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PREMIÈRE PARTIE

DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE

I

LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE, LA LIBERTÉ RELIGIEUSE

On distingue la liberté de conscience et la liberté reli– gieuse. La première est la liberté pour chacun de croire ou de ne pas croire, de donner ou de refuser son assentiment à une doctrine quelconque, sans que personne puisse lui en demander compte, ni l'inquiéter à raison de ses opinions ou de sa foi. La liberté religieuse est la liberté pour chacun de professer et pratiquer paisiblement sa religion, sans pouvoir être troublé par qui que ce soit.

La seconde liberté, comme on voit, est beaucoup plus large. La liberté religieuse suppose la liberté de conscience et la contient; la liberté de conscience, au contraire, pourrait exister sans la liberté religieuse.

La liberté de conscience repose sur un droit tellement

sacré que, dans un siècle éclairé, on a peine à croire qu'elle ait jamais pu être contestée. Et cependant l'histoire nous offre de très-longues périodes pendant lesquelles, chez les peuples les plus avancés en civilisation, la liberté de conscience était méconnue; c'est surtout contre elle qu'a été institué le terrible tribunal de l'Inquisition, d'exécrable mémoire. Après l'expulsion des Maures d'Espagne, il ne suffisait pas à un individu d'origine asiatique, de ne pas pratiquer la religion musulmane, il était obligé, sous les peines les plus sévères, de.pratiquer la religion dominante; on lui demandait compte, non-seulement de ses actes, mais encore de ses pensées; il était obligé de donner des gages de son orthodoxie, de justifier que sa conscience avait répudié la foi de ses pères pour se soumettre à la foi de leurs vainqueurs et de leurs bourreaux. La tyrannie pénétrait jusque dans les secrets de la pensée intime et les soumettait à sa loi; c'était un crime que de penser autrement que le maître. Les mêmes principes ont dominé en France à la suite de la révocation de l'édit de Nantes, et il a été admis, dans le système monarchico-catholique, que toute opinion contraire à celle du souverain était un acte de rébellion, un attentat contre l'autorité royale.

Rien de plus odieux qu'une telle doctrine. Un gouvernement peut faire des lois pour garantir le maintien de l'ordre et pour régler les relations des personnes, il peut prohiber les actes qu'il juge contraires au bien général, assurer la sanction de ses règlements par des peines contre les délinquants; mais là s'arrête son droit. H ne peut s'attaquer à la pensée d'un citoyen: la conscience est un sanctuaire inviolable. Nul ne peut être tenu de déclarer à l'autorité publique l'état de ses croyances ou de ses affections:

qu'un individu admette ou rejette telle doctrine, c'est ce qui ne regarde que lui-même; l'État n'a point à lui en demander compte ni à s'en occuper. On ne peut méconnaître ce principe, sans entrer dans un épouvantable système de persécutions et de vexations. Et que gagne le despotisme à cette odieuse inquisition, à cette violation des droits les plus sacrés de l'humanité? La conscience échappe au pouvoir de la force brutale. Les menaces et les tortures peuvent bien arracher des déclarations; mais la bouche seule les prononce, l'esprit les désavoue et s'affermit dans ses convictions. Le tyran n'a obtenu, par la violence, que l'uniformité des actes extérieurs; il ne réus sit pas à régner sur les esprits qui ne peuvent être subjugués que par la persuasion.

La liberté religieuse n'a besoin, pour se justifier, que d'invoquer le principe le plus élémentaire de toute morale, celui que prêchent toutes les religions, toutes les philosophies: Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qui te fût fait à toi-même; fais à ton prochain tout le bien que tu voudrais qui te fût fait à toi-même. Nous pouvons dire aux sectateurs de toutes les religions, et particulièrement

ceux des religions exclusives : « Vous faites le plus grand cas, pour vous-mêmes, de la liberté religieuse; vous appréciez comme un bien précieux la faculté de professer votre religion, d'en observer toutes les prescriptions et même de contribuer à la propager suivant la mesure de vos moyens; vous regarderiez comme une abominable oppression, comme une injustice criante toute mesure qui apporterait des entraves à l'exercice de cette religion et, à plus forte raison, toute loi qui interdirait cet exercice, qui vous contraindrait à donner des signes extérieurs d'adhé

sion à une autre religion, à un culte qualifié par vous d'impie et de sacrilége. Eh bien, cette liberté, à laquelle vous tenez tant pour vous-mêmes, que vous considérez comme un patrimoine inviolable, comment pouvez-vous la refuser à autrui? Tous les hommes ne sont-ils pas vos frères ? N'ont-ils pas une même nature; ne doivent-ils pas avoir les mêmes droits? Comment pouvez-vous les priver de ces droits que vous revendiquez pour vous-mêmes? Comment n'êtes-vous pas frappés de l'inconséquence et de l'injustice que vous commettez en tenant deux langages si diamétralement opposés, suivant qu'il s'agit de vous ou de ceux qui ne font pas partie de votre communauté; proclamant, d'un côté, la liberté religieuse comme un droit essentiel, primordial, imprescriptible, et, de l'autre, refusant de reconnaître aucun droit aux dissidents, leur déniant la faculté de prier à leur guise et de manifester leurs opinions, appelant contre eux la compression, la persécucution, jusqu'à ce qu'on les ait contraints à embrasser votre foi?... En refusant la liberté à autrui, ne craignezvous pas de compromettre votre propre liberté ? Vous surtout, ô catholiques, qui êtes si durs, si intolérants, là où vous êtes les plus forts, si doux, si libéraux, là où vous êtes les plus faibles, ne craignez-vous pas qu'on ne vous traite comme vous traitez les autres, qu'on ne vous applique cette parole de l'Évangile : « On se servira avec « vous de la mesure dont vous vous serez servis envers << les autres (Matth. vi, 2)? » Si, dans les pays où les catholiques sont en minorité, le souverain déclarait qu'il leur appliquera exactement les mêmes mesures usitées par leur chef suprême, par le pape, envers les non-catholiques, et qu'il ne distribuera la liberté qu'au fur et à me

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