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tager notre sentiment, nous leur devons cependant les raisons du doute que nous venons d'émettre. Nous les trouvons dans les réflexions que suggère le rapprochement de cette seconde Naration et de la lettre de Pascal à son beau-frère.

Pascal, dans cette lettre, ne dit pas qu'il est l'inventeur de l'expérience du vide dans le vide; alors que, dans cette même lettre et immédiatement après avoir décrit l'expérience des deux tuyaux, il revendique l'idée première de l'expérience du vide à des altitudes différentes dont il prie Perier de se charger. Ce silence est étrange; à cette époque de sa vie, en effet, Pascal se montre très jaloux de ses droits de propriété scientifique. Cette expérience du vide dans le vide, la plus récente au moment où il écrit à Perier, et à coup sûr << la plus belle de ses découvertes », la plus importante, est la seule qu'il ne revendique nulle part. Pourquoi ? Son expérience était-elle moins complète, moins convaincante que celle de Roberval? La description qu'il en donne ne permet pas de le penser. Le dispositif, l'appareil ont pu être compliqués et encombrants; les effets montrés à Perier n'ont pas eu à en souffrir, ils ont été aussi nets, aussi précis qu'ils pouvaient l'être.

« Vous vistes, écrit Pascal, que le vif-argent du tuyau intérieur demeura suspendu à la hauteur où il se tient par l'expérience ordinaire, quand il estoit contrebalancé et pressé par la pesanteur de la masse entière de l'air, et qu'au contraire, il tomba entièrement, sans qu'il luy restat aucune hauteur ny suspension, lorsque, par le moyen du Vuide dont il fust environné, il ne fut plus du tout pressé ni contrebalancé d'aucun air, en ayant esté destitué de tous costez. Vous vistes en suite que cette hauteur ou suspension du vif-argent augmentoit ou diminuoit à mesure que la PRESSION de l'air augmentoit ou diminuoit et qu'en fin toutes ces diverses hauteurs ou suspensions du vif-argent se trouvoient toujours proportionnées à la PRESSION de l'air.

>> Certainement après cette expérience, il y avoit lieu de se persuader, que ce n'est pas l'horreur du Vuide, comme nous

estimons, qui cause la suspension du vif-argent dans l'expérience ordinaire, mais bien la pesanteur et pression de l'air qui contrebalance la pesanteur du vif-argent. Mais parce que tous les effets de cette dernière expérience des deux tuyaux, qui s'expliquent si naturellement par la seule pression et pesanteur de l'air, peuvent encores estre expliquez assez probablement par l'horreur du Vuide, Je me tiens dans cette ancienne maxime, résolu neantmoins de chercher l'éclaircissement entier de cette difficulté par une expérience décisive. J'en ay imaginé une qui pourra seule suffire pour nous donner la lumière que nous cherchons, si elle peut estre exécutée avec justesse. C'est de faire l'expérience ordinaire du Vuide plusieurs fois en mesme jour, dans un mesme tuyau, avec le mesme vif argent, tantost au bas et tantost au sommet d'une montagne, eslevée pour le moins de cinq ou six cens toises... Vous voyez desja sans doute, que cette expérience est décisive de la question, et que, s'il arrive que la hauteur du vif-argent soit moindre au haut qu'au bas de la montagne... il s'ensuivra nécessairement que la pesanteur et pression de l'air est la seule cause de cette suspension du vif argent et non pas l'horreur du Vuide, puisqu'il est bien certain qu'il y a beaucoup plus d'air qui pèse sur le pied de la montagne, que non pas sur son sommet; au lieu qu'on ne sçauroit pas dire dire que la Nature abhorre le Vuide au pied de la montagne plus que sur son sommeil. »

C'est ici qu'est le noeud de la controverse. La notion du poids de la colonne d'air, pesant tout entier, puis supprimé totalement, dans la première partie de l'expérience, et celle de la pression d'une masse d'air en vase clos, qui seule est en jeu dans la seconde partie, sont absolument indépendantes: on peut posséder la première et ne rien savoir de la seconde. Mersenne nous en donne le plus bel exemple: il possède à ce point la notion nette du poids de la colonne d'air qu'il a pu, avec une parfaite clarté, tracer le projet de l'observation du baromètre en plaine et sur le sommet d'une montagne; mais en même temps, il s'émerveille de voir un pouce d'air, si léger, déprimer, en une enceinte fermée, la colonne mercurielle bien plus qu'un

III SÉRIE, T. XV.

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pouce d'eau, si lourd. Il n'a pas la notion de pression de l'air en vase clos.

Ces deux notions, le poids de la colonne d'air et la pression d'une masse d'air en un volume fermé, ne sont pas seulement indépendantes; il y a entre elles un abîme qui n'a pu être comblé que par des recherches équivalentes à celles que Roberval expose dans sa seconde Narration.

Or pour réaliser la seconde partie de son expérience des deux tuyaux, telle qu'il la décrit et l'interprète, Pascal a dû posséder, dès le mois d'octobre 1647, sur l'élasticité propre de l'air, sur la pression d'une masse d'air en vase clos, sur la variation de cette pression avec le volume qui contient cette masse d'air, les notions que Roberval expose dans sa seconde Narration. Les recherches expérimentales sur lesquelles reposent ces notions, étaient-elles faites par Pascal ou par Roberval, avant le mois d'octobre 1647? M. Brunschvicg se garde de l'affirmer; mais, dans le commentaire de la lettre de Pascal à Perier, il nous donne ce renseignement (t. II, p. 158) - c'est nous qui soulignons :

«La première Narration de Roberval montre (p. 25-26) comment Pascal savait, dès les expériences de Rouen, augmenter et diminuer la pression de l'air, d'une part en faisant rentrer de nouvelles bulles d'air dans le tube, d'autre part en soulevant l'appareil de façon à agrandir l'espace au-dessus de la colonne du liquide. >>

La première Narration de Roberval montre, en effet, Pascal faisant entrer de l'air dans le tube, inclinant et redressant celui-ci ; mais loin de nous dire que ces opérations se faisaient pour « augmenter et diminuer la pression de l'air », elle nous apprend qu'elles n'avaient aucun rapport avec la pression d'expansion dont on n'avait pas alors la moindre notion. Il faut bien que nous citions encore une fois le latin de Roberval pour ne point risquer de trahir sa pensée en le tradui

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sant.Voici le passage de la première Narration, auquel renvoie M. Brunschvicg:

At antequam tubus ex scutella extraheretur, si ille sic inclina7 retur, ut apex illius ad altitudinem praedictam pedum 2 24 praecise perveniret, nullum adhuc vacuum eo in statu cernebatur, cum tamen sic hydrargyrum totam suam altitudinem obtineret; atque ideo et omnes suas vires exerceret, ad aerem si quis esset, trahendum ad se et sensibiliter rarefaciendum cet air, «si quis esset », n'exercerait, dans la pensée de Roberval aucune pression sur le mercure; ce serait, au contraire, le mercure qui exercerait sur lui une traction pour l'amener à un volume plus grand que son volume naturel. — Immo admissa sponte, in tali inclinationis statu, aeris gutta (quod facile est) illa ab omnibus, et dum in tubum per hydrargyrum ascenderet, et dum, eo superato, in summo ipsius nataret, facile cernebatur sique eadem satis ampla existeret, inclinato magis ac magis tubo, magis ac magis comprimebatur; quippe ad ingenium redibaten se contractant d'elle-même, et en retournant ainsi spontanément à son état naturel - quia ab hydrargyro minus alto minus trahebatur, minusque rarefiebat Cette bulle d'air est donc une façon de caoutchouc, qui possède un volume naturel, qui ne tend nullement à en changer en se dilatant spontanément, qui n'exerce dès lors aucune pression sur les corps qui l'entourent, mais qui cède à une traction capable de l'étendre plus ou moins suivant que cette traction est plus ou moins forte, et qui tend à reprendre ses dimensions naturelles dès que cette traction diminue at a contrario, dum tubus sensim elevaretur (1) fieretque hydrargyrum altius, atque ideo ad trahendum et rarefaciendum aerem potentius, tum gutta aeris magis dilatabatur non d'elle-même, mais toujours sous l'effort de cette traction plus grande et tum erecto ad perpendiculum tubo hydrargyrum ad praedictam altitudinem non omnino ascendebat. Pourquoi ? Il n'importe. Il est inutile de

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(1) Faut-il comprendre qu'on soulevait le tube verticalement, ou qu'on le redressait après l'avoir incliné ? Le contexte s'accorde mieux du second sens. D'ailleurs le mot scutella, une écuelle, ne peut signifier le vase profond nécessaire à la manœuvre que suppose M. Brunschvicg ;aussi quand Roberval, dans sa seconde Narration, alors qu'il possède la notion de pression, veut augmenter celle-ci, il incline le tube; quand il veut la diminuer, il le redresse, ou se sert, pour cette manœuvre, de tubes plus ou moins longs.

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rechercher quelle explication Roberval pouvait donner de ce phénomène; ceci nous suffit très certainement, dans sa pensée, cette dépression n'était pas due à la pression, sur le mercure, de l'air introduit dans la partie supérieure du tube il ignore cette pression, il ne peut donc l'invoquer. Pour lui cette masse d'air étendue par traction n'a qu'une seule tendance, celle de reprendre en se contractant spontanément, son volume naturel; elle ne presse donc pas sur le mercure. Plus tard, dans la seconde Narration, ce sera cette dépression de la colonne mercurielle surmontée d'une masse d'air, qui mettra Roberval sur le bon chemin et le conduira à la découverte de la pression; lui-même d'ailleurs reconnait explicitement dans sa seconde Narration qu'il ne possédait pas cette notion quand il écrivait la première.

Ce sont ses propres idées sans doute, que Roberval expose ici. Il ne dit pas que Pascal partageait ses vues sur les propriétés de l'air ni qu'il interprétait comme lui ces expériences; il ne dit pas non plus le contraire. Peut-on dire que les deux collaborateurs, Pascal et Roberval, sont ici en parfaite communauté d'idées ? On le doit, si l'on accepte cette opinion de M. Strowski (Hist. de Pascal, p. 88, note 1):

« Les Expériences nouvelles de Pascal et la (première) Narration de Roberval ont été composées en même temps par deux amis qui habitaient la même ville et qui étaient en communauté de recherches, de méthodes et de sentiments. Il faut donc, ne pas les opposer, mais les réunir comme deux ouvrages faits en collaboration et qui se complètent l'un l'autre, qui ne se répètent pas, qui constituent un tout. » M. Brunschvicg semble bien partager cette manière de voir, quand il écrit (t. II, p. 20): « La lettre à des Noyers (la première Narration de Roberval) est une pièce essentielle à la connaissance de la pensée de Pascal. »

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S'il en est ainsi, l'intégrité absolue de la lettre de Pascal à Perier n'est-elle pas singulièrement compromise? Car il faut y insister - aussi longtemps qu'il s'agit d'observer le baromètre à l'air libre, dans la plaine ou au sommet d'une montagne, ou encore à l'air libre et en un vase vide, il suffit de raisonner sur le poids de l'air », pour rendre compte des faits, ou les

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