur et d'impartialité; mettons, si l'on veut, une restriction, et disons dans tout ce qui ne regardoit pas ou leur ordre ou leurs personnes. D'ailleurs l'esprit de corps, qui peut être mauvais dans l'ensemble, est toujours bon dans la partie. Il est à présumer qu'un membre d'une grande société religieuse se distinguera plutôt par sa droiture

1. Eus., de Vit. Const., lib. iv, cap. xxvII; Sozom, lib. 1, cap. Ix; Cod. Justin., lib. 1, tit. iv, leg. 7.

2. Voyez VOLTAIRE, dans l'Essai sur les Mours.

dans une place civile que par ses prévarications, ne fût-ce que pour la gloire de son ordre et le joug que cet ordre lui impose.

De plus, les conciles étoient composés de prélats de tous les pays, et partant, ils avoient l'immense avantage d'être comme étrangers aux peuples pour lesquels ils faisoient des lois. Ces haines, ces amours, ces préjugés feudataires qui accompagnent ordinairement le législateur, étoient inconnus aux Pères des conciles. Un évêque françois avoit assez de lumières touchant sa patrie pour combattre un canon qui en blessoit les mœurs; mais il n'avoit pas assez de pouvoir sur des prélats italiens, espagnols, anglois, pour leur faire adopter un règlement injuste; libre dans le bien, sa position le bornoit dans le mal. C'est Machiavel, ce nous semble, qui propose de faire rédiger la constitution d'un état par un étranger. Mais cet étranger pourroit être, ou gagné par intérêt, ou ignorant du génie de la nation dont il fixeroit le gouvernement; deux grands inconvénients que le concile n'avoit pas, puisqu'il étoit à la fois au-dessus de la corruption par ses richesses, et instruit des inclinations particulières des royaumes par les divers membres qui le composoient.

L'Église prenant toujours la morale pour base, de préférence à la politique (comme on le voit par les questions de rapt, de divorce, d'adultère), ses ordonnances devoient avoir un fonds naturel de rectitude et d'universalité. En effet, la plupart des canons ne sont point relatifs à telle ou telle contrée; ils comprennent toute la chrétienté. La charité, le

« ÖncekiDevam »