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des dépôts dits bathoniens. Nous disons le minimum; car s'il venait à être prouvé que le travail d'aplanissement était consommé depuis longtemps quand la transgression des mers bathoniennes s'est fait sentir, c'est à un intervalle géologique beaucoup plus étroitement défini que le chiffre précédent devrait être appliqué.

Mais, hâtons-nous de le redire ces évaluations ne peuvent avoir aucune prétention à l'exactitude. Ce sont de simples indications, fondées sur des données encore très vagues, et les résultats pourraient tout aussi légitimement être doublés ou triplés, comme aussi il serait loisible de les réduire au tiers ou au quart. L'avenir seul permettra de donner plus de précision à des suppositions qu'on ne peut encore qu'ébaucher.

Ce qui faisait l'objet principal de ce travail, et ce à quoi nous espérons avoir réussi, c'était d'accumuler les arguments de fait en faveur de l'intime union de deux sciences, qu'on a eu le grand tort de tenir trop longtemps séparées, la géographie et la géologie. L'une ne peut marcher sans l'autre, et il importe de rompre avec les préjugés qui ont régné jusqu'ici à l'égard de la seconde.

Dans un de ses plus amusants récits, l'auteur des Voyages en zigzag a pris plaisir à mettre en opposition, d'une part l'enthousiasme exubérant de sa bande de collégiens en vacances, électrisée à la vue d'un splendide panorama, et de l'autre l'apparente indifférence d'un groupe d'excursionnistes qui, absorbés par l'examen de quelques pierrailles, semblaient affecter de tourner le dos au paysage. Et Topffer ajoute malicieusement : « Ces messieurs étaient des géologues!

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Eh bien les progrès de la science se sont chargés de prouver que le meilleur moyen de comprendre les paysages et d'en bien saisir toute la grandeur, était justement de s'appliquer à la considération de ces pierres où sont renfermés les secrets de l'écorce terrestre. Au lieu de faire

fête aux ascensionnistes enragés qui ne songent qu'à grossir la liste de leurs escalades, heureux de la montrer, à peu près comme le valet de don Juan aimait à déployer le catalogue des conquêtes de son maître, on se sent aujourd'hui l'envie de leur demander ce qu'ils allaient faire là-haut, si ce n'était pour nous apprendre quelque chose sur la nature des cimes que leur pied brutal s'est contenté de fouler. Ceux-là seuls ont droit à notre admiration, qui vont s'accrochant aux escarpements les plus dangereux, dans l'espoir d'y découvrir un indice de l'âge des strates disloquées. On croyait qu'ils n'avaient d'yeux que pour les roches ou les fossiles. Et voilà qu'à la faveur de ces témoins du passé, non seulement ils deviennent capables d'indiquer avec certitude la raison d'être des formes visibles du sol, mais ils nous mettent en état de ressusciter par la pensée toute espèce de paysages disparus! C'est bien mieux qu'une évocation de souvenirs historiques, où quelque Augustin Thierry réussirait à faire évoluer des ancêtres, après tout fort semblables à ce que nous sommes, au milieu d'une nature identique avec celle que nos yeux contemplent. La seconde vue du géologue a le pouvoir de rendre la vie à un monde tout différent du nôtre, aussi bien par les contours du relief que par le cortège des formes animales ou végétales propres à chaque époque. Où l'alpiniste ne voit que des plis plus ou moins inaccessibles, le stratigraphe trouve de quoi faire revivre ces plissements gigantesques, qui refoulaient l'écorce terrestre à la façon d'une étoffe flexible, obligeant parfois la tête des plis à cheminer horizontalement sur de grands espaces, comme la vague qui déferle avec le flot. Il mesure ce que l'érosion a fait disparaître de toutes ces formes transitoires. Il revoit les montagnes alpines aux différentes étapes de leur carrière, tantôt fières de leur relief, tantôt momentanément rabotées par une impitoyable érosion, pour ressusciter ensuite plus majestueuses que jamais. Sur les froids plateaux de l'Ardenne, sur les

plaines monotones du Brabant ou de la Flandre, sur les solitudes sauvages du Plateau Central, il évoque le souvenir des hautes chaînes hercyniennes, et voit fumer à leurs pieds les volcans d'où sont sorties les laves anciennes du Palatinat, des Vosges et du Morvan. D'autres fois, il contemple l'Europe, à moitié ensevelie sous un épais linceul de glace; puis il revoit les mêmes régions éclairées par un beau soleil qui dore de ses rayons une riche parure végétale, au milieu de laquelle s'ébattent les hippopotames et les rhinocéros, en attendant qu'une nouvelle invasion. des glaces chasse momentanément de ces parages et les grands animaux et le maître que l'apparition de l'homme vient de leur donner.

Est-ce trop de prononcer le mot de poésie en face de telles évocations, et d'attribuer à quiconque en est capable une supériorité marquée, en fait de jouissances intellectuelles, sur ceux qui ne peuvent rien voir au delà de ce qu'aperçoivent les yeux du corps? Nous pardonnera-t-on dès lors de regretter que, par suite de la faible part accordée jusqu'ici, dans l'enseignement usuel, aux considérations géologiques, si peu d'esprits soient encore appelés à goûter ce genre de satisfactions? Le temps n'est plus vraiment où l'on pouvait nourrir, à l'égard de la science du globe, une défiance justifiée seulement par l'état d'incertitude où elle se débattait alors. Les hésitations du début ont fait place à une marche sûre, fondée sur des méthodes dont le principe n'est plus discutable. L'heure des grandes synthèses a déjà sonné, prêtant à la connaissance de notre demeure terrestre un intérêt qui dépasse toutes les prévisions. Puissions-nous l'avoir suffisamment mis en relief pour conquérir à ces études de nouveaux prosélytes, que nous ambitionnons de recruter surtout parmi ceux qui, déjà passionnés pour la géographie, l'aimeront mieux encore quand ils sauront de quelles lumières elle peut s'éclairer aux yeux du géologue!

A. DE LAPPARENT.

LA THÉORIE

DE

L'ÉVOLUTION EN BOTANIQUE (1)

Les sciences naturelles sont des sciences d'observation et, quand c'est possible, d'expérimentation. Le naturaliste rassemble des faits, tous les faits qui lui sont accessibles dans son domaine; il les décrit ; il les compare; il en suit le développement, afin d'arriver à formuler les lois de plus en plus générales qui régissent la marche des phénomènes.

Ne saisissant des faits que le dehors, nous sommes fréquemment, sinon presque toujours, arrêtés quand il s'agit de porter un jugement sur la nature des êtres que nous observons, sur leur constitution intime, sur les forces dont ils se montrent animés.

Les questions d'origine ne sont pas moins obscures. Elles comportent des faits qui n'ont pas laissé de traces matérielles, et dont l'histoire ne parle pas. De Quatrefages a dit en termes excellents : « Il faudra bien se résigner à

(1) Communication faite au III Congrès scientifique international des catholiques, à Bruxelles, le jeudi 6 septembre 1894.

avouer que nous ne savons encore rien de ce qui a déterminé la première apparition des êtres organisés, leur succession dans le temps et leur merveilleuse multiplication dans l'espace (1).

"

Le naturaliste ne peut aborder ces questions sans sortir de son domaine, sans abandonner ses méthodes. Une fois qu'il s'est aventuré à travers les plaines arides de l'hypothèse, il erre fatalement au hasard et sans boussole.

Si graves que soient ces considérations, elles n'ont pas arrêté un grand nombre de nos contemporains. L'homme est poussé comme d'instinct à scruter ces questions d'origine, et c'est justice, car tout le reste en dépend. Il ne peut se résigner à une science incomplète, et quand la réalité lui manque, il la remplace par quelque chose qui en ait l'apparence. Il ne faut donc pas condamner trop sévèrement ces tendances qui ont de si profondes racines dans notre nature, à la condition toutefois que l'on ne sacrifie aucune vérité acquise d'ailleurs et que l'on ne fasse pas d'une hypothèse un principe de démonstration scientifique.

Si l'on veut juger sainement les doctrines évolutionnistes, il faut tout d'abord se mettre en garde contre les propositions vagues, trop générales, susceptibles de contenir quelques parcelles de vérité mêlées à beaucoup d'erreurs. Il me semble nécessaire, en particulier, de ne pas appliquer à l'homme des conclusions qui seraient peut-être tolérables quand il s'agit des animaux et des végétaux. J'irai même plus loin. Quoique, pour beaucoup de savants, un processus unique règle la marche de l'évolution dans les deux règnes organiques, je pense qu'il y a tout intérêt à diviser et à distinguer. C'est pourquoi je ne traiterai ici de l'évolution que dans le règne végétal.

Il serait encore beaucoup trop long et surtout peu utile de discuter tout ce qui a été publié sur le sujet déjà cir

(1) Journal des Savants, 1890, p. 233.

II SÉRIE. T. VI.

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