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sure des concessions du souverain pontife, il y aurait de quoi donner à réfléchir aux partisans de l'absolutisme, qui apprendraient ainsi à leurs dépens à aimer la liberté et comprendraient que les droits et les devoirs sont toujours correlatifs; qu'on ne peut réclamer une liberté à titre de privilége, mais bien comme un droit inhérent à la qualité d'homme, et que dénier ce droit à autrui, c'est se l'interdire à soi-même.

Malheureusement, les sectes exclusives, et surtout l'Église catholique, ne reculent pas devant l'inconséquence que nous venons de signaler: elles ne craignent pas d'avouer qu'on doit avoir deux poids et deux mesures, que la même loi ne doit pas régir tous les hommes. La vérité, disent-ils, a droit à la liberté, mais l'erreur n'a aucun droit : or, la vérité, c'est nous; l'erreur, c'est tout ce qui est en dehors de nous. Donc, quand nous demandons la liberté pour nous, nous ne demandons que ce qui nous appartient légitimement. Quant aux non-catholiques, ils sont dans un état de perdition, ce sont des rebelles contre la loi divine; c'est indûment qu'ils se soustraient à l'autorité du représentant de Dieu; on ne peut, sans crime, leur permettre de propager leurs doctrines erronées, condamnées souverainement par les décisions de l'Église infaillible; on ne peut les laisser pratiquer des rites abominables; on doit, au contraire, les ramener, même par la force, s'il est nécessaire, sous la houlette bienfaisante de leur pasteur légitime (1).

(1) Cette thèse a été soutenue avec éclat dans un écrit intitulé: La Liberté, In par M. Stanhlamber au Cercle académique catholique de Bruxelles, et dont il a été fait un grand éloge dans le Monde, organe officiel du catholicisme (no du 19 décembre 1864).

Dans toute discussion, il faut partir de principes généralement admis et qui n'aient pas besoin d'être prouvés; puis on en tire logiquement les conséquences. Ici, les catholiques commencent par poser en principe que leur religion est la seule vraie, ce que repoussent tous les hommes étrangers à leur Église. Tout raisonnement basé sur ces prémisses est donc inadmissible. Quand il s'agit d'établir les droits de l'homme, sans distinction de sectes ni de races, on ne peut mettre en avant des affirmations qui ne sont reçues que dans une secte particulière et qui n'ont cours qu'entre le pasteur et ses ouailles; il faut s'appuyer sur des principes philosophiques, dont la conscience humaine proclame la vérité, principes de tous les temps et de tous les lieux, et qui n'aient pas besoin, pour se faire accepter, de l'autorité d'un pontife ou d'une assemblée quelconque.

Pour que la vérité eût seule le privilége de parler en public, il faudrait que, sur toutes les matières où peut s'exercer l'esprit humain, il y eût une autorité acceptée par l'unanimité du genre humain et à laquelle on s'accorderait à reconnaître le don de l'infaillibilité. Un tel oracle n'existe pas et n'a jamais existé, et la raison n'en admet pas même la possibilité. Tout homme paie son tribut à l'humaine faiblesse et, par conséquent, est faillible; une réunion d'hommes, quelque soin qu'on ait pris de la former des représentants les plus éminents de la science, n'est encore qu'un composé d'êtres faillibles et n'est pas affranchie des chances d'erreur. Il ne peut donc exister de tribunal ayant pour mission de prononcer en dernier ressort sur toutes les questions et d'interdire la discussion sur les décisions qu'il aura rendues. L'esprit humain n'a

pu acquérir des connaissances qu'en passant par une infinité de tâtonnements et en rectifiant chaque jour ce qu'il avait affirmé la veille. La vérité du jour est donc devenue l'erreur du lendemain, et ç'aurait été rendre tout progrès impossible que de déclarer, à un moment quelconque, que la vérité définitive était trouvée et qu'il serait interdit à l'avenir d'y rien changer. Les arts industriels ne se perfectionnent qu'en modifiant ce qui existait précédemment, et si l'on eût prétendu fixer une limite qu'il eût été interdit de franchir, le genre humain aurait été condamné à ne pas sortir de la barbarie. Il en est de même dans les sciences. Avant Galilée et Toricelli, on tenait pour vrai que la nature a horreur du vide et que c'était là ce qui faisait monter l'eau dans les tuyaux de pompe; on a tenu longtemps pour vrai que la terre était immobile au centre de l'univers et que le soleil tournait chaque jour autour de notre globe. S'il eût été décrété alors que la vérité seule a le droit de s'exprimer et que l'erreur est condamnée au silence, ces prétendues vérités auraient été considérées comme à jamais acquises et invariablement fixées; néanmoins les progrès de la science ont prouvé que c'étaient autant d'erreurs. Il a donc été utile, il a été légitime de contredire ce qu'on appelait des vérités régnantes, des vérités officielles.

Ce qui est arrivé en physique et en astronomie, ‘a eu lieu également dans toutes les autres sciences; toutes ont progressé, grâce à l'esprit infatigable de recherche qui ne s'arrête jamais, qui ne tient pour définitive aucune solution, qui aspire sans cesse à étendre la sphère des connaissances humaines. La théologie, malgré sa prétention à l'immutabilité, a été, elle aussi, entraînée par le courant et

a été obligée de se transformer personne n'oserait soutenir que le catholicisme actuel est de tous points semblable à ce qu'était le christianisme des premiers siècles; le dogme, le culte, la discipline, tout s'est profondément modifié (1), et la plupart des changements n'ont pas été dûs à l'initiative des souverains pontifes: ce sont de simples particuliers qui, suivant leurs propres inspirations, ont mis en avant leurs idées d'amélioration et les ont fait pénétrer dans l'esprit public; puis l'Église les a sanctionnées. Mais, tant que cette consécration solennelle n'avait pas eu lieu, on pouvait dire des novateurs qu'ils méconnaissaient l'autorité souveraine, source de toute vérité; et, si on leur cût appliqué le système que nous combattons, on aurait été fondé à leur imposer silence, puisqu'il n'y a, nous dit-on, de vérité que celle qui est enseignée par l'Église.

L'absolu est un but vers lequel tend l'homme sans pouvoir jamais l'atteindre. La plupart des vérités ne sont que

(1) Voyez sur les variations de l'Église, l'excellente Histoire des dogmes chrétiens, par E. Haag (2 vol. in-8°; Paris, 1862). Il nous suffira de rappeler ici quelques exemples des nombreuses modifications qui se sont faites au sein de l'Eglise. Dans les premiers siècles, on ne baptisait que des adultes, et beaucoup de fidèles ne se faisaient baptiser qu'à l'article de la mort; maintenant on baptise les nouveaux-nés, et même les fœtus. Les évêques étaient électifs; l'élection a été supprimée. La liturgie employait la langue vulgaire de chaque pays; aujourd'hui elle n'admet que les langues mortes. Pendant longtemps, l'Église consacrait de son autorité les épreuves judiciaires et le combat de Dieu; ces coutumes sont tombées en désuétude et ont été condamnées. L'Église, après avoir condamné le prêt à intérêt, a fini par le permettre. La bénédiction du lit conjugal, qui était une pratique très-importante, n'existe plus. C'est à l'initiative de quelques particuliers zélés, qu'on doit l'introductiou d'un grand nombre de dévotions, telles que l'Immaculée Conception, la Fête Dieu, le Chemin de la Croix, le Mois de Marie, le Sacré-Cœur, le Chapelet, le Scapulaire, etc.

des vérités provisoires que viendra peut-être corriger une science plus avancée. Il est permis à chacun de chercher la vérité, de la propager quand il croit l'avoir trouvée; inais nul ne peut prétendre en avoir le dépôt par privilége, ni en exiger l'adoption de ses semblables, ni prohiber toute doctrine qui s'écarte de son formulaire. Il y a plus : celui qui croit posséder la vérité, quand même ses prétentions seraient fondées, ne peut pas imposer de force ses opinions à autrui et n'a pas le droit d'interdire l'exposition des doctrines contraires à la sienne. Ce n'est que par la persuasion qu'il peut faire accepter la vérité dont il est l'organe; il est donc obligé de subir la libre discussion, et la vérité ne devra son triomphe sur ses contradicteurs qu'à l'ascendant légitime qu'elle gagnera sur leur esprit.

Il n'y a pas que les catholiques qui veuillent se réserver exclusivement la parole en se disant les seuls dépositaires de la vérité. Toutes les communions religieuses ont la même prétention, et quelques-unes prétendent tirer de cette prérogative qu'elles s'attribuent, les mêmes conséquences que les catholiques. Les orthodoxies russe et musulmane colorent du même prétexte leur despotisme. Qu'arriverat-il si chaque secte, prétendant être la seule instituée par Dieu, persiste à s'en faire un titre pour opprimer tout ce qui lui est étranger? C'est que la même Église qui exerce en un certain lieu la persécution contre les dissidents, subira ailleurs une persécution semblable; le mal qu'elle fera à autrui ne la dédommagera pas de celui qu'elle souffre elle-même; l'injustice et l'oppression régneront partout, la liberté sera bannie de la terre; les hommes continueront à se faire la guerre, à se déchirer au nom de la religion; chacune des parties belligérantes croira ne pouvoir

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