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Tous les explorateurs qui, avant lui, s'étaient aventurés sur le champ de glace, Whimper, Jensen, Nordenskiold, Peary dans son premier voyage, ont constaté que sa surface s'élevait constamment à mesure qu'ils s'écartaient de ses lisières, mais par une pente de plus en plus douce.

Partout où ses escarpements terminaux sont aperçus sous une même latitude tout à la fois vers la côte orientale et vers la côte occidentale, on est donc fondé a admettre qu'entre ces deux points il présente une masse continue. Or, sa présence à des distances plus ou moins grandes de la mer, mais nulle part bien considérables, a été constatée sur tous les rivages explorés du pays.

Les derniers voyages nous ont fait connaître qu'à cet égard les côtes septentrionales et désertes n'offrent pas un caractère différent des côtes habitées. Seulement, tandis qu'au midi c'est la rive orientale qui est la plus étroitement assiégée par l'Inlandsis, et la rive occidentale qui possède la plus large frange de terres libres, c'est l'inverse dans le nord. Vers le détroit de Smith et le canal de Kennedy, les grèves elles-mêmes disparaissent en maints endroits sous les amas de glace qui s'écoulent lentement dans la mer, et la frange libre y est aussi resserrée et fréquemment interrompue qu'à la Terre du Roi Frédéric VII. Il en est tout autrement, au delà du 70° parallèle, du littoral de l'est, visité par l'expédition allemande de la Germania en 1870 et où, plus récemment, le capitaine Ryder a hiverné et fait de nouvelles découvertes. Là s'étend une région vaste, dépouillée de neige et de glace pendant l'été, couverte de montagnes imposantes et creusée de fjords parfois très profonds, dont quelques-uns s'avancent jusqu'à cent kilomètres dans l'intérieur du continent sans rencontrer l'Inlandsis. Mais cette barrière de montagnes franchie, ses nappes blanches reparaissent aussitôt.

Existe-t-il enfin à l'extrême nord du Groenland, dans sa partie la plus inaccessible et jusqu'à ces derniers jours

demeurée inconnue, une terre libre plus étendue que les autres? Depuis le dernier voyage du lieutenant Peary, cette supposition paraît bien peu probable. Celui-ci, qui s'était avancé par le détroit de Smith jusqu'à la baie Mac Cormick et y avait hiverné en 1891, a poursuivi sa marche l'année suivante en traîneau, traversé le glacier de Humboldt, puis celui qui se jette dans le fjord Petermann, et, suivant toujours les lisières de l'Inlandsis, constaté qu'elles ne dépassaient pas vers le nord le 82° parallèle. Sous cette latitude, il a pu marcher droit à l'est, puis au sud-est, sur un sol dégagé de glace et couvert d'une végétation relativement riche. Il avait donc l'Inlandsis à sa droite, étalant à perte de vue vers le sud ses immenses plaines blanches, et à sa gauche une terre verte, dont il ne pouvait embrasser toute l'étendue, mais qui ne peut être bien vaste, car dès le 34° de longitude, par 81° 37' de latitude, l'intrépide voyageur découvrait un bras avancé de l'Atlantique, un fjord profond qu'il nomma Independance Bay. Il revint de là directement à son point de départ, la baie Mac Cormick, en traversant le champ de glace, qui forme dans cette région un plateau convexe de 2400 mètres d'altitude moyenne.

Sous le 82 parallèle, où viennent expirer les dernières pentes de l'Inlandsis vers le nord, le continent Groenlandais n'a guère plus par conséquent de 300 kilomètres de largeur, moins du tiers de sa dimension sous le 75o parallèle. Il est donc très probable que les deux rivages de l'est et de l'ouest se rejoignent à peu de distance au nord de l'itinéraire parcouru par le lieutenant Peary; que la terre verte qu'il a traversée n'est pas plus considérable, si même elle l'est autant, que celle où se sont fondés les établissements danois, et ne constitue, comme celle-ci, qu'une marge étroite autour du champ de glace. Celui-ci couvre le continent tout entier, sauf quelques lambeaux de terrain en dehors de son pourtour, qui lui font comme une ceinture protectrice contre la mer.

II

Ses contours fixés dans leurs traits essentiels, ses dimensions estimées par approximation, il nous reste à connaître son épaisseur, la distribution de son écoulement, le relief de sa surface. M. Nansen a consacré à ce dernier objet une partie d'un mémoire publié dans le n° 105 des Suppléments des Petermanns Mitteilungen, où il a consigné les résultats scientifiques des observations faites au cours de son voyage.

L'Inlandsis peut se définir : Une masse plastique reposant sur une surface solide. La masse plastique, c'est l'amas gigantesque de glaces ensevelissant sous son morne linceul vallées et coteaux, plaines et montagnes; la surface solide, c'est le continent groenlandais lui-même.

Une masse homogène de matières visqueuses, étalée depuis un temps indéfini sur une surface horizontale, prend, en vertu des lois mécaniques, la forme d'une voussure d'une régularité rigoureuse et d'autant plus surbaissée que la plasticité de la masse est plus grande. Le profil de sa coupe verticale dessine une courbe ellipsoïdale.

Il en est encore de même quand, ainsi que les choses se passent pour l'Inlandsis, cette masse est alimentée par un afflux constant, répandu sur toute sa surface, et perd par fusion ou séparation à son pourtour extérieur une quantité de matière exactement correspondante à la somme de son alimentation.

Effectivement, l'Inlandsis a pris la forme d'une voûte très aplatie. Mais cette voûte est loin d'être régulière. Le champ de glace se relève, il est vrai, de tous les points de sa périphérie vers le centre, seulement ce relèvement ne dessine pas partout des courbes de même rayon, et ce n'est pas au centre qu'il atteint son élévation maximum. Le point culminant de l'itinéraire de M. Nansen est dis

tant de 270 kilomètres du fjord d'Ameralik, borne de l'Inlandsis à l'occident, et de 180 kilomètres seulement du nunatak de Nordenskiöld, sa limite à l'orient.

Diverses causes, en effet, influent sur la forme de la carapace glaciaire et contribuent, chacune pour leur part, à en déranger la symétrie. Les principales sont l'irrégularité des contours du continent, les accidents du terrain sous-jacent, la répartition inégale et changeante des précipitations atmosphériques et des pertes par fusion ou séparation.

L'action des accidents du terrain sous-jacent s'exerce avec d'autant moins d'énergie que la masse plastique qui les recouvre est plus épaisse, et il est manifeste qu'au Groenland cette action n'a qu'une importance minime. Tandis que le glacier classique de montagnes, celui des Alpes ou de l'Himalaya, se modèle sur les formes des croupes où il pose, obéit à leurs caprices et suit docilement la pente et les sinuosités du val qui l'enferme, les mouvements et l'allure de l'Inlandsis sont indépendants de l'orographie du continent. Elle se partage en deux bassins d'écoulement qui versent leurs glaces, l'un dans la mer de Baffin, l'autre dans l'Océan Atlantique et, si l'arête faîtière qui les sépare coïncide en quelque endroit avec la ligne de partage des bassins terrestres, c'est l'effet d'une rencontre toute fortuite.

Cependant, quoique ensevelie sous une épaisseur de glace très considérable, une chaîne de montagnes peut exercer une action, non plus prépondérante sur la forme du glacier et la direction de ses mouvements, mais sensible encore, en arrêtant dans leur marche vers les bords les couches inférieures, et provoquer ainsi au-dessus de ses cimes une accumulation dont la présence se révélera par un bombement à la surface.

La position anormale de la ligne de faîte de l'Inlandsis, située quatre-vingt-dix kilomètres plus près du bord est que du bord ouest, doit-elle être attribuée à une influence.

pareille? Faut-il y voir, au contraire, l'effet de l'inégale abondance des chutes de neige sur les deux versants! M. Nansen pose la question sans se prononcer catégoriquement. La résoudre avec une certitude entière est impossible à l'aide des seules données que nous possédions aujourd'hui. Il faudrait pour cela sonder la prodigieuse carapace dans ses dernières profondeurs et reconnaître le relief du sol qu'elle emprisonne. Nonobstant ces obscurités impénétrables, nos connaissances actuelles permettent de donner au problème soulevé une solution au moins probable.

L'influence des montagnes ne se révèle clairement que dans le voisinage des côtes, où la surface de l'Inlandsis est très montueuse, accidentée d'une multitude de dépressions et de renflements capricieusement disposés, et çà et là percée de nunataks (1). Ces ondulations doivent leur origine aux inégalités du terrain sous-jacent. Observez une rivière coulant dans un lit encombré de cailloux et de quartiers de roche : vous verrez se former des vagues plus ou moins hautes à la surface du courant au-dessus de ces obstacles, et parmi ceux-ci, les plus volumineux et les plus effilés, trouant toute l'épaisseur de la nappe liquide, affleurer par-dessus. Il n'en va pas d'autre façon pour une masse plastique en mouvement telle que l'Inlandsis. Les accidents du sol qui la portent se répercutent à sa surface, et les cimes les plus élevées et les plus abruptes, traversant la carapace, viennent au-dessus de ses plaines blanches dresser leurs croupes noirâtres.

Ces pointements rocheux ou nunataks ne se rencontrent pas en debors d'un certain rayon autour des lisières, et personne jusqu'ici n'en a signalé dans l'intérieur. Le dernier aperçu par M. Nansen dans l'est se trouve à quatrevingt kilomètres de l'océan. Il en existe d'autres à l'ouest tout aussi éloignés de la mer de Baffin. Des renflements

(1) Les habitants du Groenland appellent de ce nom les montignes décovvertes qui surgissent isolées du milieu des glaces, comme une île de l'océan.

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