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Mais pour mieux faire connaître l'état de la question, reprenons les choses d'un peu plus haut.

Lorsque Nicon monta sur le siége patriarcal de Moscou, en 1652, il trouva que les livres liturgiques dont on se servait dans l'Église russe étaient dans un état déplorable. Imprimés ou manuscrits, ils étaient criblés de fautes. Il n'y a là rien qui doive nous étonner. Tout le monde sait qu'au xve et au XVIe siècle, l'ignorance était fort grande en Russie. Des copistes sans aucune instruction ne pouvaient manquer d'altérer profondément un texte qu'ils étaient incapables de comprendre et qui allait se corrompant toujours davantage à chaque transcription nouvelle; d'un autre côté, l'imprimerie ne pénétra en Russie que fort tard, et les premiers imprimeurs ne furent pas en état de purger les livres qui sortaient de leurs presses des erreurs dont les manuscrits fourmillaient. Aussi, une correction des livres liturgiques et de la version slavonne de la Bible était-elle devenue indispensable, lorsque le patriarche Nicon résolut de l'entreprendre. Mais ce grand homme n'avait pas seulement à combattre l'ignorance du peuple, il résistait glorieusement aux usurpations des grands, et travaillait à conquérir, par la lutte, l'affranchissement de l'Église. La correction des livres se fit, mais l'Église ne fut pas affranchie; Nicon succomba sous les efforts de ses ennemis, et la cause de la liberté de l'Église fut perdue, sinon sans retour, au moins pour bien longtemps.

Une véritable révolution s'opéra dans l'Église russe, révolution intérieure et profonde, mais qui, dans les premiers temps, ne put se traduire au dehors par des signes sensibles. Toutefois, l'instinct populaire ne s'y trompa point. A partir

de ce moment, cette Église ne fut plus à ses yeux la véritable Église du Christ; il refusa de la reconnaître, et resta fidèle au souvenir de l'ancienne Église, qui, suivant la logique des masses, avait cessé d'exister en cessant d'être libre. Seulement, ignorant comme il l'était, le peuple ne sut pas discerner les causes et les auteurs de cette révolution qu'il ressentait si vivement; elle se rattachait étroitement au nom de Nicon, il accusa Nicon de l'avoir faite. Jusqu'à présent la mémoire de Nicon est en exécration parmi les starovères; et le nom de Niconienne qu'ils donnent à l'Église dominante, est à leurs yeux une injure.

Cependant, comme il fallait à la grossière intelligence du peuple quelque chose de matériel, de palpable pour discerner l'ancienne Église de la nouvelle, il s'attacha aux vieux livres, à ces vieilles éditions ou à ces vieux manuscrits hérissés de fautes, et il se fit de ces fautes mêmes un signe de ralliement et un symbole. De là, la contradiction perpétuelle qui se retrouve au fond du starovérisme. Si on s'arrête à la surface, on ne voit parmi les starovères que des hommes ignorants et grossiers, qui s'attachent avec un fanatisme opiniâtre à des éditions évidemment incorrectes, ou à des pratiques indifférentes. Mais si on va au fond des choses, on trouve que l'objet principal de la haine des starovères, c'est cette Église dominante elle-même, et de toutes les innovations qu'ils lui reprochent, celle qui leur tient le plus à cœur, sans qu'ils s'en rendent peut-être bien compte euxmêmes, c'est de ne pas avoir conservé son ancienne indépendance. Ces pauvres starovères font involontairement songer aux Juifs de l'ancienne loi pendant la captivité de Babylone, pleurant la ruine du temple; ou bien l'on se

figure de bons chrétiens perdus dans une contrée éloignée, séparés du reste du monde, restant fidèles par le culte du souvenir à l'Église catholique, la cherchant en vain autour d'eux, et refusant de la reconnaître dans une Église officielle, privée d'indépendance et de vie.

On le voit, le starovérisme n'est pas autre chose que l'opposition que le peuple russe fait à l'Église dominante. C'est une protestation contre l'état de dépendance dans lequel cette Église se trouve placée vis-à-vis du pouvoir temporel. Ce qui prouve bien qu'il y a dans le starovérisme quelque chose de plus profond et de plus sérieux que cet attachement à des formes extérieures et à des pratiques surannées, c'est le peu de fruit que l'Eglise russe a retiré d'une transaction fort sage et fort conciliante qu'elle avait offerte aux starovères. Comprenant que l'unité et la concorde étaient des biens d'un ordre supérieur à toutes les pratiques purement extérieures, elle a proposé aux starovères de continuer à se conformer, dans la liturgie, à leurs vieilles éditions, et à toutes ces coutumes auxquelles ils attachent un si grand prix, à la seule condition de reconnaître l'autorité du synode et de cesser le schisme. Les starovères, ainsi réunis à l'Église dominante, prirent le nom de édinovères, ce qui revient à dire, hommes qui ont la même foi que l'Église dominante, ou bien starovères-unis. Il semblait que cette transaction était de nature à les satisfaire complétement, cependant elle n'a été acceptée que par le petit nombre ; et les starovères séparés de la communion du synode et rebelles à son autorité, se multiplient de plus en plus1.

1 L'autre jour, une personne que j'ai tout licu de croire bien informée assurait devant moi que les rascolniques formaient le quart de l'Eglise

Il me semble que si le patriarche Nicon ressuscité venait reprendre sa place dans l'Église de Russie, sa grande âme comprendrait bien cette situation; il se montrerait pour les starovères plein d'une indulgente mansuétude; il n'attacherait pas grande importance à avoir raison contre eux dans quelques questions de détail, mais il se dévouerait tout entier à rendre à l'Église russe cette beauté et cette majesté que nous voudrions lui voir, et dont l'éclat lui soumettrait les starovères bien mieux que les controverses les plus savantes. Ce qui importe, ce n'est pas seulement de les convaincre par des arguments irréfutables; c'est encore, c'est surtout de satisfaire un besoin de leurs âmes. Il faut leur montrer une Église forte, indépendante, féconde; il faut leur montrer l'Épouse immaculée de Jésus-Christ régnant sur les esprits et sur les cœurs, dictant ses lois et les faisant observer, annonçant avec autorité la parole de Dieu, condamnant sans hésitation et sans crainte toutes les erreurs, répandant avec abondance la vie de la grâce, produisant sans effort des œuvres d'abnégation, de dévouement, de zèle, et attirant dans ses bras, de toutes les extrémités du monde, à l'odeur de ses parfums, des enfants qu'elle n'a pas portés dans son sein.

Voilà la démonstration vivante et irréfutable qui irait droit au cœur des starovères, qui les subjuguerait, et qui mettrait fin à toutes les disputes et à toutes les divisions.

Mer Grégoire, on le comprend, ne se place pas sur ce terrain: il s'adresse aux hommes égarés par les préjugés du starovérisme, et il s'efforce de leur démontrer la nécessité de

russe; or, de tous les rascolniques, les starovères sont les plus nom

rentrer dans le sein de l'Église russe, que leurs ancêtres ont quittée. Dans l'examen de ces délicates et importantes questions, le synode ne pouvait guère trouver d'organe plus autorisé; j'ajouterai que les starovères ne pouvaient rencon– trer un adversaire plus sympathique. Il y a dans la polémique du nouveau métropolitain de Saint-Pétersbourg quelque chose de doux, de calme, de paternel qui va au cœur ; on ne peut le lire sans éprouver qu'il inspire la confiance en même temps qu'il commande le respect. Ajoutons à cela que le savant prélat a eu soin de faire une étude approfondie de tous les ouvrages, de tous les textes préférés par les starovères, et qu'il s'est attaché à ne leur citer que des autorités qu'ils ne peuvent pas récuser. Enfin, nous n'avons aucune difficulté à reconnaître que sur presque tous les points, sinon sur tous, Mr Grégoire a évidemment raison contre les starovères; il a pour lui la sainte Écriture, les conciles, les saints Pères, et il en fait un usage judicieux. Je crois très-volontiers que son livre est de nature à faire sur les hommes égarés auxquels il s'adresse une profonde et heureuse impression; il y a là des arguments auxquels ils ne peuvent pas trouver de réponse; et ces arguments s'appuient sur des textes qu'ils se garderont bien de ne pas accepter.

Et cependant, pour dire ma pensée tout entière, je ne crois pas que le procédé employé par l'éminent écrivain soit efficace; je ne crois pas qu'il ramène un grand nombre de starovères à la communion de l'Église dominante.

La raison en est simple, et le lecteur la devine par tout ce qui précède. Mer Grégoire a mille fois raison contre les starovères, dans les questions qu'il traite; mais il en est une

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