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LES EXPLICATIONS PHYSIQUES

DE LA MÉMOIRE

La mémoire est la faculté psycho-sensible qui reconnaît les images en l'absence de leurs objets et nous donne la notion si précieuse du passé. Sa nature organique, longtemps méconnue, n'est plus contestée; mais on veut de nos jours pénétrer plus avant dans sa connaissance, on cherche avec une ardeur inquiète et quelque peu brouillonne son mode physiologique, son véritable fonctionnement, et plusieurs croient l'avoir découvert. L'état de la science cérébrale autorise-t-il de telles espérances? Les théories physiques de la mémoire qu'on nous propose sontelles marquées au coin de la vraie science et s'inspirentelles d'une saine philosophie? Sont-elles acceptables au seul point de vue physiologique ? Nous ne le pensons pas, nous ne l'avons jamais pensé, et nous allons donner ici, en quelques pages, les raisons motivées de notre sentiment. En soumettant aux lecteurs de la Revue toutes les pièces du procès, nous sommes assuré que leur jugement sera le nôtre et qu'ils condamneront avec nous ces hypothèses aventureuses qui se couvrent du manteau de la science pour ruiner l'esprit scientifique et préparer le triomphe du matérialisme.

IIa SÉRIE. T. V.

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I

Nous sommes loin du temps où une philosophie éclectique et facile rangeait la mémoire au nombre des facultés intellectuelles, et nous avons peine à comprendre aujourd'hui l'aberration mentale à laquelle obéissaient nos aînés et... nos maîtres en outrageant de la sorte la vérité des faits. Ouvrez les traités de psychologie qui avaient cours... et force de loi, il y a seulement vingt ans, et vous verrez avec stupeur que la mémoire n'appartient pas au domaine sensible ou du moins qu'elle relève essentiellement de l'intelligence. Il n'y a pas, nous dit-on, d'opération psychique où se montre plus clairement l'activité inépuisable de l'esprit. » Qu'est-ce à dire? La mémoire serait-elle spirituelle, indépendante des organes, détachée de tout lien. corporel? Les auteurs les plus spiritualistes ne vont pas jusque-là; mais, s'ils concèdent à l'organisme une part de la mémoire, ils la font aussi petite que possible. « L'état du corps, et particulièrement l'état du cerveau, dit un philosophe classique (M. Pellissier), exerce sur la mémoire une influence qu'on ne peut ni méconnaître ni expliquer. Voilà tout ce qu'on daigne accorder aux organes, au cerveau une certaine influence! C'est peu, et surtout c'est faux. Il est nécessaire de rompre décidément avec la routine incurable des vieilles doctrines et d'intervertir les rôles absolument méconnus; il faut accorder à l'esprit une influence réelle, importante sur la mémoire, mais aussi attribuer la fonction à l'organe, la mémoire au cerveau.

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On ne conteste plus, nous l'avons dit, la nature organique de la mémoire. L'accord semble fait sur ce point entre les écoles, et c'est un heureux progrès sur le passé. S'il a peu à peu déserté la philosophie officielle, le spiritualisme trouve toujours dans la scolastique un rempart inébranlable or aucun enseignement n'est plus affirmatif que le thomisme sur la nature sensible de la mémoire.

D'autre part, les Facultés d'État, trop souvent portées à adorer le soleil levant, sont toutes à la psycho-physiologie qui a les faveurs de la vogue et prétend renouveler la science de l'âme; mais là encore, comme dans les écoles matérialistes, on ne reconnaît à la mémoire qu'une base, le cerveau. Il n'y a donc qu'une opinion.

La mémoire est une fonction organique, nerveuse; et ce qui le prouve bien, c'est qu'elle est commune à l'homme et aux animaux. Assurément la mémoire de l'homme n'est pas celle de la bête, ne lui est pas même comparable. Mais l'animal a, comme nous, le souvenir des sensations reçues, des impressions et des passions éprouvées, et, s'il n'a pas l'idée du temps, il a du moins la notion sensible du passé. Sa vie, qui repose à la fois sur l'instinct et sur l'habitude, serait impossible sans cette importante fonction qui gouverne en quelque sorte son activité et lui rappelle à temps ce qu'elle doit rechercher et ce qu'elle doit fuir. Il y a bien des siècles que saint Augustin, cet esprit si perspicace et si philosophique, a signalé la mémoire des bêtes et en a apprécié toute la valeur. La brebis et l'oiseau, dit-il, possèdent la mémoire; sans elle, ni la brebis ne retrouverait la bergerie, ni l'oiseau son nid; et ainsi des autres choses auxquelles ils s'habituent; les habitudes ne seraient même pas possibles sans la mémoire (1). »

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L'organe de la mémoire relève du système nerveux central et n'est pas difficile à trouver. C'est indubitablement celui de l'imagination dont elle dérive, c'est le cerveau. Mais, il faut l'avouer, l'organe, que nous connaissons dans ses parties anatomiques et que nous commençons à pénétrer dans son fond histologique, ne nous fait pas deviner son fonctionnement. Qu'est-ce que l'imagination au sens physiologique? Il est malaisé de le dire, et nos savants les plus audacieux reculent devant la tâche. Impuissants à révéler le comment de l'imagination,

(1) Confessions, livre X, ch 17.

pourquoi n'hésitent-ils pas à se lancer dans d'étranges hypothèses pour nous apprendre le comment » de la mémoire, qui dépend rigoureusement de la première faculté ? C'est une des mille contradictions où tombent les matérialistes et qui jugent leur système.

L'imagination est irréductible aux théories de la psychophysique. Pourquoi ne se prête-t-elle pas à une explication satisfaisante? N'est-ce pas parce qu'elle forme la trame même de nos pensées? C'est la base inéluctable de l'exercice psychique nous ne pouvons rien penser sans elle. L'image, qui est la condition de nos jugements, de nos raisonnements, ne saurait se définir par elle-même, et tous les efforts tentés pour en faciliter la compréhension restent vains et puérils. Est-elle, comme on l'a dit, semblable à la sensation, quoique d'un moindre degré? Constitue-t-elle un état faible, alors que la sensation serait un état fort? Il faut être... matérialiste pour le croire et se contenter, sans preuve, d'affirmations aussi légères. L'expérience commune n'appuie pas les étranges conceptions d'Herbert Spencer elle montre que l'image n'est pas la sensation, ni surtout un « décalque, un résidu de cette sensation; elle affirme que l'image est d'une nature spéciale et supérieure et que, tout comme la sensation, elle est tantôt vive et saisissante, tantôt vague et obscure. Il y a, dans l'une et l'autre, des gradations variées, indéfinies d'intensité, qui vont de l'image ou de la sensation nette à l'image ou à la sensation inconsciente. N'en déplaise à nos adversaires, la nature est plus vaste et plus compliquée que ne le voudraient leurs théories simplistes.

Aucune fonction n'est plus riche en étendue, en force, en ressources de tout genre que l'imagination humaine, et le matérialisme n'est pas près d'en rendre raison. Mais ne soyons pas exigeant, et, pour la commodité de nos adversaires, laissons de côté l'imagination psychique qui les déconcerte et demandons-leur uniquement le secret de l'imagination sensible. Quel est le mécanisme de l'ima

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gination animale? Devant cette simple question, nos savants se taisent obstinément; et nous pourrions certes nous contenter d'un tel aveu d'impuissance, sans chercher plus loin leur condamnation dans l'examen critique des théories fantaisistes qu'ils ont imaginées pour expliquer la mémoire.

II

L'hypothèse qui a droit au premier rang pour sa singularité est celle qui attribue la mémoire..... à la déformation des cellules cérébrales : elle n'est pas imputable aux physiologistes, hâtons-nous de le dire, elle émane de la plume d'un savant philosophe qui s'appuie avec confiance sur saint Thomas et croit voir très nettement le jeu des organes sensibles.

Toute cellule qui a fait un mouvement, déclare notre auteur, garde quelque chose de ce mouvement, de même que tout corps qui a subi une inflexion garde très longtemps quelque chose de cette inflexion. Les molécules, dérangées de leur position première, ne la reprennent jamais complètement et restent disposées à se prêter à la position déjà occupée. Pliez une feuille de papier, elle conservera très longtemps la tendance à reformer le même pli. Une fois remise à plat sur la table, il suffit qu'un souffle quelconque l'agite pour qu'elle reprenne le pli primitif. Ainsi la cellule, quand une forme lui a été imposée fortement (il n'y a que les impressions fortes ou répétées qui se conservent), si le cours du sang ou l'influx nerveux vient à la secouer (!), tendra tout naturellement à reprendre la forme déjà subie. Le retour de cette forme sollicite la puissance qui rappelle la même image déjà présentée. »

Voilà un texte que ne désavouerait pas le plus téméraire des psycho-physiciens et qui appartient cependant à un adversaire décidé et convaincu du matérialisme. D'où vient cet étrange et contradictoire rapprochement? Com

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