Sayfadaki görseller
PDF
ePub

De la part du pape Benoît XIV, qui portait aux sciences un vif intérêt, il valut à son auteur, outre divers objets précieux, une chaire de mathématiques à l'Université de Bologne.

Mais Marie Agnesi qui, tant que son père vécut, s'appliqua, pour lui complaire, à cultiver les dons éminents qu'elle avait reçus en naissant, s'empressa, dès qu'il fut mort, de renoncer à la science pour se consacrer tout entière au service des malades et des pauvres. Entrée dans l'ordre assez rigoureux des religieuses dites Célestes ou Turquines, à cause de la couleur de leur robe, elle devint supérieure de l'hôpital Trivulzi où elle mourut en 1799, à l'âge de 81 ans. Après la croyante, voici venir la rationaliste. Née à Paris, en 1776, dans la rue St-Denis, où son père exerçait la profession d'orfèvre, à l'enseigne du Cabat d'or (en attendant qu'il devint membre de la Constituante et l'un des directeurs de la Banque de France), Sophie Germain manifesta également, dès son plus jeune âge, un vif penchant pour les mathématiques. Vers sa vingtième année, sous le nom supposé de Le Blanc, élève de l'École Polytechnique, elle correspondit, sur la théorie des nombres, avec l'illustre Gauss qui ne devait que quelques années plus tard, et par suite d'une circonstance toute fortuite, être édifié sur la véritable personnalité de son correspondant.

Pendant la campagne d'Iéna, Sophie Germain, se remémorant la fin tragique d'Archimède, tué par un soldat romain lors de la prise de Syracuse, écrivit naïvement au général Pernetti, ami de sa famille, pour mettre le grand mathématicien de Brunswick à l'abri d'un sort aussi funeste. Le général s'empressa d'envoyer à Gauss l'assurance qu'il n'avait rien à redouter, en lui faisant connaître l'intervention qui s'était produite en sa faveur. Et comme Gauss, en remerciant, avouait ne pas connaître le nom de sa

[graphic]
[graphic]
[graphic]

protectrice, il en reçut une lettre qui se terminait ainsi : « ... Je ne vous suis pas aussi parfaitement inconnue que vous le croyez. Craignant le ridicule attaché au titre de femme savante, j'ai autrefois emprunté le nom de M. Le Blanc pour vous écrire et vous communiquer des notes qui, sans doute, ne méritaient pas l'indulgence avec laquelle vous avez bien voulu y répondre.

» J'espère que la singularité dont je vous fais aujourd'hui l'aveu ne me privera pas de l'honneur que vous m'avez accordé sous un nom emprunté... »

En dehors des théories purement abstraites qu'elle a cultivées à la suite de Gauss, Sophie Germain a encore apporté sa contribution à la science, alors nouvelle, qui porte le nom de physique mathématique; et c'est précisément pour un travail de ce genre qu'elle a, en 1815, remporté, à l'Académie des sciences, le grand-prix des sciences mathématiques.

Enlevée à l'âge de 55 ans, par une cruelle maladie, elle sut, au milieu de ses souffrances, faire montre d'une âme de véritable stoïcienne.

Aucune des savantes dont je viens de vous entretenir n'avait encore mené de front ses travaux avec les soins d'une bonne mère de famille. Nous trouvons cette union aimablement réalisée chez une Écossaise, contemporaine de Sophie Germain, qui est définitivement entrée dans l'histoire de la science sous le nom de Mary Somerville.

Née en 1780, aux environs d'Edimbourg, elle était la fille de l'Amiral Fayrfax. Elle aussi se montra d'une rare précocité; mais au lieu de voir, comme Marie Agnesi, sa vocation encouragée par son père, elle ne trouva chez le sien que la volonté bien arrêtée d'y mettre un obstacle absolu, et c'est en cachette qu'elle dut s'initier aux éléments de la science. Elle y réussit, au reste, si bien qu'alors toute jeune femme

et

[graphic]

mariée à un certain Greig - elle fut en état de comprendre la Mécanique céleste que Laplace venait de faire paraître, et de correspondre à ce propos avec l'auteur.

Quelques années plus tard, devenue veuve et remariée à son cousin Somerville, elle faisait, au cours d'un voyage en France, la connaissance de son illustre correspondant, et comme elle l'entretenait de son œuvre de façon à lui prouver qu'elle l'avait fort bien comprise, mais sans toutefois, par extrême réserve, faire allusion à leur échange de lettres passé, elle s'attira de Laplace cette remarque: « Je n'ai connu que deux femmes qui aient étudié ma Mécanique celeste. Elles étaient, chose singulière, toutes deux Écossaises; l'une s'appelait Mistress Greig ; l'autre c'est vous, Madame ».

Mary Somerville donna depuis lors, en anglais, un résumé si brillant de la Mécanique céleste que ce seul ouvrage sorti de sa plume suffirait à faire vivre sa réputation. On lui en doit d'ailleurs d'autres touchant tant aux sciences physiques qu'aux sciences mathématiques.

Elle eut aussi des élèves. Il en est une, parmi celles-ci, dont je ne puis vous taire le nom, bien qu'elle ait cherché de son vivant à s'envelopper d'un voile impénétrable. De remarquables notes mathématiques avaient paru certain jour, signées de mystérieuses initiales; une indiscrétion épistolaire est venue plus tard en donner la clef; elles étaient celles de la comtesse Lovelace, née Ada Byron, la fille unique du grand poète, et l'élève de Mary Somerville.

Epouse dévouée et bonne mère de famille, Mary Somerville, pensionnée de la reine Victoria, s'éteignit à Naples, en 1872, àgée de 92 ans. Si l'on rapproche son cas de celui de Caroline Herschel, on est tenté de croire que les pensions octroyées par la

[graphic]

couronne d'Angleterre confèrent à leurs titulaires un brevet de longévité.

Mais, dans cette galerie de femmes qui se sont distinguées par la science, la plus grande, sans aucun doute, celle qui, même parmi les hommes, fût venue se placer en un rang tout à fait éminent, est la dernière en date: Sophie Kowalewski.

Sa mort encore toute récente, puisqu'elle ne remonte qu'au 6 février 1891, a provoqué, sous forme d'articles de journaux et de revues, voire de volumes à part, une foule de notices biographiques que tout le monde a plus ou moins lues et qui me dispenseront des longs développements qu'exigerait l'importance du sujet.

Fille du général d'artillerie russe Corvin-Krukowski par qui elle descendait de Mathias Corvin, roi de Hongrie elle fut, dès son plus jeune âge, possédée, peut-on dire, du démon de l'x.

[ocr errors]

On sait comment, âgée seulement de dix-huit ans, elle épousa, en 1868, l'étudiant en sciences naturelles Kowalewski pour conquérir le droit, alors accordé en Russie aux seules femmes mariées, de suivre des cours d'Université. Puis, elle émigra à Berlin où, sous la direction d'un des plus grands analystes contemporains, Weierstrass, elle acheva, en peu d'années, de parfaire son éducation mathématique. Engagée avec ardeur dans la voie de la haute analyse, elle ne tarda pas à s'y faire remarquer par d'importantes décou

vertes.

Ruinée par des placements malheureux de son mari, que cet événement conduisit à une mort tragique, elle fut, sur l'avis éclairé du savant professeur MittagLeffler, appelée à occuper, à l'Université de Stockholm, une chaire de mathématiques supérieures où, jusqu'à l'heure de sa mort, trop tôt sonnée, elle fit preuve de la plus rare distinction.

En 1888, elle avait, à l'Académie des sciences de Paris, remporté le prix Bordin à la suite d'un concours où son mémoire avait été mis hors de pair par une découverte sensationnelle.

Ses brillantes facultés ne la prédisposaient d'ailleurs pas moins aux travaux littéraires qu'aux recherches mathématiques :

<< Je ne saurais dire, a-t-elle écrit, ce que j'aime le plus des mathématiques ou des lettres. Dès que ma tête est fatiguée des spéculations abstraites, je me sens attirée vers l'observation de la vie et disposée à prendre la plume.

On a dit que sa fin prématurée aurait été la rançon de sa gloire. Elle n'aurait pas pu surmonter le chagrin de voir s'évanouir certain rêve de bonheur domestique qu'elle avait formé avec son cœur de femme et auquel son renom trop retentissant de savante vint précisément mettre obstacle. « La gloire elle-même, a dit Mme de Staël, ne saurait être pour une femme qu'un deuil éclatant du bonheur. »

Pour vous apporter sur Mme Kowalewski un jugement d'une indiscutable autorité, j'ai interrogé à son sujet celui que tous les mathématiciens actuellement vivants saluent, d'un consentement unanime, comme le premier d'entre eux et l'un des plus grands dans tous les siècles. J'ai nommé M. Henri Poincaré. Voici sa réponse :

<< Mme Kowalewski était une vraie mathématicienne, elle a fait des travaux originaux qui la mettent de pair avec les grands géomètres de l'autre sexe. »

Un tel témoignage me dispense d'en dire plus long.

Peut-être aurez-vous été frappées de ce fait que les femmes de science dont je viens d'évoquer la figure sont toutes des mathématiciennes ? Peut-être même quelques-unes d'entre vous y auront-elles cru voir une

[graphic]
« ÖncekiDevam »