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à de graves inconvénients: néanmoins, nul n'a encore osé soumettre la parole à la censure préventive; on se borne à punir les excès. Chez tous les peuples qui marchent en tête de l'humanité, la presse est libre, sauf à l'écrivain à répondre devant les tribunaux de l'usage qu'il a fait de ce puissant moyen de propager la pensée.

La même règle doit, à plus forte raison, être suivie en matière de religion. Soumettre les religions à la nécessité de l'autorisation préalable, c'est confisquer la liberté religieuse, c'est imposer aux consciences la plus dure, la plus effroyable des oppressions, c'est interdire aux hommes l'accomplissement de ce qui pour eux est le premier, le plus saint des devoirs, c'est faire exécrer le Gouvernement et mettre les croyants dans la dure nécessité d'opter entre leurs devoirs de citoyens et leurs devoirs envers Dieu; c'est renouveler pour eux la position des premiers apôtres qui, sommés de renoncer à prêcher la parole de Jésus, répondirent Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. (Act. ap., V, 29.)

La liberté religieuse doit être illimitée, doit pouvoir s'exercer sans aucune autorisation, ou elle n'existe pas. Il faut donc l'accepter avec toutes ses conséquences dont la principale est la multiplicité et l'extrême variété des doctrines. Y a-t-il donc là de quoi s'alarmer? Qu'y a-t-il d'inquiétant pour la société dans l'existence de ces sectes diverses adhérant à des dogmes plus ou moins bizarres? Eh, avant de juger sévèrement les religions qui nous sont étrangères, songeons un peu à l'impression que doivent produire les religions les plus accréditées en Europe, sur les personnes qui n'y croient pas. Telle religion, que vous taxez d'extravagante, l'est-elle plus, aux yeux du libre pen

seur, que celle où vous avez été élevé et que vous considérez comme l'œuvre sublime de la divinité? Vous riez de la Trinité des Indiens, qui peuvent user de représailles à l'égard de la Trinité chrétienne. Les incarnations de Vichnou excitent vos sarcasmes; l'incarnation du Fils est-elle plus digne de respect pour un non-chrétien ? Vous accusez certains peuples d'adorer des animaux; ils ne se croient pas plus déraisonnables que ceux qui admettent que Dieu s'est manifesté sous la forme d'une colombe. Vous prenez en pitié ceux que vous appelez idolâtres, qui adressent des prières et des hommages à des simulacres: ces païens, en entrant dans nos églises, voient les catholiques prosternés devant des statues, aux pieds desquelles ils font brûler des cierges et de l'encens, auxquelles ils attachent, par reconnaissance, des ex-voto comme témoignages des bienfaits qu'ils croient en avoir reçus. Celui qui est étranger à ces religions, aura peine à décider de quel côté on est le plus païen. Si certaines nations adorent des fétiches, des manitous, elles peuvent, étant privées des lumières de la vraie religion, ne pas se croire inférieures aux peuples chez lesquels le pain est changé en Dieu et reçoit ensuite l'adoration suprême. Si les nègres portent sur eux des gris. gris, des amulettes pour se préserver de toutes sortes de fléaux, les catholiques ont aussi leurs médailles et leurs scapulaires, auxquels ils n'attachent pas moins de vertus.

Concluons que, s'il ne fallait autoriser que les religions en état de supporter le sévère examen de la raison, l'élimination serait énorme; et qui sait où elle s'arrêterait? Quand un croyant demande la proscription d'une religion rivale, sous prétexte qu'elle est extravagante, il attire sur sa propre religion un examen qui peut ne pas tourner à

son avantage. C'est là surtout le cas d'appliquer la maxime de l'Évangile « Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés (Mat., VII, 1). Avant de critiquer la paille qui est dans l'œil de ton voisin, commence par enlever la poutre que tu as dans l'œil (Id., VII, 3-5.).

Laissons tout dire, tout prêcher; c'est au bon sens public à faire justice des erreurs.

Si le premier venu s'arroge le titre et les fonctions de prêtre, que vous importe? C'est l'affaire de ceux qui veulent bien le reconnaître pour leur pasteur. Faudra-t-il qu'un prêtre, pour exercer, fassé constater et contrôler son titre par la police? Alors il arriverait indubitablement que les commissaires du gouvernement chargés de cet examen, refuseraient l'admission à tous ceux dont les doctrines s'écarteraient de l'orthodoxie officielle et que, par conséquent, le gouvernement, juge de la réception des prêtres, deviendrait juge de l'admission, étoufferait toute religion qui lui déplairait, et la liberté religieuse serait anéantie. Figurons-nous une pareille institution à la naissance du christianisme les premiers disciples de Jésus, les Pierre, les Jacques, les Jean, étaient des gens illettrés (homines sine litteris et idiota. Act. Ap. IV, 13), incapables de soutenir un examen sur les sciences morales, politiques et religieuses; ils n'avaient ni brevet ni diplôme; un aréopage de philosophes du temps leur eût certainement refusé la permission d'exercer. Les chrétiens, qui les comptent parmi les fondateurs de l'Église, ne font nulle difficulté de reconnaître que, bien que dépourvus d'un titre officiel, ces vaillants athlètes avaient le droit de propager ce qu'ils croyaient la vérité. Comment donc pourraient-ils refuser le même droit à ceux qui, avec la même conviction, rem

plissent leur mission apostolique et croient obéir à la loi de Dieu en prêchant leur doctrine ?

Pourquoi ce dédain des granges, des caves où se célè-brent les saints mystères ? Les premiers chrétiens n'ontils pas, pendant plusieurs siècles, exercé leur culte dans des grottes, dans des catacombes ? Est-ce la richesse du local qui légitimè la mission, qui consacre la doctrine? Une religion dont le fondateur est né dans une étable et ne prêchait d'habitude que sur la place publique, a-t-elle bonne grâce à dédaigner le pauvre missionnaire qui improvise un oratoire dans une chaumière et n'a pour auditeurs que des gens de la classe inférieure ?

Le pouvoir civil n'a aucune qualité pour demander au prêtre la justification de son titre. C'est une question de for intérieur qui n'intéresse que les fidèles. S'il fallait, pour exercer le ministère sacerdotal, produire des titres en règle, quelle secte pourrait se vanter de satisfaire à cette condition? Le croyant qui s'interdit l'examen, écoute avec vénération, avec docilité tout ce que lui dit son pasteur, et regarderait comme un sacrilége le simple doute sur sa mission divine. Mais, pour les personnes étrangères à son église, qui discutent de sang-froid et sans prévention, ce même ministre est un homme comme tous les autres, sa mission et ses pouvoirs sont chimériques, et sa prétention de se dire le représentant de Dieu ne mérite que le mépris.

Les diverses sectes ne s'entendront jamais sur le choix d'un tribunal arbitral qui statue sur la validité des titres sacerdotaux. Chaque secte se croit la seule vraie, la seule investie du droit de juger le monde, regarde ses prêtres comme les seuls qui aient une mission divine et

considère les prêtres des autres communions comme de vils usurpateurs, des artisans d'erreur, des fauteurs d'immoralité. Laissons-les se complaire dans leurs croyances respectives, et ne les chicanons pas sur le choix de leurs guides. Qu'il soit au contraire bien entendu que toute église ne relève que d'elle-même; que l'autorité civile évite de s'immiscer dans le jugement de questions qui ne sont pas de sa compétence, et que son rôle se borne à maintenir la tranquillité publique, à garantir à chacun la sécurité et le libre exercice de ses droits.

Si les doctrines échappent à sa juridiction, il n'en est pas de même des actes extérieurs, et l'État a le droit d'intervenir quand il se commet des faits contraires à l'ordre. Ici, nous l'avouons, la distinction est délicate et demande une grande prudence. On doit tolérer même des excentricités regrettables, mais on ne peut laisser le crime impuni. Posons quelques exemples des cas où des pratiques odieuses, immorales, ne peuvent, sous prétexte de liberté religieuse, jouir de l'impunité.

Il y a, dit-on, aux Indes, l'association des Thugs qui pratique l'assassinat dans un but religieux. Chez les peuples anciens, la religion a souvent ordonné des sacrifices humains; cette horrible coutume a existé dans le druidisme, elle a été pratiquée chez les anciens Romains; dans la Tauride, les prêtres égorgeaient en l'honneur de Diane les étrangers qui abordaient dans le pays; la fameuse histoire d'Iphigénie, dont le sacrifice était ordonné par un oracle divin, prouve que les Grecs, à l'époque héroïque, se sont souillés de cette abomination. Il est superflu d'énumérer tous les peuples chez lesquels se sont commises de pareilles infamies. Il est bien peu de religions qui en soient

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