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être la base absolument indispensable de toutes les sociétés humaines partout et toujours, n'avait pu être posé que par la main du Créateur et conséquemment ne pouvait être qu'une vérité.

Nous ne négligerons ni l'une, ni l'autre de ces excellentes considérations, elles pourront quelquefois nous venir en aide, mais nous n'en faisons pas le fond même de nos preuves, qui doivent, comme nous l'avons annoncé, être empruntées à la raison prise en elle-même.

Aujourd'hui les libres penseurs se retranchent avant tout dans les abstractions psychologiques. Appuyés, disent-ils, sur la méthode de Descartes, dont ils ont fait peut-être très-sincèrement, mais fort injustement leur grand patron, ils déclarent vouloir n'emprunter aucun premier principe à l'histoire ou à la société, mais les déduire tous d'eux-mêmes. Le moi, voilà le point de départ exigé, voilà la pierre angulaire, voilà la source unique de toute certitude.

Assurément nous aurions bien des impossibilités nouvelles à signaler dans ce système exclusif, attendu que la certitude a des fondements divers selon la diversité des objets pour lesquels on l'invoque (1). Mais puisqu'on nous appelle en ce champ clos, nous nous y rendons.

(1) Ainsi la certitude d'un fait passé repose sur le témoignage des hommes, celle du mouvement des corps, sur la relation des sens, celle du souvenir, sur le sens intime, etc.

Vous voulez que tout parte du moi. Eh bien! étudiez intimement votre moi, ou, pour parler un langage moins barbare, rentrez en vous-même; examinez simplement avec le flambeau psychologique ce qui s'y passe. Soyez sûr que vous y trouverez tout autre chose que la fameuse formule: je pense, donc j'existe, cette parure affectée du rationalisme, ce chef-d'œuvre des procédés inipraticables. Veuillez vous interroger attentivement, et veuillez sincèrement vous répondre.

N'avez-vous pas, très-distinctes en vous-même les idées du bien et du mal dans l'ordre moral, et vous est-il possible de confondre le vice avec la vertu? Ainsi les idées de dévouement et d'égoisme, de fidélité et de trahison, d'équité et d'injustice, ne sont-elles pas en vous dans leur sens abstrait et général, parfaitement claires, chacune prise à part et rigoureusement distinguées les unes des autres? Vous serait-il libre, vous serait-il possible de détruire entièrement en vous ces notions élémentaires? Ne sont-elles pas dans votre conscience, spontanées, souveraines, invincibles? Ne sont-elles pas comme une partie de vous-mêmes? Ne vous en servez-vous pas intérieurement, comme extérieurement vous vous servez de vos oreilles et de vos yeux ?

Quand, par exemple, vous voyez un époux débauché dépenser dans d'ignobles jouissances les ressources de sa famille gémissant dans la misère;

puis quand vous voyez sa femme, patiente dans les dures privations qu'on lui impose et dans les mauvais traitements qu'on lui fait subir, redoubler de courage pour suffire aux besoins de ses enfants et de tendresse pour ramener au devoir l'homme indigne qui la tyrannise, vous est-il possible de former sur l'un et sur l'autre le même jugement, de les confondre dans une même appréciation, d'en avoir enfin la même idée? Evidemment cela ne vous est pas possible.

N'éprouvez-vous pas cet empire absolu de la loi morale sur votre jugement, même quand il s'agit de faits purement historiques. Ainsi, le récit des lâchetés, des infidélités, des cruautés, ne rencontre-l-il pas dans votre âme comme un tribunal toujours debout, qui les juge, les condamne et les réprouve? Au contraire, les actes de courage, d'abnégation, de charité, de sacrifice au devoir, ne vous font-ils pas éprouver une satisfaction, quelquefois une admiration et un enthousiasme qui sont comme l'acquiescement instinctif de votre âme tout entière !

Que dis-je? ce discernement lumineux et profond du vice et de la vertu, ne le sentez-vous pas, n'en êtes-vous pas pénétrés même quand vous laissez votre âme s'égarer dans des fictions imaginaires, soit que ces fictions s'exécutent représentées sous vos yeux avec toute la magie de l'action théâtrale, soit que vous en suiviez le récit séducteur sur ces

pages brûlantes que votre curiosité dévore, hélas! presque toujours si imprudemment?

Pourquoi, tout en sachant très-bien qu'il ne s'agit là que d'une vertu supposée, vous associezvous à ces aventures avec un intérêt si réel? Pourquoi ces larmes qui obscurcissent vos yeux, pourquoi cette oppression qui envahit votre cœur, quand vous voyez cette vertu dans l'épreuve, et quand, au milieu de toutes ces péripéties, vous avez la crainte qu'elle ne finisse par devenir la victime des méchants? Pourquoi cette douleur indignée dans les moments où le vice triomphe, et pourquoi enfin ces pleurs de joie, quand c'est définitivement la vertu qui l'emporte?

Est-ce assez de dire qu'alors vous possédez le sentiment du bien et du mal moral, ne faut-il pas dire plutôt que c'est lui qui vous possède et qui vous subjugue? Car dans ces circonstances fiévreuses, il arrive souvent que les rôles sont intervertis, que le vice se donne les airs de la vertu, et que la vertu est travestie en vice. C'est là une erreur d'application qui entre dans les inconséquences de conduite sur lesquelles nous aurons à revenir, mais qui ne fait que confirmer la vérité générale que nous établissons, puisque même sous ces travestissements et ces dehors menteurs, c'est toujours dans la réalité, c'est-à-dire dans l'acte formel de votre jugement, la vertu qui a vos sympathies et le vice vos aversions.

Donc vous les distinguez, donc vous croyez à une loi morale qui par sa nature n'a rien de commun avec les lois qui régissent immédiatement la matière.

II.

IMPOSSIBLE DE METTRE EN DOUTE LA LIBERTÉ HUMAINE. •

La liberté dont nous jouissons en nous-mêmes pourrait être aussi démontrée directement par la simple observation psychologique. A part certaines circonstances très-rares où, sous l'empire d'une émotion, d'une tentation, d'une passion, d'une habitude, l'on n'est vraiment plus maître de soi, parce que, comme on le dit fort à propos dans le peuple, on est hors de soi, circonstances où la moralité des actes n'est plus entièrement imputée à leur auteur et dont nous n'avons pas à nous. occuper; partout ailleurs et toutes les fois qu'il y a, selon le langage des scholastiques, un acte humain, nous sentons et nous ne pouvons pas ne pas sentir que nous sommes libres.

D'abord, nous le sommes évidemment quand notre volonté n'est poussée ni dans un sens ni dans un autre par aucun motif déterminant. Il faut bien qu'alors le choix se fasse par elle et par elle seule.

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