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exiger que tout le monde l'admire et s'y conforme. Je les prie surtout de ne pas faire de cette exigence une loi d'orthodoxie,

de telle sorte qu'à vouloir s'y soustraire on devienne suspect en matière de foi.

Est-ce donc qu'en me plaignant des excès des maximistes je ⚫ veuille recommander le minimisme? Rien n'est plus loin de ma pensée. Je trouve dangereuse l'une et l'autre tendance. La foi a son objet déterminé : il n'en faut rien retrancher, il n'y faut rien ajouter. Dans les cas douteux, en face d'une opinion longtemps reçue qui a pu paraître liée avec le dogme, je comprends que tous n'aperçoivent pas en même temps la nécessité de l'en séparer. Mais précisément parce que le cas est douteux, la conduite à tenir me paraît nettement tracée: attendre que l'Église parle ; si elle parle, se soumettre de cœur et de 'bouche; si elle se tait, suivre pour son compte le sentiment qui semble le plus probable, mais reconnaître largement à ses frères le droit d'en suivre un autre; surtout se bien garder d'introduire le soupçon d'hétérodoxie là où la foi n'est pas et ne peut pas être intéressée.

J'emprunterai un exemple à une question historique, vivement débattue entre catholiques depuis cinquante ans, celle de l'apostolicité des églises des Gaules. Certes le problème doit être difficile, car de si longues controverses, où tant d'érudition a été dépensée de part et d'autre, n'ont pas encore fait l'accord entre les savants. Mais n'est-ce point assez de cette obscurité, et faut-il y ajouter un procès de tendance? Evidemment ici la foi n'est pas, ne peut pas être en cause, car la foi a pour objet ce qui est révélé, et il n'est pas révélé que saint Lazare et sainte Madeleine soient venus à Marseille, saint Martial à Limoges, ni saint Denis l'Areopagite à Paris. Cependant, parmi les tenants de ces traditions respectables, il en est qui veulent absolument dénoncer dans l'opinion contraire je ne sais quelle disposition rationaliste. "Si vous aviez la foi plus vive, semblent-ils leur dire, vous ne discuteriez pas tant. „ On pourrait leur demander de quelle foi ils parlent si c'est de la foi divine ou catholique, elle n'a rien à voir ici ; si c'est d'une foi humaine, elle ne peut être déterminée que par des raisons: pourquoi donc ces raisons échapperaientelles à la critique ? Sans doute la Tradition est un des canaux du dogme, mais seulement quand elle nous transmet, verbalement ou par écrit, l'enseignement apostolique. Assimiler à cette Tradition, qui est un lieu théologique, les traditions locales, qui sont dé simples sources historiques, c'est faire un véritable jeu de mots.

IIa SÉRIE. T. VI.

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Est-ce avec des jeux de mots qu'on pense introduire de nouvelles obligations de croire ? Pour moi, la date de l'évangélisation primitive de l'Église de Paris, par exemple, est un point de fait ; je tâcherai de l'éclaircir par les procédés de la science historique; je serai heureux et fier si je puis établir que les origines de mon Église remontent aux apôtres ; mais si une étude consciencieuse me conduisait à une conclusion différente, je ne m'estimerais pas moins bon chrétien pour cela.

Croyez-le bien, Messieurs, si beaucoup d'hommes éclairés s'obstinent à déclarer qu'à l'égard de la recherche scientifique les catholiques se trouvent placés par leur foi même dans un état d'infériorité, cela tient à ces deux préjugés que je viens de signaler.

Le premier ne nous est pas imputable. S'il subsiste dans l'esprit de nos adversaires, nous avons la satisfaction de penser que nous n'y sommes pour rien. Il consiste à prétendre que toute certitude acquise empêche de penser librement. Alors, si vous tenez pour indéniables les théorèmes du premier livre de géométrie, vous êtes, paraît-il, en moins bonne condition pour résoudre les problèmes qui relèvent du second livre. Non, mille fois non, Messieurs, une certitude n'est pas une chaîne pour l'esprit, elle est une force et un soutien. Et si cette certitude est le fruit, non de la recherche personnelle, mais de l'enseignement divin, la science restera quand même, pourvu que, dans son domaine, je n'emploie que les méthodes qui lui sont propres. Je crois en Dieu, voilà le cri de la foi. Si, après avoir chanté le Credo, j'entreprends de traiter philosophiquement le problème des origines, je ferai œuvre de science, pourvu que je n'aie recours qu'aux ressources de l'induction rationnelle. Je crois en Jésus-Christ; cette croyance fait la vie de mon âme. Je ne la dépouillerai pas en discutant avec les impies la valeur historique des Évangiles; et ma discussion néanmoins sera scientifique, pourvu que je n'y introduise pas d'éléments étrangers aux procédés d'une saine critique. En un mot, pour qu'un catholique soit pris au sérieux comme savant, il n'est pas nécessaire, il n'est pas admissible qu'il abdique sa foi, il suffit qu'il ne la suppose pas dans ses raisonnements et qu'il lutte à armes égales avec ceux qui en sont dépourvus.

Le second préjugé consiste à prétendre que nous avons peur de la science, que sa hardiesse excite notre défiance, que ceux d'entre nous qui lui font bon visage sont par là-même objets de suspicion de la part de leurs frères. Ici, Messieurs, il dépend de

nous de donner tort ou raison à ceux qui nous adressent ce reproche. Et j'irai jusqu'au bout de ma pensée, en déclarant que peut-être dans le passé nous n'avons pas fait tout ce qu'il fallait pour leur donner tort. Si je me trompe, qu'on me le prouve je me réjouirai d'avoir à le reconnaître, car nous nous sentirons tous plus forts et plus libres dans la poursuite de notre tàche. Mais si réellement cet esprit d'intolérance et d'inquisition sans mandat a trop souvent régné chez les meilleurs d'entre nousvous voyez que je ne parle pas d'eux avec défaveur, s'ils ont cru de bonne foi servir la cause de Dieu en multipliant sans nécessité les difficultés de croire, si le xix siècle catholique a eu ses rigoristes, j'allais dire ses jansénistes de la Dogmatique, et si, par un contraste bizarre, il les a recrutés surtout parmi les adversaires les plus méritants du rigorisme et du jansénisme en morale, il est temps de renoncer à des errements funestes et de mieux employer notre zèle. Laissons, Messieurs, à nos évêques, laissons au souverain pasteur, parce que c'est là leur mission et leur grâce, le soin de rappeler ceux qui vont trop loin; et, cessant d'exercer contre nos frères une vigilance aussi jalouse, déployons-la contre nos ennemis. Que d'opérations menaçantes n'avons-nous pas à surveiller dans leur camp! Voyez ce n'est pas chez eux qu'on s'endort. Chaque jour leur armement se renouvelle ne trouverons-nous rien à rajeunir dans nos arsenaux? Le champ de la science profane ne suffit pas à leurs explorations; ils font sur le domaine de la science sacrée des incursions chaque jour plus audacieuses. Histoire comparée des religions, critique des textes, étude des monuments figurés, tout leur est occasion de s'aventurer sur nos terres. Ils font cela tantôt avec bonne foi, tantôt avec perfidie, toujours avec une curiosité passionnée. Est-ce que leur zèle ne nous servira pas d'avertissement et aussi de modèle pour entrer, autrement qu'eux, sous une inspiration différente, mais avec une ardeur pareille, dans ce grand mouvement de transformation qui secoue toutes les connaissances humaines et qui, mal dirigé, menace de tout emporter?

Et voilà, Messieurs, toute la raison d'être de ces congrès. Je vous parlais tout à l'heure d'une revue à passer: ah! ce n'est pas seulement la revue de nos forces à nous, c'est aussi, c'est surtout celle des forces ennemies. L'une et l'autre armée ont ceci de commun qu'elles ne recrutent que des soldats volontaires. Tous les rangs, toutes les conditions peuvent fournir leur contingent. A côté des hommes voués à l'enseignement, pour qui la science

est une profession, j'en vois d'autres pour qui elle n'est que l'emploi du loisir. Que ne sont-ils plus nombreux, ceux-là ? Où trouver, je le demande, un plus noble aliment à cette activité qui, trop souvent, se consume dans les dégoûts d'une vie inutile ? L'intelligence n'est pas rare; unie au travail, elle enfante naturellement le savoir. Et s'il ne manque qu'un but à poursuivre, nos dogmes à venger, notre caractère de chrétiens à honorer devant les hommes, la haute influence à conquérir, la direction des idées à ressaisir, la société tout entière à ramener des voies décevantes dans le royal chemin de la civilisation chrétienne, tout cela n'ouvre-t-il pas devant les esprits généreux d'attrayantes perspectives pour allumer des ambitions ardentes autant que fécondes et désintéressées ?

Mais je m'attarde à prêcher des convertis. Non, ce n'est pas à vous, Messieurs, qu'il était nécessaire de dire ces choses; tout au plus pouvait-il être utile de les dire en votre nom et de les faire entendre au delà de cette enceinte à nos amis et à nos ennemis du dehors. Et quand j'aurais trouvé pour les exprimer des accents plus dignes et de mon auditoire et de mon sujet, je sentirais encore qu'il y a un témoignage plus éloquent que toutes les paroles: c'est votre présence ici, ce sont ces 2500 adhésions, ces savants mémoires que vous apportez en si grand nombre, ces discussions sereines où vous remuez les plus hauts problèmes, cet auguste patronage accordé à votre œuvre par les premières autorités de l'Église et de l'État.

Ah! Messieurs, permettez à un Français qui aime passionnément et son Église et sa patrie d'envier aux enfants de la libre Belgique le privilège dont ils veulent bien partager avec nous en ce moment l'honneur et le profit. Nous ne sommes plus habitués, en France, à voir les entreprises de l'initiative catholique recevoir l'hospitalité des palais nationaux, compter des ministres parmi leurs coopérateurs, abriter sous l'égide d'une liberté franche et vraie le concours qu'elles apportent à la régénération de la société par l'influence de la foi. Mais si je songe que cette liberté, vous l'avez pleine et large parce que vous avez su la conquérir, que pour l'obtenir et la garder vous avez trouvé le secret d'habituer tout un peuple à voir en elle la garantie de tous les autres biens, alors je cesse de vous envier, je vous admire et je me sens pressé du désir d'amener mon pays à vous imiter.

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