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Nulle mère pour ses enfants

N'eut jamais plus d'amour, plus de soins vigilants (1).,

Avec quelle sollicitude, avec quel dévouement l'Araignée mère ne semble-t-elle pas veiller sur son cher berceau! Pas un moment du jour et de la nuit elle ne le quitte durant tout le temps qui s'écoule entre la ponte et l'éclosion, c'est-à-dire environ un mois. Pendant cette longue veille de tous les instants, la pauvrette ne prend aucune nourriture, malgré toutes les envolées provocatrices et bien tentantes des mouches qui passent à sa portée.

Même après l'éclosion, la jeune mère n'abandonnera pas sa petite famille, et si l'ennemi se présente, fût-il supérieur en forces, ce sera la bataille, la lutte corps à corps, le combat et le combat à mort !

Essayons de saisir l'animal. A peine la pression des doigts sur les premiers fils de la toile a-t-elle signalé l'approche du danger que le Pholque commence son branle-bas (2) de combat. Au plus fort de l'action, l'Araignée mère n'abandonne pas, même momentanément, le fruit de ses entrailles qu'elle continue à serrer tendrement entre ses bras.

Malgré sa belle résistance digne d'un meilleur sort, je fais l'Araignée prisonnière. Captive, elle ne se dessaisira pas un instant de ses œufs. Si je la prends dans sa prison, elle sacrifiera bien une, deux, trois ou quatre de ses pattes qu'elle laissera entre mes doigs, mais son cocon restera toujours entre ses chélicères. Si je le lui enlève, elle se hâtera de le reprendre.

De ses huit pattes, il n'en reste plus que trois à la pauvre mère Araignée. Eh bien, elle les sacrifiera encore toutes les trois sans abandonner son précieux fardeau.

(1) Florian, La Mère, l'enfant et les sarigues.

(2) Lorsque l'on touche à la toile du Pholque allongé, cette Araignée exécute une série de mouvements convulsifs ou trépidations répétées agitant tout son être.

II SÉRIE. T. VI.

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Les convulsions de l'agonie, la mort même ne pourront faire qu'elle s'en sépare !

N'est-ce point là de « l'héroïsme dans l'amour maternel » ? et ne voilà-t-il pas une observation de plus à ajouter à celles qui ont fait déclarer que, sous le rapport de l'esprit, certains insectes n'ont rien à envier au Singe luimême, et qu'ils sont peut-être aussi près que lui de franchir la limite de notre espèce » ; et cela en dépit de « l'équation entre l'intelligence et le cerveau », et de « la loi du progrès successif » ?

"

Poursuivons l'expérimentation. Le plus délicatement possible, j'enlève au Pholque la masse sphérique de ses œufs. L'Araignée ne tarde pas à la ressaisir, comme je l'ai dit plus haut. Si je reviens à la charge et persiste à lui enlever encore son cocon, dès lors, à travers la cloison de verre de mon... laboratoire (un baccarat d'exportation qui a perdu le pied à la bataille), je puis constater que la bête, non seulement abandonne l'espoir de sa progéniture, mais encore va jusqu'à le dévorer!

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Sous mon verre boiteux, appelons-le cloche, si vous préférez, je mets trois petites boulettes de coton et de papier, à peu près de la grosseur du cocon du Pholque. Puis, prenant l'Araignée entre mes doigts, je lui enlève ses ceufs que je place à côté des boulettes. J'introduis alors la bête. La mère va s'empresser de ressaisir sa progéniture, pensez-vous. Nullement. C'est une boulette de coton dont elle s'empare, puis emporte entre ses chélicères.

Chez nous, la nuit, dit-on, porte conseil. En serait-il de même chez les Araignées? Je remarque le lendemain matin que mon Pholque a laissé la boulette de coton suspendue à sa toile et a repris une partie de ses œufs qu'il semble en train d'agglomérer à nouveau, pendant que l'autre partie reste à terre.

J'augmente le nombre et varie davantage la matière des boulettes ou cocons factices. Au papier et au coton je joins la pierre et le métal. La bête se comporte encore

de la même façon, laissant ses œufs pour prendre une des boulettes.

J'introduis alors sous la cloche un vrai cocon que j'ai enlevé à un autre Pholque. Deux heures après environ, je constate que la bête a laissé la boulette et repris ses œufs; mais elle ne tarde pas à les abandonner à nouveau pour s'emparer du cocon de l'étrangère dont elle ne se dessaisit plus, laissant sa vraie progéniture gisant à terre parmi les cocons factices de papier, de coton, de pierre et de métal.

Le lendemain, débarrassant la cloche de tous ces cocons factices, je n'y laisse plus dès lors que le cocon de l'étrangère, préalablement enlevé à la bête, et le sien propre. Vous pensez sans doute que l'Araignée mère n'hésitera pas à reprendre le fruit de son sein. Point du tout ce sont les oeufs de l'étrangère dont elle s'empare, et qu'elle finit par croquer sans plus de façon, comme elle en agit d'ailleurs, nous l'avons vu, à l'égard des siens! Qu'est devenu l'héroïque amour maternel de notre Pholque ?

“C'était un puissant navire,

Quelques moments après l'objet devint brûlot,
Et puis nacelle et puis ballot,

Enfin batons flottants sur l'onde (1).,

De ces expériences et observations que conclure scientifiquement ?

La façon d'agir de mes Araignées me porterait à dire avec un regretté maître que l'animal ne se règle pas sur la notion spécifique des objets. « Ce qui le pousse, ce n'est pas une notion, c'est une sensation. Qu'il se trouve en présence des objets les plus différents, s'ils réveillent en lui la même sensation et que cette sensation le porte à s'en emparer, il prendra indifféremment les uns et les autres (2). Ou bien encore, avec le savant observateur

"

(1) La Fontaine, Le Chameau et les bâtons flottants.

(2) J. de Bonniot, S. J., L'Instinct et le transformisme. Cfr ÉTUDES RELIGIEUSES, PHILOSOPHIQUES, HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES, Paris, no d'août 1888.

de Vaucluse: A l'insecte manque l'aptitude qui réfléchit, qui revient en arrière et qui remonte à l'antécédent, sans lequel le conséquent perdrait toute sa valeur. Dans les phases de son industrie, tout acte accompli compte pour valable par cela seul qu'il a été accompli; l'insecte n'y revient plus si quelque accident l'exige; le conséquent suit, sans préoccupation de l'antécédent disparu. Une impulsion aveugle l'engage de tel acte dans un second, de ce second dans un troisième, etc., jusqu'à l'achèvement de l'œuvre, sans possibilité pour l'insecte de remonter le courant de son activité si des conditions accidentelles viennent à l'exiger, même de la façon la plus impérieuse. Le cycle entier parcouru, l'ouvrage se trouve très logiquement fait par un ouvrier dépourvu de toute logique (1). "

Mais non, pauvres petites expériences, simples cailloux ramassés le long du chemin, il serait présomptueux de vouloir bâtir avec si peu que vous.

Il s'agissait naguère, à Tananarive, la ville capitale de Madagascar, de construire un palais pour la reine Ranavalona III, notre gracieuse souveraine. Hommes, femmes, enfants, s'empressaient à l'envi d'accourir de divers points. de l'Imerina, portant chacun sa corbeille de matériaux, sable, pierres, cailloux destinés à l'édifice royal. Au monde des observateurs de la nature, que chacun, grands et petits, apporte, lui aussi, sa corbeille de faits, simplement, loyalement un jour viendra où, réunis en quantité suffisante, ces matériaux pourront être mis en œuvre pour élever à l'honneur des sciences naturelles et à la gloire du Maître de toutes les sciences (2) "un monument vraiment conforme au plan divin.

PAUL CAMBOUÉ, S. J.,
missionnaire à Madagascar.

(1) J. H. Fabre. Souvenirs entomologiques, 4o série.

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(2) Quia Deus scientiarum dominus est., Rois, 1. I, c. 11, v. 3.

DE LA NÉCESSITÉ

DE

DÉVELOPPER LES ÉTUDES SCIENTIFIQUES

DANS LES SÉMINAIRES ECCLÉSIASTIQUES (1)

La caractéristique de notre époque, après l'avide poursuite du tout-puissant dollar, est l'ardeur intense qu'elle déploie dans la culture des sciences physiques, et naturelles. A aucune époque de l'histoire on n'a rien vu qui approchât de l'intérêt qui se concentre actuellement sur l'étude des sciences d'induction, souvent à l'exclusion d'autres branches de connaissances d'une importance égale, sinon supérieure. La période qui a commencé sous nos yeux semble devoir être, pour les sciences d'observation et d'expérimentation, ce que la Renaissance fut pour les arts et les lettres. La science de la terre et la science des astres, la science de la vie végétale et animale, la science de la matière et la science des diverses forces

(1) Conférence faite, à Bruxelles, au troisième Congrès scientifique international des catholiques, dans l'assemblée générale du vendredi 7 septembre 1894.

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