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sieurs années paralyser l'activité scientifique du continent. En 1876, au Congrès international de médecine tenu à Bruxelles, la question du pansement antiseptique des plaies fut mise à l'ordre du jour, mais la discussion resta sans écho, parce que personne encore n'avait expérimenté la nouvelle méthode. Néanmoins les chirurgiens, frappés des résultats merveilleux que l'on commençait à signaler en Allemagne et en Angleterre, se mirent à l'œuvre. En 1878, au Congrès international d'Amsterdam, Lister fut l'objet d'ovations enthousiastes, et c'est aux applaudissements des médecins de tous les pays que Donders décerna au modeste, savant et infatigable professeur d'Édimbourg le titre de bienfaiteur de l'humanité. Quinze années se sont écoulées depuis et la valeur de sa découverte n'a fait que s'accentuer davantage.

L'invention de l'antisepsie fait le plus grand honneur à l'esprit humain. C'est un des plus beaux exemples de ce que peut la science appliquée à la prophylaxie et au traitement des maladies. Elle n'est pas, comme l'anesthésie, le résultat d'un heureux concours de circonstances dans lesquelles le hasard a joué souvent le principal rôle, mais elle nous apparaît comme la conséquence logique de travaux exclusivement scientifiques, conduits avec une persévérance et une vigueur que l'on ne saurait assez admirer. Pasteur en a préparé l'avènement par ses immortels travaux, Lister l'a créée par ses recherches ingénieuses et opiniâtres. L'humanité n'acquittera jamais la dette de reconnaissance qu'elle a contractée envers ces deux grands hommes.

Je ne puis entrer ici dans tous les détails de la méthode antiseptique. Telle qu'elle fut établie par Lister, elle consistait en un ensemble de précautions destinées à empêcher l'accès des germes de l'air sur les plaies et à détruire ceux qui pouvaient s'y être déposés, à l'aide de substances variées, parmi lesquelles l'acide phénique occupait le premier rang. Avant l'opération, tout ce qui devait venir au

contact de la plaie était soigneusement désinfecté à l'acide phénique; pendant l'acte chirurgical, le champ opératoire était entouré d'un nuage de vapeurs phéniquées destiné à tenir à distance les germes atmosphériques; quant au pansement, il consistait à recouvrir la partie malade d'un certain nombre de couches de tartalane préparées à l'acide phénique et recouvertes elles-mêmes d'un taffetas imperméable.

Ainsi conçu, le pansement de Lister constituait un immense progrès, mais il n'était pas sans présenter de nombreux inconvénients : le brouillard de vapeurs phéniquées offusquait l'opérateur, et l'emploi abusif de l'acide phénique occasionna plus d'un accident. Aussi chaque année vit-elle s'introduire d'utiles perfectionnements.

Aujourd'hui les principes de la méthode antiseptique posés par Lister sont plus solidement établis que jamais, mais la technique a changé du tout au tout. Depuis que les travaux de Koch et des bactériologistes qui l'ont suivi nous ont fait mieux connaître les micro-organismes qu'il s'agit de combattre, et auxquels Sédillot, de Strasbourg, a donné le nom de microbes, nous savons que l'air n'est pas aussi dangereux que le croyait Lister. Le péril est moins dans l'atmosphère, relativement pauvre en microbes, que dans le contact de la plaie avec des objets contaminés par la présence de ces organismes : les mains du chirurgien, les instruments et les fils dont il se sert, les pièces de pansement, etc. La sécurité réside donc dans la purification absolue de tout ce qui doit toucher les surfaces saignantes, et cette purification s'obtient par les lavages répétés avec des liquides spéciaux, par l'ébullition des instruments, par la stérilisation à l'étuve des pièces de pansement, etc. C'est ainsi qu'à l'antisepsie, telle que l'entendait Lister, les chirurgiens actuels, parmi lesquels il convient de citer le professeur von Bergmann, de Berlin, s'efforcent de substituer ce que l'on appelle aujourd'hui l'asepsie. Ils n'emploient plus que le moins possible et en

quelque sorte à leur corps défendant les substances germicides, comme l'acide phénique et bien d'autres, parce qu'ils ont remarqué que ces substances, tout en détruisant les micro-organismes, ne laissent pas que d'altérer plus ou moins profondément la trame des tissus vivants. Par contre, ils s'ingénient, par les procédés que j'indiquais tout à l'heure, à tenir ces plaies à l'abri de toute infection, de tout germe venu de l'extérieur. L'antisepsie était une guerre d'attaque, l'asepsie est un système de défense; s'il m'était permis de risquer un néologisme, je dirais que la première est microbicide et la seconde microbifuge.

L'anesthésie, l'hémostase et l'antisepsie dominent donc toute l'histoire de la chirurgie moderne. Ces trois grandes découvertes ont fait tomber les chaînes qui la retenaient captive et lui ont permis de prendre l'essor magnifique dont nous avons été témoins. Des horizons inconnus se sont ouverts devant elle, et rien n'égale l'ardeur avec laquelle elle se mit à défricher les champs nouveaux livrés à son activité. Une confiance presque illimitée dans la puissance de leur art s'est emparée de l'esprit des chirurgiens c'est à qui s'engagera le premier dans les sentiers les plus difficiles, c'est à qui en rapportera la plus abondante moisson. Voilà bientôt vingt ans que ce mouvement a commencé. Nous pouvons dès maintenant en apprécier les résultats; ils sont tels que les esprits les plus difficiles n'auraient jamais osé en espérer d'aussi beaux. De la révolution à laquelle nous venons d'assister, l'ancienne chirurgie sort affermie, rajeunie, régénérée, et, à côté d'elle, s'est établie une chirurgie nouvelle dont la hardiesse n'a d'égal que ses nombreux services.

Ce n'est pas pendant le court espace de temps dont je dispose qu'il me serait possible d'indiquer toutes les conquêtes réalisées. D'ailleurs je fatiguerais votre attention et je risquerais de n'être pas compris, car je serais forcé d'entrer dans des explications d'un caractère par trop

spécial. Je me contenterai donc de quelques exemples; ils suffiront, j'espère, à donner une idée du chemin par

couru.

Comme vous le savez déjà, la fracture d'un membre, lorsqu'elle se complique d'une plaie qui met en communication le foyer de la lésion avec l'air extérieur, a toujours été considérée comme un accident des plus graves. Avant l'ère moderne, elle était dans près de la moitié des cas suivie d'accidents redoutables qui commandaient l'amputation et souvent même occasionnaient la mort. Aujourd'hui une fracture avec plaie convenablement traitée est presque aussi bénigne qu'une fracture simple; c'est à peine si elle demande pour guérir un temps un peu plus long; j'en citerai un exemple tout récent.

Au commencement de septembre dernier, une fillette tombe d'un vélocipède mécanique sur lequel elle était montée et se trouve entraînée sur une longueur de plusieurs mètres. On la relève, les deux jambes brisées. A droite, la fracture est simple, sans plaie; mais à gauche le membre est fracturé en deux endroits, au tiers inférieur et un peu au-dessous du genou; les chairs sont meurtries; trois larges plaies béantes et déchiquetées font communiquer l'air extérieur avec le double foyer de fracture, et, par l'une de ces plaies, le plus volumineux des deux os de la jambe, le tibia, sort sur une longueur de six centimètres. La situation semble si grave aux médecins appelés tout d'abord qu'aucun ne veut assumer la responsabilité du traitement et que l'on attend mon arrivée pendant plus de deux heures. J'enlève l'os à moitié sorti et je procède au pansement; l'enfant ne souffre pas, car j'ai eu soin de l'anesthésier; au réveil, son membre immobilisé ne lui fait sentir aucune douleur; elle conserve pendant six semaines le même appareil, sans fièvre, n'ayant rien perdu de son excellent appétit et de son enjouement, et lorsque, après ce délai, j'enlève le premier pansement, je trouve le membre à peu près consolidé et les plaies guéries. Ceci

n'est pas un fait extraordinaire, et je n'ai nulle idée de m'en prévaloir; tous les chirurgiens en observent fréquemment d'analogues. Ce qui eût pu paraître un miracle il y a vingt-cinq ans est de pratique courante aujourd'hui.

Parmi les opérations qui s'exécutent journellement dans les hôpitaux figurent l'enlèvement des tumeurs de toute nature et les amputations. Ces opérations, les chirurgiens les ont toujours exécutées, mais avec des succès variables. Autrefois, l'ablation des tumeurs volumineuses du cou et de la poitrine entraînait une mortalité moyenne de 20 à 30 p. c., et quant aux amputations, surtout celles du membre inférieur, leur mortalité s'élevait à 40, 60, voire même dans certaines conditions défavorables jusque 80 p. c. Faut-il s'étonner après cela de l'effroi qu'inspiraient les opérations? Les chirurgiens étaient rares, et cela se conçoit; car pour aller au-devant de pareils résultats et pour en supporter sans défaillance la lourde. responsabilité, il fallait des caractères d'une trempe peu commune et une notoriété solidement établie. Que les temps sont changés! Dans les hôpitaux bien tenus, les séries de vingt et trente amputations pratiquées sans un seul décès ne sont pas rares; il en est de même pour l'ablation des grosses tumeurs ; et si, de loin en loin, quelque insuccès vient rappeler au chirurgien que l'ennemi terrassé est toujours prêt à relever la tête, la mort n'est plus comme autrefois la conséquence directe de l'opération, mais le résultat fatal de lésions préexistantes ou de l'état précaire du malade au moment de l'intervention.

N'avais-je pas raison de dire que la chirurgie telle qu'on la pratiquait autrefois s'est affermie? J'ajoute qu'elle s'est agrandie par de nombreuses et précieuses acquisitions. Beaucoup d'opérations que l'on appelait naguère des opérations de complaisance, parce qu'elles n'avaient d'autre but que de plaire aux malades en les débarrassant d'une difformité choquante ou d'une infirmité compatible avec l'existence, opérations que les chirurgiens les plus sages

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