Sayfadaki görseller
PDF
ePub

désarmer qu'après la conversion où l'extermination entière de ses adversaires... Aucun homme de bien ne peut accepter une perspective aussi épouvantable; on ne peut admettre que la haine, le carnage, la guerre à outrance soient l'état normal et définitif de l'humanité, sa destinée providentielle. La raison et la morale, la logique et le sentiment sont d'accord pour faire accepter une doctrine tout opposée, pour faire envisager la paix et la concorde comme les conditions du développement régulier de l'humanité, comme de précieux avantages qu'on doit chercher à réaliser par les moyens les plus efficaces; on ne pourra y parvenir qu'autant que chaque communauté religieuse se résignera à supporter l'existence des sectes rivales et gagnera par là l'avantage d'être supportée à son tour dans les lieux où elle n'est pas la plus forte.

II

LA LIBERTÉ RÉGLEMENTÉE,

Il ne suffit pas qu'une liberté soit pompeusement proclamée dans une constitution: il faut qu'elle passe de l'abstraction dans la réalité, qu'elle s'incarne dans les faits, qu'elle pénètre dans les mœurs des citoyens, qu'elle fasse, en quelque sorte, partie de leur vie. Malheureusement, en France, les libertés sont presque toujours restées une lettre morte: on a reconnu le principe pour donner une sorte de satisfaction à l'opinion publique; puis sont venues les lois de détail, qui, sous prétexte d'en régler l'exercice, l'ont réduit à n'être plus qu'une vaine chimère, une amère déception. Ainsi, les constitutions reconnaissent la liberté religieuse. La Charte octroyée par Louis XVIII contenait l'article 5 qui a été reproduit dans la Charte de 1830, et qui est ainsi conçu: « Chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son

culte la même protection. » En lisant une règle aussi sage, empreinte d'un esprit aussi large, aussi généreux, qui ne serait saisi d'admiration et pénétré de reconnaissance, qui ne croirait que la France possède, depuis 1814, la liberté religieuse la plus complète et n'a, sous ce rapport, rien à envier aux sociétés les plus démocratiques ?... Hélas! il y a un revers de médaille. Nous verrons plus tard, en traitant de la religion d'État, comment a été réalisée cette égalité promise à tous les cultes nous ne nous occupons, pour le moment, que de la liberté. Il y a toujours, dans la législation française, un arsenal de lois rendues sous toutes sortes de régimes, avec lesquelles le Gouvernement peut escamoter la liberté et exercer contre les citoyens les vexations les plus dures. Tel est l'article 291 du code pénal de 1810, d'après lequel : Nulle association de plus de vingt personnes, dont le but sera de se réunir tous les jours ou à certains jours marqués pour s'occuper d'objets religieux, littéraires, politiques ou autres, ne pourra se former qu'avec l'agrément du Gouvernement et sous les conditions qu'il plaira à l'autorité publique d'imposer à la société. L'article 292 se contentait de prononcer la dissolution des sociétés non autorisées et de punir les chefs d'une légère amende. Mais ce régime, qui avait paru d'une sévérité suffisante sous l'Empire, ne suffit plus sous le gouvernement du roi populaire. La loi du 10 avril 1834 prononce des peines énormes, l'amende et l'emprisonnement de plusieurs années, non-seulement contre les chefs, mais encore contre tous les membres des sociétés; et, enfin, le décret-loi du 8 décembre 1851 autorise le chef de l'État à faire transporter, par mesure de sûreté générale, dans une colonie pénitentiaire, à Cayenne

[ocr errors]

ou en Algérie, tout individu qui aura fait partie d'une société secrète, c'est-à-dire non autorisée.

Ainsi, vous êtes libres, en théorie, d'exercer le culte qui vous convient le mieux; mais, en réalité, vous ne pouvez vous réunir, pour l'exercer, que sous le bon plaisir de l'autorité qui n'est pas même obligée de vous écouter, qui n'a point à discuter avec vous ni à rendre compte de ses décisions; le Gouvernement peut, à son gré, accorder ou refuser l'autorisation sans laquelle toute réunion deviendrait un délit; et cette permission est toujours révocable. N'espérez même pas échapper à un régime aussi dur en restreignant vos réunions au-dessous de vingt personnes; car si votre société se rattache d'une manière quelconque à d'autres associations, ne serait-ce que par la hiérarchie sacerdotale ou par l'adoption d'un symbole commun, on supputera la totalité des membres des diverses réunions, et si l'on dépasse le nombre de vingt, vous serez en contravention, exposés à l'amende; puis la police sera autorisée à vous transporter à Cayenne pour un temps qui est laissé à sa discrétion, ce qui peut faire de la peine une détention perpétuelle. Il est donc possible que les juges, reconnaissant dans votre contravention des circonstances atténuantes, ne vous condamnent qu'à un franc d'amende, puis que le Gouvernement, par un corollaire de cette décision quasi - paternelle, vous renferme toute votre vie dans un pénitencier, sous la zône torride.

Voilà une liberté singulièrement travestie. Ce qu'on peut surtout reprocher à un tel régime, ce n'est pas sa sévérité, c'est son hypocrisie. Si l'on croit que la Société ne puisse être sauvée que par des mesures draconiennes, qu'on ait

le courage d'invoquer le despotisme; mais qu'on mette de côté ces maximes de liberté qui ne sont qu'un piége et une cruelle ironie.

Le Gouvernement peut être, suivant les circonstances, plus ou moins doux dans l'application de la loi; quelquefois il se montre d'une grande indulgence et accorde libéralement les permissions demandées; les bonnes gens, touchées de cette facilité, sont disposées à bénir un maître si complaisant et à vanter comme très-libéral un régime sous lequel on obtient aussi commodément la faculté d'exercer son culte. Déplorable illusion! Une liberté précaire et dont on ne jouit que sous le bon plaisir de l'autorité, n'est pas une liberté, mais une concession, une grâce, un privilége fragile. La liberté est un droit qui nous appartient en notre qualité de citoyen, un droit que nous ne tenons de personne et que nul n'est autorisé à nous enlever. Tant que vous n'avez pas cette liberté, vous n'avez rien; les concessions que fait l'autorité en vertu de son omnipotence, loin d'exciter votre reconnaissance, doivent être jugées comme plus nuisibles qu'utiles; elles endorment dans une fausse sécurité ceux qui les obtiennent, et les détournent de la poursuite de la vraie liberté; le solliciteur, quand il est muni de la permission qu'il convoitait, ne s'occupe plus du reste et s'inquiète fort peu si les membres des autres communautés restent privés de l'exercice de leur culte.

Dès que c'est l'arbitraire qui prononce, personne ne peut être sûr de rien. Telle secte qui hier avait été favori sée, aujourd'hui échouera dans ses demandes de permission. Ainsi, en France, où le catholicisme jouit d'immenses priviléges, il n'en est pas moins soumis au régime de

« ÖncekiDevam »