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de l'économie, qu'aucun chirurgien n'aurait eu le courage d'entreprendre et qu'aucun malade n'aurait eu la force de supporter sans le secours bienfaisant du sommeil anesthésique.

Telle a été la première étape parcourue par la chirurgie moderne dans la voie du progrès. Un grand problème est résolu, celui de la suppression de la douleur; un autre ne tarde pas à se poser et va être résolu à son tour, celui de la suppression de l'hémorragie. A mesure que les chirurgiens plus hardis entreprennent des opérations plus délicates et de plus longue durée, ils comprennent mieux les inconvénients des grandes pertes de sang et ils s'efforcent, par les procédés les plus divers, d'économiser ce précieux liquide.

Ils ont si bien réussi dans cette voie qu'aujourd'hui la plupart des opérations qui se font sur les membres, les amputations, les résections articulaires, les enlèvements de tumeurs, etc., peuvent se pratiquer sans faire perdre au malade plus de quelques grammes de sang. Ce résultat s'obtient par le procédé d'hémostase préventive qu'a fait connaître, en 1873, le célèbre chirurgien allemand von Esmarch. Rien n'est simple comme cette invention. Une bande élastique appliquée depuis l'extrémité du membre, main ou pied, jusqu'à sa racine, exprime en quelque sorte le sang qui s'y trouve; un tube de caoutchouc, gros comme le doigt, que l'on serre fortement au delà du dernier tour de bande, comprime circulairement le membre à sa racine et ferme hermétiquement toutes les artères; si alors le chirurgien enlève la bande, il n'a plus devant lui qu'un membre pâle, anémié, exsangue, dans lequel il peut tailler à toutes les profondeurs et dans toutes les directions sans qu'une goutte de sang vienne masquer à ses yeux le champ opératoire. C'est là ce qu'on est convenu d'appeler l'hémostase préventive; mais, ainsi que nous venons de le dire, elle n'est applicable qu'à la

chirurgie des membres. Partout ailleurs, le chirurgien qui opère lutte continuellement contre l'hémorragie en appliquant sur chaque artère blessée, à mesure qu'un jet de sang la signale à ses yeux, des pinces spéciales dites pinces hémostatiques, dont l'invention doit être attribuée à Koeberlé, de Strasbourg (1865), bien que M. Péan, de Paris, en soit à bon droit considéré comme le principal vulgarisateur. L'opération terminée, il est nécessaire d'arrêter d'une façon définitive le cours du sang dans les vaisseaux ouverts, sous peine de voir survenir des hémorragies post-opératoires qui compromettraient le résultat.

Jusqu'au XVII° siècle, on atteignait ce but en promenant sur les chairs saignantes le fer rouge, l'huile bouillante ou la poix fondue. Ambroise Paré rendit un immense service à la chirurgie en introduisant la pratique de la ligature des vaisseaux. Jusque il y a vingt ans, on employait dans ce but, comme au temps de Paré, des fils de soie, de lin ou de chanvre. Mais ces fils, jouant au sein des tissus le rôle de corps étrangers, étaient autant d'obstacles à la cicatrisation. C'est alors que l'on commença à les remplacer par des ligatures de cordes à boyau préparées d'une certaine façon, et qui jouissent de la propriété de se résorber rapidement au milieu des chairs en subissant un travail de désagrégation comparable à celui de la digestion. Ainsi s'est constituée, par des perfectionnements successifs, l'hémostase chirurgicale telle que nous l'entendons aujourd'hui: hémostase préventive qui permet de parfaire sans effusion de sang la plupart des opérations qui se pratiquent sur les membres, hémostase provisoire qui, par les applications des pinces de Koeberlé et de Péan, réduit au minimum la dépense de liquide sanguin au cours des opérations qui se rapportent à la tête, au cou, au tronc; hémostase définitive qui ferme d'une manière durable toutes les bouches vasculaires ouvertes pendant l'acte chirurgical, au moyen de fils résorbables permettant de réunir les plaies comme si aucun corps étranger ne s'y trouvait enfermé.

Nous voici arrivés à un moment décisif dans l'histoire de la chirurgie. Vainqueurs de la douleur et de l'hémorragie, les chirurgiens ne craignent plus de s'attaquer aux organes les plus importants du corps humain. Malheureusement un obstacle formidable se dresse devant eux et paralyse les plus louables initiatives. Sous des formes adoucies, la chirurgie reste terriblement perfide. Une mortalité effrayante règne dans les hôpitaux affectés au service des blessés. Une foule de complications redoutables, l'érésipèle, l'infection purulente, la septicémie, la pourriture d'hôpital, le tétanos, etc., guettent le malheureux opéré au sortir des mains du chirurgien. Leurs ravages sont constants, ininterrompus; mais à certains moments, sous des influences encore ignorées, ils sévissent avec une malignité comparable à celle des maladies épidémiques les plus meurtrières. Pendant ces périodes néfastes, les chirurgiens prudents font évacuer les salles et renoncent à toute opération, même minime, car, suivant le mot de Velpeau, la moindre piqûre est une porte ouverte à la mort. D'autres n'abritent leurs opérés que dans des baraquements en bois, édifiés à peu de frais au milieu des jardins de l'hôpital, afin de pouvoir les brûler lorsque les agents encore inconnus des complications infectieuses y auront élu domicile. Les plus résolus ne dissimulent pas leur découragement. Nélaton propose d'élever une statue d'or à celui qui nous délivrera de l'infection purulente. Le hasard règne en maître. On dirait qu'une puissance mystérieuse et fatale se rit de nos efforts. Le plus maladroit opérateur de village obtient des résultats incomparablement plus beaux que les plus célèbres professeurs placés à la tête des hôpitaux des grandes villes. A quoi bon d'ailleurs tous ces prodiges d'habileté qui se dépensent dans les amphithéâtres de chirurgie si, au sortir de l'opération la plus magistralement conduite et apparemment la mieux réussie, il faut entendre répéter pour la centième fois cette parole d'Am

broise Paré, qui traduit si bien l'impuissance et l'incertitude de l'art : « Je te pansai, Dieu te guârisse! »

Celui qui n'a pas vécu à cette époque et qui n'a pas été témoin de la situation que je viens d'esquisser, ne saurait apprécier comme elle le mérite l'invention de l'antisepsie. Car c'est l'antisepsie qui a clos pour toujours cette période de doutes et de perplexités. Cette découverte, la plus belle à coup sûr qu'ait faite en ce siècle l'art de guérir, n'est pas seulement un progrès, c'est une révolution. Elle établit une barrière entre l'ancienne chirurgie et la chirurgie moderne. Elle a dissipé tous les fantômes qui assombrissaient d'une manière si décourageante le pronostic des opérations, et, pour tout dire en un mot, elle a doté l'art chirurgical d'une force qui auparavant lui avait toujours fait défaut, la sécurité.

En remontant dans le passé, nous pouvons considérer comme les précurseurs de cette inappréciable découverte tous ceux qui ont entrevu le rôle que jouent les êtres microscopiques dans le phénomène de la putréfaction, depuis Leuwenhoeck qui, en 1680, découvre la nature organisée de la levure de bière, jusqu'à Schwann qui démontre, en 1837, que la décomposition de la matière organique n'est pas due à l'action de l'air, mais bien à la pénétration de germes vivants dont l'air n'est que le véhicule. Malheureusement, les remarquables expériences de Schwann n'eurent pas le retentissement qu'elles méritaient. Elles demeurèrent stériles, et nous devons arriver à Pasteur pour apprendre à connaître le rôle véritablement extraordinaire que jouent les infiniment petits dans les phénomènes de la vie et de la mort. Tous ceux qui, de 1860 à 1870, s'intéressaient déjà aux questions scientifiques, se souviennent de l'immense retentissement qu'eurent ses admirables travaux sur la génération spontanée, sur la maladie des vers à soie et sur les fermentations. C'était aussi le moment où la chirurgie luttait impuissante contre la mortalité considérable que les infections nosoII SÉRIE. T. V.

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comiales faisaient peser sur les opérés. Alors un homme, dont l'humanité ne saurait assez bénir le nom, le professeur Lister, d'Édimbourg, s'emparant des découvertes de Pasteur, eut l'idée d'appliquer la théorie des germes à la prophylaxie des infections chirurgicales. Il y avait, en effet, une analogie frappante entre les faits observés par l'illustre chimiste dans son laboratoire et les faits constatés chaque jour par le chirurgien au lit des malades. De même qu'un flacon de liquide organique tenu à l'abri de l'air se conserve indéfiniment, les chirurgiens voyaient les traumatismes les plus graves, les écrasements, les fractures, évoluer sans complication et sans fièvre, pourvu que la peau ne fût pas entamée. Mais qu'une piqûre insignifiante vînt établir une communication entre le foyer de la blessure et l'extérieur, et l'on voyait, avec l'accès de l'air, survenir la suppuration, la fièvre, et trop souvent aussi l'infection et la mort. C'était un premier pas; il restait à déterminer l'agent qui communiquait à l'air son influence malfaisante. Or, Pasteur avait démontré, avec une lumineuse évidence, que l'air ne doit ses propriétés fermentescibles ni à l'oxygène, ni à l'azote, ni à aucun des éléments gazeux qui peuvent s'y trouver, mais à des germes microscopiques qu'il tient en suspension et qu'il dépose sur les liquides en expérience. Lister acquit la conviction qu'il en était de même dans les accidents des plaies, et, une fois en possession de cette vérité, on peut dire que l'antisepsie était découverte dans son esprit. Il se mit à l'œuvre avec une infatigable persévérance, menant de front les expériences du laboratoire avec les travaux de la clinique ; et en 1867, c'est-à-dire cinq ans après la publication du premier mémoire de Pasteur sur la génération spontanée, il fit paraître un premier article où les principes de la méthode antiseptique se trouvaient établis de main de maître. La doctrine nouvelle eut quelque peine à faire ses premiers pas dans le monde savant. La guerre de 1870 vint pendant plu

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