Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Les gens crient ces paroles aux oreilles du mort, en lui prenant la main, en lui essuyant le visage. Pendant ce temps, les pleureuses font leur office et, pour se donner plus d'énergie, boivent force rasades de tafia.

Dans les familles riches, les parents du défunt lui offrent des anneaux d'or qu'ils lui passent aux doigts, des foulards en soie qu'ils lui mettent à la main, des verroteries dont ils font des colliers et des pagnes qu'ils déposent dans la bière.

Parfois les funérailles ruinent les familles, qui ont à cœur de les faire somptueuses. Rien n'est épargné. Pendant les quelques jours qu'elles durent, on distribue de la nourriture, du tafia et des liqueurs à tous les invités. La plus grande injure que l'on puisse faire à une famille est de lui dire qu'elle n'a pas fait des funérailles convenables à ses défunts.

Le mort est toujours enterré dans sa maison. Une fois la chose faite, on remet à l'héritier les clefs laissées par le défunt; puis on répète les chants déjà exécutés. Si la famille est riche, elle distribue plusieurs petits barils de poudre pour exécuter des salves en l'honneur du défunt.

La quantité de tafia et de liqueurs qui est absorbée en ces jours est inimaginable; aussi les funérailles n'ont-elles point le caractère de tristesse qu'elles revêtent en Europe.

Lorsqu'un cabécère meurt, il est d'usage d'ensevelir avec lui une esclave. Seul le cabécère a le privilège de cette horrible coutume. Autrefois l'esclave était ensevelie vivante; aujourd'hui on l'immole près de la fosse, et quelquefois sans qu'elle s'y attende. Tout le monde sait qu'au Dahomey, lorsque le roi meurt, toutes ses femmes sont enterrées vivantes avec lui.

Quand la famille en a le moyen, une nouvelle cérémonie a lieu huit jours après celle des funérailles. Les parents et les amis, quelquefois au nombre de plusieurs centaines, se rendent de nuit à la plage, munis de tambours, de dents d'éléphants, de calebasses sonnantes, de fusils, etc. Là, après avoir répandu de l'eau à terre, la

famille appelle le mort par son nom et l'invite à retourner avec elle à la maison où on doit lui faire de nouvelles funérailles. Puis, après un instant de silence, qui n'est rompu que par le son funèbre des dents d'éléphants, viennent les roulements de tambour et les décharges de coups de fusil. On revient ensuite à la maison du défunt où toute la nuit est passée en chants, danses et libations.

Ces secondes funérailles durent parfois huit jours, seize même pour un cabécère. Comme elles sont très coûteuses, les amis du défunt viennent, à l'occasion, au secours de la famille. Chacun choisit un jour où elles se font à ses frais.

Toutes ces cérémonies se terminent par un repas auquel sont conviés parents et amis. A la fin du banquet, le plus âgé des membres de la famille prend de l'eau dans une calebasse, y met de la farine de maïs et répand le tout à terre, ainsi qu'une bouteille de tafia, en disant : Que Dieu ne fasse plus mourir personne de cette maison."

Les funérailles achevées, restent les visites et salutations dues aux invités. Au jour fixé, la famille se divise par groupes qui se distribuent les divers quartiers. Arrivés dans chaque maison, les visiteurs s'agenouillent, frappent des mains sept fois, et saluent en disant: Do no lo (merci, merci), sans rien de plus.

Si des amis sont venus des pays voisins assister aux funérailles, la famille doit également envoyer des représentants pour les remercier.

Avec ces remerciements finissent les cérémonies des funérailles, qui peuvent se renouveler chaque année mais avec moins de frais.

Comme signe de deuil, les parents se rasent la tête, conservant seulement au sommet ou aux côtés du crâne une mèche de cheveux à laquelle ils attachent un brin de corail ou quelque verroterie.

MÉNAGER,

ancien préfet apostolique au Dahomey.

L'HOMME-SINGE

ET

LES PRECURSEURS D'ADAM

EN FACE DE LA THÉOLOGIE (1)

1. TENDANCES RELIGIEUSES DE DARWIN ET DE HAECKEL.

Le transformisme appliqué à l'Homme ne résout pas la question de son origine. Est-il conciliable avec la foi catholique? Écoutons à ce sujet Darwin, ses partisans, les interprètes de la sainte Écriture et les savants chrétiens.

[ocr errors]

Lorsqu'en 1859 Darwin livra à l'appréciation du monde savant son remarquable ouvrage sur L'Origine des espèces, il se défendit de vouloir blesser les sentiments religieux de qui que ce soit (2). Dans son livre sur La Descendance de l'Homme, publié en 1871, il ne se cache plus que ses conclusions seront dénoncées par quelquesuns comme hautement irréligieuses; mais, dit-il, est-il plus irréligieux d'expliquer l'origine de l'Homme... en vertu des lois de la variation et de la sélection naturelles, que d'expliquer par les lois de la reproduction ordinaire la formation et la naissance de l'individu » (3)?

66

Darwin hésitait donc devant les dernières conséquences de son système. Il ne semble pas qu'il ait voulu en faire

(1) Voir la livraison précédente, pp. 518 et suiv: L'Homme-singe et les précurseurs d'Adam en face de la science.

(2) Op. cit., trad. M1le Royer, 1862, p. 665.

(3) Op. cit., trad. J. Moulinié, 1872, t. II, p. 416.

une machine de guerre contre la vérité religieuse. Dans une de ses dernières lettres au Rev. J. Fordyce, il se déclare victime du doute et assure n'avoir jamais été un athée (1).

Pour un bon nombre des évolutionnistes de nos jours, le principal mérite de la doctrine est qu'elle leur semble abolir toute foi à l'ordre surnaturel.

D'après eux, il n'y a point eu de création; il n'y a point de Créateur. C'est l'apôtre du matérialisme contemporain, M. Haeckel, qui leur apprit ces conclusions si rassurantes. On le sait, le professeur d'Iéna ne connut jamais les scrupules de son maître. Il importe peu, disait-il, que

(1) Vie et correspondance de Charles Darwin, trad. de Varigny, t. I, p. 353. - On a beaucoup discuté au sujet des opinions religieuses de Darwin. Le lecteur nous saura gré, je pense, d'avoir reproduit un aperçu donné à ce sujet par de Quatrefages d'après la Correspondance du grand naturaliste anglais. Dans un fragment autobiographique écrit en 1876, Darwin nous apprend que, pendant son voyage de circumnavigation à bord du Beagle, il était tout à fait orthodoxe,, au point de citer, à titre d'arguments irréfutables, divers passages de la Bible, ce qui lui valut quelques moqueries de la part de ses compagnons, bien qu'ils fussent orthodoxes eux-mêmes,. Mais vers 1836 ou 1839, sa foi se trouva sérieusement ébranlée et il en vint à nier la révélation divine dans le christianisme „.

Plus tard, il se préoccupa de la pensée d'un Dieu personnel et il exposa dans ce même fragment autobiographique les raisons qui tendent à infirmer ou à confirmer cette croyance. Le mal, qui frappe non seulement l'Homme, mais tous les êtres sensibles, lui semble" un argument très fort, à opposer à la croyance en une cause première intelligente. En revanche, il invoque en sa faveur quelques raisons de sentiment; puis il ajoute :

"Une autre cause de croyance en l'existence d'un Dieu qui se rattache à la raison et non aux sentiments, m'impressionne par son poids. Elle provient de l'extrême difficulté ou plutôt de l'impossibilité de concevoir l'univers prodigieux et immense, y compris l'Homme, et sa faculté de se reporter dans le passé comme de regarder dans l'avenir, comme le résultat d'un destin ou d'une nécessité aveugle. En réfléchissant ainsi, je me sens porté à admettre une cause première, avec un esprit intelligent analogue sous certains rapports à celui de l'Homme, et je mérite le nom de déiste. Cette conclusion était fortement ancrée dans mon esprit, autant que je puis me rappeler, à l'époque où j'écrivais L'Origine des espèces (1859), et c'est depuis cette époque que cette conviction s'est graduellement affaiblie, avec beaucoup de fluctuations. Mais alors s'élève un doute: cet esprit de l'Homme, qui, selon moi, a commencé par n'avoir pas plus de développement que l'esprit des animaux les plus inférieurs, peut-on s'en rapporter à lui lorsqu'il tire d'aussi importantes conclusions? Je ne prétends pas jeter la moindre lumière sur ces problèmes abstraits. Le mystère du commencement de toutes choses est insoluble pour II SÉRIE. T. VI.

6

les conquêtes de la science préjudicient ou non aux fantaisies de la foi... La foi relève de l'imagination poétique (1).

[ocr errors]

A ses yeux, le récit de Moïse n'est qu'une hypothèse, la doctrine catholique sur la grandeur originelle de l'Homme, un rêve, fruit de l'orgueil. Comment reconnaître dans l'Homme le roi de l'univers, le but suprême et voulu de la création? Issu d'animaux sans raison, il a apparu sur la terre dans un état de dégradation bestiale. Grâce à la sélection naturelle et à la lutte pour l'existence, il s'est élevé, péniblement et par degrés, à son état présent de haute perfection morale et intellectuelle.

C'est dire assez que les centres d'apparition de l'Homme ont été multiples.

Se demander si le genre humain descend d'un couple unique est, au jugement de Haeckel, aussi absurde qu'il

nous et je dois me contenter pour mon compte de demeurer un agnostique.„ Une lettre à Graham (3 juillet 1881) renferme un passage du même genre, mais plus significatif et plus curieux. " Vous avez exprimé ma conviction intime, quoique d'une manière bien plus vivante et plus claire que je n'aurais pu le faire, savoir que l'univers n'est pas le résultat du hasard. Mais alors, le doute horrible me revient toujours, et je me demande si les convictions de l'Homme, qui a été développé de l'esprit d'animaux d'un ordre inférieur, ont quelque valeur et si l'on peut s'y fier le moins du monde. Quelqu'un aurait il confiance dans les convictions de l'esprit d'un Singe, s'il y a des convictions dans un esprit pareil?,

Que Darwin ait été livré jusqu'au dernier moment à ces alternatives de croyance et de doute, c'est ce que permet d'affirmer le résumé d'une conversation qu'il eut avec le duc d'Argyll l'année même de sa mort (1882) et que M. Francis Darwin a reproduite. Le duc venait de lui rappeler quelques-uns de ses travaux les plus intéressants et dont les résultats conduisaient à admettre dans la nature l'intervention d'une intelligence. “ Il me regarda fixement, ajoute le duc, et dit : - Eh bien! cela me saisit souvent avec une force accablante; mais à d'autres moments, dit-il en secouant légèrement la tête, cela semble s'en aller.,

[ocr errors]
[ocr errors]

Mais enfin, jusqu'où sont allées chez Darwin ces oscillations de la pensée? C'est lui-même qui nous le dit dans une lettre datée de 1879. * Dans mes plus grands écarts, je n'ai jamais été jusqu'à l'athéisme, dans le vrai sens du mot, c'est-à-dire jusqu'à nier l'existence de Dieu. Je pense qu'en général (et surtout à mesure que je vieillis) la description la plus exacte de mon état d'esprit est celle de l'agnostique., (De Quatrefages, Les Émules de Darwin, 1894, t. I, p. 14.)

(1) Haeckel, Histoire de la création, pp. 9, 650.

« ÖncekiDevam »