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CHAPITRE IV.

Election de la Supérieure du Monastère de Charonne.

I. MADAME ADAME Marguerite de Lorraine, Duchesse d'Orléans, fonda, en 1643, au faubourg de Saint-Antoine de Paris, un Monastère de la Congrégation établie par le Bienheureux Pierre Fourrier de Mathincourt. Les Lettres-Patentes de cet Etablissement déclarent qu'il est dé fondation royale, et qu'il en aura toutes les prérogatives. La Règle ordonne que la Supérieure sera élective et triennale. Sur la demande de la Fondatrice, le Pape Alexandre VII rendit, par une Bulle, lá Supériorité perpétuelle en faveur de la première Supérieure; elle mourut en 1673, laissant sa Maison accablée de dettes, plongée dans le relâchement et la division. Ces derniers faits sont rapportés dans les Procès-verbaux de visite des Commissaires de l'Archevêque de Paris, sous la Juridiction immédiate duquel étoit le Monastère de Charonne.

Sur la demande des Religieuses, qui ne trouvèrent parmi elles aucun sujet capable de rétablir les affaires de la Maison, le Roi nomma pour Abbesse Madame de Kerveno, Abbesse d'Estival, et l'Archevêque de Paris lui donna une Commission pour exercer la charge de Supérieure, en attendant qu'elle eût obtenu ses Bulles de translation.

Madame de Kerveno mourut en 1676. Près de trois ans s'écoulèrent avant la nomination d'une autre Supérieure, et l'état précaire de la Maison, quant au temporel, fut la principale causé de cé délai.

En 1679, l'Archevêque de Paris envoya de nouveaux Commissaires pour constater l'état du Monastère au temporel et au spirituel. Toutes les Religieuses furent entendues; elles déposèrent qu'on avoit celé aux premiers Commissaires une partie des dettes contractées, que de nouvelles dettes achevoient de ruiner lá Maison, et qu'en outre elle étoit agitée par des divisions intestines en céla, toutes étoient d'accord. Mais les unes pensoient que l'Etablissement ne pouvant se soutenir,

devoit être abandonné; d'autres jugeoient convenable de choisir une Supérieure hors du Couvent. Le Roi nomma Madame de Grandchamp, Religieuse de l'Ordre de Citeaux. L'Archevêque de Paris lui donna une Commission temporaire pour administrer le temporel et le spirituel, ne dérogeant d'ailleurs en rien aux Constitutions de la Maison. L'Offi cial de Paris introduisit et installa sans résistance la nouvelle Supérieure. Les Religieuses la reçurent, et lui donnèrent le baiser de paix, protestant néanmoins que son institution ne préjudicieroit pas à leurs droits.

Deux causes principales alimentoient la division dans le Monastère de Charonne : l'une étoit la pauvreté, ou plutôt la mauvaise administration des deniers, et les fausses dépenses qui engendrèrent la pauvreté; l'autre étoit la présence de quatre Religieuses Professes du Cou. vent de Saint-Nicolas de Lorraine, admises à Charonne, sans dot, ni pensions. Le Procès-verbal des Commissaires ne permet aucun doute sur ces faits. De plus, le Roi fit avertir l'Archevêque de Paris que ces Religieuses étrangères entretenoient des correspondances, et donnoient des avis dans le pays ennemi. Pour satisfaire le Roi, et soulager la Maison de Charonne, l'Archevêque ordonna que les quatre Religieuses de Lorraine retourneroient à leur Maison de Profession : ce qui fut exécuté.

De nouvelles discordes s'élevèrent en 1680. De nouveaux Commissaires furent envoyés pour les calmer; les Religieuses refusèrent obstinément d'écouter les Envoyés de leur Supérieur légitime, et même de s'assembler pour les recevoir.

II. Ce fut alors qu'un Inconnu apporta à Charonne un premier Bref d'Innocent XI, qui casse la nomination de Madame de Grandchamp, défend aux Religieuses de lui obéir, ordonne de procéder, selon les Règles et Constitutions, à l'élection d'une Supérieure triennale, prise dans la Maison, et de rappeler sur-le-champ les quatre Religieuses de Lorraine, qu'on avoit reléguées avec une audace téméraire (ce sont les expressions du Bref). Les faits qui motivent ces dispositions impératives sont que Madame de Grandchamp s'est emparée par violence de la Supériorité du Monastère de Charonne, et que les portes du Cloître ont été enfoncées, pendant que les Religieuses imploroient l'assistance

Divine aux pieds des Autels; le Bref n'en énonce pas d'autres. Et toutes ces dispositions, non provisoires, mais définitives, sont foudées sur une délation faite au Pape, à trois cents lieues de distance, un simple rapport: Allatum est ad nos.

III. Les Religieuses se prévalurent du Bref, en exécutant les clauses favorables à leurs vues, et mettant à l'écart celles qui leur semblèrent gênantes. En conséquence, elles élurent une Supérieure et des Assistantes, sans appeler leur Supérieur immédiat, ni deux Religieuses Capitulaires et Vocales, à qui, de plus, elles refusèrent l'entrée du Chœur, lorsqu'elles s'y présentèrent pour prendre part à l'élection. Cela fait, les Religieuses en instruisirent l'Archevêque de Paris. Ce Prélat ordonna une visite régulière, afin de connoître au juste ce qui venoit de se passer. On voit, par le Procès-verbal des Commissaires, signé de toutes les Religieuses, qu'elles convinrent des irrégularités de l'élection, et des faux exposés relatés dans le Bref.

Leurs amis de Rome surent les tirer de ce mauvais pas. Un nouveau Bref arriva en grande hâte, exhortant la Supérieure nommée par l'Archevêque à rougir de son entreprise impie; la censurant pour avoir violé ses vœux par la sortie de son Couvent de Profession, quoiqu'elle eût pour cela une obedience de ses Supérieurs; louant la prudence, la piété, le courage, la régularité des autres Religieuses; suppléant par l'Autorité Apostolique les défauts même substantiels de la première élection, même ceux dont on auroit oublié de faire mention; et confirmant ou élisant, en cas de besoin et pour trois ans, la Religieuse déjà élue en vertu du premier Bref.

Le Parlement de Paris défendit, avec grande raison, d'exécuter les deux Brefs, comme étant abusifs, contraires à la Juridiction des Ordinaires et aux Constitutions Canoniques. Les créanciers alarmés firent saisir les biens du Monastère, et, par un nouveau Procès-verbal, signé des Religieuses elles-mêmes, on découvrit qu'elles avoient successivement vendu l'argenterie de la Sacristie, des tentures précieuses de l'Eglise, des reliquaires, des chandeliers et des corbeilles d'argent, jusqu'aux chasubles les plus riches et au drap mortuaire de velours noir.

IV. Telle étoit la conduite publique et secrète de ces Religieuses,

qu'Innocent XI, grand amateur de la régularité, mais facilement et indignement trompé, honora de la plus éclatante protection; et, comme à l'idée de l'infaillibilité Pontificale, se joignoit dans son esprit celle de la toute-puissance, un troisième Bref, du 18 Décembre 1680, non seulement défendit, sous peine d'excommunication encourue ipso facto, d'imprimer, de lire et de retenir l'Arrêt du Parlement de Paris, qui déclare le premier Bref abusif, mais encore ordonna à tous ceux qui en avoient des copies, de les remettre aux Inquisiteurs ou aux Evêques dans toute la Chrétienté, avec injonction à ceux-ci de les brûler sans délai.

Pour qu'il ne restât pas le moindre doute sur les principes que les Brefs avoient inis en pratique, ils furent expliqués et consacrés dans une Apologie écrite en Italien, qu'on fit circuler avec profusion dans le Royaume. On y disoit que le Pape étoit en droit de juger sans appel et omisso medio, et on le prouvoit, en érigeant, par une absurdité palpable, l'affaire de Charonne au rang des Causes majeures; on attribuoit au Pape le privilege d'interpréter à son gré le Concordat; on traitoit d'Hérétiques ceux qui affirment que les Evêques tiennent leur autorité immédiatement de Jésus-Christ,

« Voyez, écrivoit le Pape Nicolas I° à Hincmar, Archevêque de << Reims, si ces choses ne préjudicient pas à l'Eglise du Christ; examinez « si ce sont des maux qu'on doive tolérer sans rien dire; considérez si « de telles entreprises doivent être souffertes dans la Sainte Eglise de << Dieu (1). >>

V. L'Assemblée de 1682 ne crut pas qu'il lui fût permis de garder le silence. C'eût été, en effet, consentir à l'anéantissement de la Juridiction des Ordinaires, et renoncer aux plus inviolables Maximes de la Discipline de l'Eglise Gallicane. Ne pouvant donc se taire, et forcé de répondre à l'attente de toutes les Eglises de France, ce fut au Pape lui-même que le Clergé adressa, dans les termes les plus touchans, ses plaintes filiales sur les Brefs au Roi, sur ceux de Pamiers et de Tou

(1) Videte si hæc Ecclesiæ Dei non præjudicent; videte si tolerabilia debeant æstimari; considerate si debeatis Ecclesiæ Sanctæ Dei istas derogationes ingerere. (Epist. Nic, I ad Hingm, Rhem.)

louse, sur ceux de Charonne, et enfin sur le refus persévérant de pourvoir l'Eglise de Pamiers d'un Pasteur légitime (1).

Mais l'Assemblée avoit de trop justes appréhensions que ses humbles prières n'eussent pas tout l'effet qu'elle avoit droit d'en attendre. C'est pourquoi, avant de se séparer, elle fit une protestation respectueuse et solennelle, qui fut signifiée à l'Auditeur de la Nonciature en France; et on ne peut pas lui reprocher d'avoir introduit une forme nouvelle par cet Acte purement conservatoire, puisqu'elle s'appuyoit sur l'exemple de pareilles protestations, faites par les Eglises de France, sans que les Papes Boniface, Célestin, et plus récemment Innocent X, l'eussent trouvé mauvais. Pour que le Lecteur puisse juger avec impartialité de cet Acte qui prouve la fermeté et la pieuse modération des Evêques Français en 1682, il doit en connoître la teneur, et on l'a inséré parmi les Pièces Justificatives (2). Il y verra que l'Eglise Gallicane n'aspiroit pas à l'indépendance, comme on l'en accuse faussement, mais qu'elle vouloit dépendre selon les lois de l'Eglise Universelle; qu'elle se vouoit de nouveau à l'obéissance Canonique, en refusant de porter le joug d'une obéissance servile; qu'enfin, si elle ne pouvoit pas reconnoître dans l'Eglise Romaine une Maitresse impérieuse, comme le dit Bossuet, elle ne cessoit pas d'y voir la Mère des Eglises, selon l'institution primitive et l'ordre de Jésus-Christ.

Ce fut ainsi que l'Assemblée de 1682 évita de donner un motif légitime d'offense au Saint-Siége, et resta fidèle à la Chaire principale de Pierre. Guidée par l'amour et la connoissance des Règles de l'Eglise, elle sut terminer pacifiquement des querelles envenimées, attendre des temps meilleurs, et mettre à couvert les droits et les usages de l'Eglise Gallicane, consacrés par la plus haute Antiquité.

Telle est la réponse que nous opposons avec confiance à l'Anonyme et aux autres Dissertateurs. Pour les confondre, il n'a fallu que rétablir les faits dans leur intégrité historique. Il ne s'agit pas ici de déclamer et de faire des phrases; talent futile qu'on emploie vainement

(1) Epist. Conv. Cl. Gall. ad Inn. XI. Prid. Non. Maii 1682. — 6 Maii. (2) Protest. Cl. Gall. vi Maii 1682.- Pièces Justificatives, no V.

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