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l'autorisation; nulle église, chapelle, communauté ne peut s'établir que du consentement du Gouvernement qui peut refuser, si bon lui semble, et qui use quelquefois de sa prérogative quand il veut rappeler les membres du clergé à l'obéissance et leur faire sentir qu'il les tient sous sa main puissante. Les deux sectes protestantes des confessions d'Augsbourg et de Genève sont, non-seulement reconnues, mais salariées par le Trésor et réglementées par la loi civile. Néanmoins, il est arrivé très-fréquemment que le Gouvernement, pour flatter le clergé catholique, a refusé l'érection de nouveaux oratoires protestants; de petites réunions de protestants ayant eu lieu sans autorisation, sous la présidence d'un pasteur commissionné et institué par le consistoire officiel, la police est intervenue, a dissous les réunions dont les membres ont été traduits en police correctionnelle comme ayant contrevenu à l'article 291 du code pénal; ils ont en vain allégué que cet article, qui supprime la liberté religieuse, est incompatible avec la Charte qui garantit cette même liberté; que ce texte de loi doit donc être considéré comme implicitement abrogé ; les tribunaux ont condamné, notamment, les protestants de Senneville (Seine-et-Oise).

On a encore eu moins de ménagements pour les sectes nouvelles, non reconnues, et qui n'ont pas le droit de bourgeoisie. Ainsi, en 1847, il s'est établi à Chauny, puis à Servais, dans le département de l'Aisne, une secle de baptistes qui n'a pris que de très-faibles développements; elle vivait obscurément, paisiblement, sans troubler l'ordre. L'évêque de Soissons, entraîné par son zèle, a dénoncé à l'administration l'existence de cette église non autorisée. Le préfet a fait immédiatement dissoudre

la réunion; le pasteur Lepoids et deux autres citoyens ayant présidé des réunions, ont été poursuivis en vertu de l'article 291; ils ont déclaré qu'ils n'avaient fait qu'user de leur droit; ils ont invoqué l'article 5 de la charte constitutionnelle, qui garantit à tous les citoyens le libre exercice de leur culte, et se sont mis sous la protection de la loi; néanmoins, ils ont été condamnés en première instance et en appel (1). Il y eut, en cette affaire, une circonstance qui mérite d'être notée. Le maire de l'endroit, chargé de sévir contre de petites gens, a cru devoir joindre l'outrage à la persécution; il déclare, dans son procès-verbal, que les membres de la réunion sont un tas d'imbéciles, hors d'état de distinguer en quoi la religion catholique diffère de celle qu'on leur apporte en échange... Où en sera la liberté religieuse si le premier officier venu s'arroge le droit de peser les motifs des croyants, de traiter officiellement d'imbéciles ceux qui ne pensent pas comme lui, et de les persécuter en vertu de sa haute raison administrative? Changez les rôles, et supposez un mandarin pénétrant dans un cénacle de Chinois nouvellement convertis au christianisme, et leur appliquant les gentillesses du maire de Chauny comment les chrétiens apprécieront-ils sa conduite? Ne flétrirontils pas de toute leur énergie le fonctionnaire public qui, non content de violer la liberté religieuse, ose insulter à la foi des croyants et s'ériger en juge entre les symboles ? L'indignation devra-t-elle être moindre parce qu'il ne s'agit que d'une secte faible et obscure? Mais la cause du faible

(1) Arrêt de la Cour royale d'Amiens du 25 mars 1847; voir la Gazette des Tribunaux des 27 janvier et 29 mars 1847.

est la cause de tous: s'il est opprimé, s'il ne trouve aucun appui, aucune garantie dans la législation, demain la même oppression pourra s'étendre à d'autres, et ceux qu'elle atteindra apprendront alors, à leurs dépens, qu'en restant indifférents au mal d'autrui, ils agissaient contre leurs propres intérêts. Tout est solidaire dans le corps social; laisser opprimer un citoyen, c'est préparer sa propre oppression :

Nam tua res agitur paries quum proximus ardet.

Si l'on veut sérieusement être libre, il ne faut compter que sur des garanties légales solidement établies, et non sur la bienveillance passagère de l'administration. Que dirait-on d'un régime où l'on déclarerait que chacun a le droit de circuler librement, mais pourvu que chaque jour son itinéraire fût soumis à l'approbation de la police ? L'autorité pourrait, pendant quelque temps, user d'une grande indulgence et viser sans difficulté le programme des courses: mais le citoyen obligé de se pourvoir de cette approbation ne pourrait jamais se dire libre; il sentirait toujours ses pieds enlacés dans un fil tenu par l'autorité; il saurait que celui qui làche le fil peut aussi le tirer quand il voudra et faire de lui un prisonnier.

Pour que la liberté religieuse soit une vérité, il faut supprimer l'autorisation préalable; il faut que les citoyens puissent se réunir pour exercer leur culte, sans avoir besoin de la permission de personne, sans être entravés par aucune restriction.

III

LA LIBERTÉ RELIGIEUSE DOIT-ELLE S'ÉTENDRE INDISTINCTEMENT A TOUTES LES SECTES?

Bien des personnes accordent sans difficulté la liberté en principe; mais dès qu'il s'agit de l'application, elles reculent épouvantées devant les conséquences. En France particulièrement, nous sommes tellement habitués à ne marcher qu'appuyés sur la tutelle de l'État, que la pensée d'une émancipation complète nous donne le vertige; nous nous regardons toujours comme de vieux enfants qui ne peuvent marcher sans lisières. Ce n'est pas que chacun se défie de ses propres forces: oh! loin de là, on a toujours assez bonne opinion de soi-même; mais on prend en pitié la faiblesse du voisin qui, privé de la protection administrative, ne pourra manquer de faire fausse route et de choir misérablement.

Si la liberté religieuse avait lieu pour tout le monde,

nous dit-on, quel débordement de sectes inonderait la société! Comment, les doctrines les plus extravagantes pourront être prêchées, les cultes les plus ridicules seront pratiqués. « Toute personne, dit M. Franck, pourvu qu'elle y trouve un profit légitime, peut s'improviser théologien, prédicateur, prêtre, ministre d'un culte, quel qu'il soit, et se donner en représentation dans un bazar ou dans une grange décorée du nom de temple. Cette industrie est sou vent la dernière ressource de ceux qui n'ont réussi dans aucune autre, ou de négociants ruinés qui essaient de se reposer dans ce moyen d'existence entre deux faillites. La religion, aux États-Unis, n'étant soumise à aucune autorité qui la contienne dans sa tâche, non-seulement partage toutes les passions de la multitude, mais les entretient et les excite. Abolitioniste dans le Nord, elle ne voit rien dans le Sud de plus légitime que l'esclavage. Elle démontre, la Bible et l'Évangile à la main, qu'un nègre est à peine un homme (1). »

Il n'y a pas de faculté dont on ne puisse abuser. Ce n'est pas une raison pour supprimer la liberté la seule tâche du législateur est d'établir une bonne police qui assure, autant que possible, le maintien de l'ordre et garantisse la sécurité des citoyens, et de punir les infractions. Chacun peut abuser de la liberté de locomotion: il n'en est pas moins vrai qu'on ne peut l'enchaîner, ni même la restreindre, sans tomber dans une tyrannie intolérable. Le droit d'exprimer sa pensée par la parole ou par la voie de la presse, peut donner lieu, si l'on en fait mauvais usage,

(1) Philosophie du droit ecclésiastique, 1 vol. in-12; Paris, 1864; pages 11, 12.

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