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La chirurgie et le cœur

Plaies et mort subite

Comme l'esclave antique dans l'ergastule, le cœur, dans la cage thoracique, travaille et peine, enchaîné, la nuit, le jour, d'un rythme régulier. Une défaillance prolongée, oh! si peu, et c'est la mort. Aussi la Nature l'a-t-elle protégé avec soin contre toutes les causes extérieures capables de l'atteindre et de le blesser. Des parties molles, des os souples et résistants cependant, qui plient avant de se rompre, et qui peuvent arrêter plus d'une violence, un sac lisse et glissant qui lui permet de se dérober jusqu'à un certain point, tels sont les moyens de défense d'un organe aussi important: moyens efficaces dans bon nombre de cas, remarquablement efficaces même si notre corps n'était livré qu'à des violences que j'appellerais volontiers «< naturelles ».

Voyez les animaux, vivant à l'état de nature ont-ils jamais des blessures du cœur ? Chez l'homme, ces atteintes graves sont dans l'immense majorité causées par l'homme lui-même coups de couteau, armes à feu, luttes sauvages de la guerre, suicides, etc., etc.

Mais hélas ! elles existent; le médecin les rencontre encore trop souvent et le problème angoissant de leur traitement se pose souvent devant lui, avec cette circonstance aggravante de la nécessité d'une intervention qui ne comporte pas de délai, sous peine d'arriver trop tard.

Ce sont les ressources de la Chirurgie moderne que je

voudrais exposer ici, non certes avec la pensée d'enseigner à mes lecteurs une pratique qu'ils n'auront jamais à suivre, mais avec le désir de leur montrer les prouesses de cet art chirurgical et d'augmenter encore leur admiration pour ceux qui le pratiquent.

Je n'étonnerai pas mes lecteurs en disant que cette chirurgie du cœur est d'origine toute récente, si bien qu'en 1876 un grand chirurgien pouvait dire que, pratiquement, toutes ces discussions sur les plaies du cœur n'avaient pas grand intérêt. Ah! si ce maître pouvait revenir sur terre et voir les centaines de blessés qu'un geste hardi et précis a guéris !

Toucher au cœur blessé ! disait-on, mais le plus souvent la mort est rapide, foudroyante! Tarde-t-elle un peu ? quel est l'audacieux qui oserait ainsi, dans de mauvaises conditions d'assistance, de local, sans les instruments nécessaires, dans une sorte de chirurgie improvisée, qui oserait aller ouvrir la poitrine, manipuler cet organe, noble entre tous par l'importance de sa fonction, et risquer de voir le blessé mourir entre ses mains, au grand scandale et au grand émoi des spectateurs terrifiés par cette « boucherie », car c'est ainsi que certains parlent de la chirurgie, quand elle se hausse à la hauteur d'effrayantes difficultés ?

Puis venaient les cas où, le blessé résistant quelques heures, on se demandait avec anxiété si le coeur était vraiment blessé et si on n'allait pas ouvrir la cage pour constater qu'il n'était pas atteint ! Et on laissait les blessés... mourir !

Que de fois l'autopsie n'avait-elle pas démontré que la lésion était insignifiante, qu'il eût suffi d'une aiguille et d'un bout de fil pour la fermer ! Regrets superflus!

Mais la science évolue. L'expérimentation sur les animaux fait connaître mieux le siège, la forme des plaies, leurs conséquences et par suite les signes qui les trahissent au dehors.

Puis, un jour ou une nuit, à l'heure des crimes, un chirurgien hardi met en pratique les enseignements de la vivisection, et c'est un ivrogne victime d'une rixe, ou un suicidé qui est le premier bénéficiaire d'une chirurgie rationnelle.

Notre chirurgien de tout à l'heure prononçait sa sentence en 1876 et c'est vingt ans plus tard qu'un autre jeune maître suturait, sur un blessé, une plaie du cœur. Puis les cas se succèdent et pour ainsi dire s'appellent. Quod isti cur ego non? semble être la devise des opérateurs.

Les guerres, et surtout la Grande guerre, ont multiplié les cas où pouvaient se réaliser les enseignements d'une pratique grandissante et de plus en plus heureuse ét c'est à ce point où elle est arrivée aujourd'hui que nous prendrons cette chirurgie.

Disons d'abord qu'elle se présente sous deux aspects, ou mieux dans deux conditions bien différentes.

Ici, c'est l'urgence plus ou moins immédiate mais toujours pressante; si l'on n'intervient pas, et tout de suite, c'est la mort sans phrases. Là, le blessé a résisté et le chirurgien peut choisir son heure.

Si, au point de vue de la gravité de l'intervention et de la beauté du résultat, ces deux conditions diffèrent sensiblement, il n'en est pas de même au point de vue opératoire. Ce sera la même technique, mais les facteurs, rapidité et sang-froid du chirurgien, jouent un plus grand rôle ici que là. Pour juger de l'intérêt de la question, il me paraît opportun de dire quelques mots de l'anatomie régionale du cœur et aussi de sa fonction par là sont mieux compris et les symptômes offerts par le blessé et les gestes de l'opérateur.

Chacun se représente assez facilement la cage thoracique, cavité formée par les côtes qui constituent de chaque côté un « gril» avec, donc, des espaces entre les côtes, les barreaux du gril ou de la cage, comme on voudra.

La cavité est à peu près celle d'une moitié d'œuf, aplatie, dont la pointe est vers le cou et la base vers l'abdomen. Cette cavité, qui contient cœur et poumons, est séparée du ventre, où sont les viscères, par une cloison musculaire, le diaphragme.

Ce nom induit le public en erreur. Un diaphragme, au sens ordinaire du mot, est un plan, perforé ou non, qui sépare deux cavités. Le diaphragme dont nous parlons ici n'est pas un plan, c'est une coupole, presque une demisphère dont le bord inférieur, grand cercle, s'attache aux dernières côtes et à la colonne vertébrale et dont la convexité plonge littéralement dans la cage thoracique. Nous sommes loin d'un plan. C'est quasi un piston dans un cylindre.

Sur le dessus de ce diaphragme est couché le cœur. Je dis couché, en travers de droite à gauche. Il nous est caché en partie par l'os du devant de la poitrine, le sternum, et par les côtes gauches. Entre ces côtes, dans l'espace libre, on peut facilement l'atteindre, on le voit battre, juste au-dessous du mamelon. Là se trouve la pointe du cœur. Qui dit pointe ou petite extrémité pense à une grosse extrémité. Le cœur en a une sa base, qui affleure le bord droit du sternum. En arrière, la colonne vertébrale et l'extrémité postérieure des côtes défendent bien le cœur. Ce sont parois résistantes.

Mais en bas, le plancher est purement « mou », le diaphragme étant un muscle. D'où possibilité de blessure de bas en haut, du ventre vers la poitrine.

Les rapports du cœur avec les côtes et le sternum ont été minutieusement repérés et le chirurgien voit littéralement, par l'esprit, cet organe en ses lieu et place.

Pour comprendre les plaies du cœur, il faut aussi se rappeler sa fonction. C'est en somme un tube à parois renforcées et contractiles, dont le contenu, le sang, est à une pression considérable, la même dans tout le système des vaisseaux artériels. Cette pression répond

à 15-16 centimètres de mercure, ou, ce qui frappe davantage l'esprit, à 2 m. d'eau cela se traduit par un jet de sang qui, théoriquement, peut monter à près de 2 m. de hauteur ! La conséquence s'impose. Dès que le cœur est touché et perforé, « la fuite» de sang se produit, parfois instantanément mortelle, ailleurs, si l'orifice n'est pas grand, moins abondante donc, hémorragie toujours grave.

Une autre condition complique les plaies du cœur. Cet organe est entouré d'un véritable sac, le péricarde, qui l'entoure étroitement, sans adhérer à lui, et permet les glissements nécessaires, à chaque battement.

Ce sac est pratiquement inextensible. Conclusion : si du sang s'épanche dans sa cavité et s'il ne peut s'échapper au dehors par le trajet de l'arme ou de la balle, il s'accumule, fait pression sur le cœur et arrête son fonctionnement.

Tels sont donc les deux dangers qui menacent immédiatement un blessé du cœur. Tous les deux demandent remède immédiat.

Comment se produisent les plaies du cœur ? et je n'ai en vue que les causes qui proviennent du dehors.

Laissons de côté les vastes écrasements du thorax qui réduisent presque en bouillie le sujet. Comme disait un spirituel médecin : « Ce n'est plus de la chirurgie, c'est de l'enterrement ». Le lecteur devine bien qu'il suffit d'un agent pointu, couteau, poignard, fleuret, épée, stylet, aiguille, passant au bon endroit, entre deux côtes, presque sans effort, pour atteindre le cœur. Si l'agent est puissant balle, éclat d'obus, il traversera les parties molles comme ci-dessus, mais aussi perforera les os, dès lors faibles défenses.

Pendant la guerre, en constatant que souvent de minimes éclats d'obus avaient atteint le cœur, on proposa de faire porter aux soldats une plaque métallique qui aurait arrêté ces projectiles insignifiants et pourtant mortels.

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