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Maintenant cette sanction se trouve-t-elle en ce monde, et peut-elle s'y trouver?

y a sans doute ici-bas dans une certaine mesure la satisfaction et la paix intérieure qui sont, après une bonne action, le témoignage de la bonne conscience; comme il y a le remords et la honte qui poursuivent et tourmentent intérieurement après une action coupable. Mais outre que cette sanction serait en elle-même trop insuffisante, surtout si rien ne devait s'en suivre, il est un fait d'expérience, un fait énorme qui prouve bien évidemment que ce double sentiment intérieur ne peut pas être la sanction de la loi morale: c'est que ce sentiment lui-même se trouve souvent en défaut, précisément quand il devrait être plus énergique, en ce sens que plus un homme est avancé dans la pratique de la vertu, moins il est content de lui-même, et qu'au contraire, plus un homme s'est perverti, plus il a entassé iniquités sur iniquités, plus il a vieilli dans le mal, et moins il a de remords. Le premier, comme le saint homme Job, voit et déplore des imperfections dans ses œuvres les plus excellentes Verebar omnia opera mea (1). Le second, bien loin de se reprocher ses crimes, s'en applaudit et s'en fait gloire. Lætantur cum male fecerint et exultant in viis pessimis (2). Voilà ce que malheureusement nous voyons tous

(1) Job Ix, 28.

(2) Prov. 11, 14.

les jours. Alors que devient la sanction et que devient la loi.

Évidemment donc, la sanction n'est pas là, et la voix de la conscience, soit qu'elle félicite, soit qu'elle reproche, est simplement l'annonce d'une justice à venir et non pas l'acquit d'une justice. définitive.

Or, maintenant que de vertus éprouvées sur la terre et que de crimes impunis! De là quel désordre et quel scandale à ne prendre même que ce qui frappe tous les yeux!

Que d'hommes religieux, consciencieux, vertueux, laborieux, courageux, à qui, pour ainsi dire, rien ne réussit, que la calomnie assiége, que la concurrence renverse, que les maladies affligent, que les injustices oppriment, enfin que l'adversité traverse en tout. Où donc est pour eux la sanction de la loi morale?

D'un autre côté, que d'hommes fourbes, débauchés, durs, égoïstes, sans conscience, sans pudeur, et, comme on le dit vulgairement, sans foi, ni loi, qui cependant élèvent en paix leur orgucilleuse fortune, qui se gorgent à souhait de honteux plaisirs, et qui sont comblés d'honneurs, de distinctions, de dignités. Où donc est envers eux sur la terre la sanction de la loi morale?

Et ce qui met le comble à ce douloureux renversement, c'est que plus souvent l'homme juste succombe précisément parce qu'il s'est conservé

juste, parce qu'il a refusé de sacrifier sa conscience à son intérêt; tandis que le méchant prospère précisément parce que tous les moyens lui ont été bons pour réussir et parce qu'il s'est fait de ses iniquités un large chemin pour arriver plus sûrement à toutes les prospérités et à toutes les jouissances de ce monde.

Et il n'y aurait pas une réparation à ces monstrueuses injustices! Libres penseurs, de nouveau je vous adjure de vous interroger, et de nous dire si votre raison, si votre cœur, si votre conscience, si tout en vous ne répond pas: c'est impossible.

Et encore nous n'avons parlé que des faits notoires. Mais est-ce qu'il n'y a pas en bien plus grand nombre des vertus modestes et d'autant plus méritoires qu'elles sont volontairement plus cachées? Est-ce qu'il n'y a pas d'autre part des crimes commis dans l'ombre et des abominations ensevelies dans un impénétrable mystère? Est-ce qu'il n'y a pas cette multitude incalculable d'iniquités vulgaires qui se perdent dans le tourbillon de la vie et qui n'en sont pas moins des atteintes plus ou moins profondes à la loi morale?

Que serait-ce donc que cette loi s'il n'y avait ni récompenses pour les uns, ni châtiments pour les autres? Et cependant il est visible qu'il n'y en a pas ici-bas; et cependant cette loi est rigoureuse, impérissable et sainte. Donc, il est impossible qu'elle n'ait pas sa sanction ailleurs.

Mais ce n'est pas tout encore. La vertu comme le vice sont beaucoup moins dans les actions extérieures que dans l'acte de la volonté qui incline délibérément vers le bien ou vers le mal. Nous savons tous, nous sentons tous et même tous nous reconnaissons que la moralité des actions réside. surtout dans la pensée qui les inspire, dans l'intention qui les anime, dans le but qu'on s'y propose; mais ce but, cette intention, cette pensée, c'est le secret de l'âme, secret le plus souvent tout-à-fait impénétrable; et alors il arrive que le monde même très-honnête, qui ne juge et ne peut juger que sur les dehors, décerne des récompenses ou des éloges à des actes repréhensibles et quelquefois criminels au fond, tandis qu'il blâme et condamne des actions pures, vertueuses, héroïques devant Dieu, parceque dans leur manifestation elles sont déplaisantes à son gré, ou défectueuses à son point de vue incomplet. Voilà bien ce que nous rencontrons sans cesse. Or, je demande encore une fois ce que dans ces inévitables et innombrables injustices devient la sanction de la loi morale. Qu'est-ce qu'une sanction qui frappe presque toujours à faux? Il y en a donc une autre.

Et ce qui fait surtout jaillir l'évidence de cette indispensable nécessité d'une sanction à venir, c'est le spectacle incessant de la mort qui vient à chaque minute trancher tout pour toujours avant que rien soit réparé.

Oui, j'ai vu souvent le juste mourir dans la paix quoique dans l'épreuve, mais c'est parce qu'il mourait dans l'espérance. Et, voyez donc ce qu'il en serait, si, comme le voudraient les matérialistes, cette espérance était vaine. Quoi! ce juste a passé sa vie dans l'accomplissement laborieux de tous ses devoirs, dans la pratique désintéressée de la vertu, il a fait le bien sans calcul et sans retour, il l'a fait même contre ses intérêts et contre l'ingratitude, il n'en a recueilli que la persécution et la ruine; il meurt calomnié par ses ennemis, méconnu par les siens, dédaigné de tous, et il meurt ainsi pour être resté fidèle à la loi morale! Il meurt sans justification, sans dédommagement, sans autre soutien que l'espoir de l'avenir; et cet avenir ne serait qu'une chimère, et cet espoir ne serait qu'une dérision de la Providence! Quel est l'homme qui oserait se lever et dire oui, cela est possible, et cela serait bien. La conscience du genre humain tout entier ne lui répondrait-elle pas avec une indignation immense non, cela n'est pas possible; car ce serait une injustice monstrueuse, et Dieu, c'est la justice même.

D'autant plus qu'ici encore nous avons la contrepartie du tableau. Hélas! est-ce qu'il n'y a pas dans le monde des calomniateurs écoutés, des oppresseurs approuvés, des ravisseurs du bien d'autrui honorés et qui jouissent jusqu'au bout du fruit de leurs crimes? Est-ce qu'il n'y a pas, comme

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