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que pour la terre, et alors tout y aurait été complet, toute justice y eût été rendue, nul crime n'y fût resté sans châtiment proportionné, nulle vertu sans rétribution suffisante. Nous venons de voir qu'il n'en est pas ainsi : mais alors, quand Dieu, dans le sein de sa suprême Indépendance, décida qu'il y aurait pour l'homme le temps de l'épreuve, puis le temps de la justice, que se passa-t-il dans ses impénétrables conseils? Que fut-il décidé dans ces délibérations adorables dont notre imparfait langage est si indigne de parler, et dont nos pensées sont si loin?

Dieu alors a-t-il destiné sa faible créature à la voir un jour face à face, ou bien lui a-t-il reservé seulement la jouissance plus exquise de quelque bien créé?

Dieu alors a-t-il voulu que nos corps ayant presque toujours pris part à nos actions bonnes ou mauvaises, la sanction de la loi morale leur fût plus tard appliquée, ou bien a-t-il décidé que nos âmes ayant été seules le vrai mobile du mal comme du bien, cette sanction serait pour elles seules?

Ce que Dieu a voulu, ce que Dieu a destiné, ce que Dieu a décrété, qui peut le savoir, à moins d'avoir été dans ses conseils? Or, quoique la raison humaine ait eu depuis longtemps bien des folies d'orgueil, jamais a-t-elle osé dire: Oui, j'ai siégé à l'origine des choses dans les conseils de

Dieu (1). Elle n'y a pas siégé, elle n'y a pas pénétré, car elle n'était pas encore. Elle n'en sait donc rien, elle n'en peut donc rien savoir par elle même. Ici donc encore l'impossibilité est manifeste, entière, absolue.

VI.

IMPOSSIBLE DE SAVOIR PAR LES LUMIÈRES PUREMENT NATURELLES, QUELS SONT LES MOYENS D'ATTEINDRE NOTRE FIN DERNIÈRE.

Nous ne sortons certainement pas du langage philosophique, en appelant Fin dernière, le but ultérieur de notre existence actuelle. Il y a des châtiments réservés aux méchants; il y a des récompenses qui attendent les bons. Éviter les uns, mériter les autres, c'est ce que dans un langage moins complexe, nous entendrons désormais par le terme simple et connu de Fin dernière, dont le sens plus facile à saisir est au fond identique à celui de la double proposition qu'il remplace.

Nous disons donc qu'il doit y avoir des moyens

(1) O altitudo divitiarum sapientiæ et scientiæ Dei: quam incomprehensibilia sunt judicia ejus et investigabiles viæ ejus! Quis enim cognovit sensum Domini, aut quis consiliarius ejus fuit? (Rom. xi, 33, 34).

déterminés pour atteindre notre fin, et que ces moyens, notre raison naturelle ne nous les fait pas connaître, au moins suffisamment.

D'abord, il est bien évident que si, comme l'enseigne la foi catholique, notre fin dernière appartient à l'ordre surnaturel, nous ne pouvons pas y parvenir avec les seules ressources de la nature. La preuve de cette vérité ressort des expressions mêmes dont on se sert pour la rendre. La nature comme telle est nécessairement et toujours audessous de tout état surnaturel. Inutile d'insister.

Or, nous venons de voir que sur cette question première, la raison est impuissante à donner une réponse quelconque, quant à la nature du but qu'il s'agit d'atteindre. Elle est donc impuissante aussi à déterminer les moyens pour y parvenir. Il semble que déjà cette démonstration est complète.

Toutefois nous voulons la mettre plus en jour par un nouveau retour sur nous-mêmes, ou, si on l'aime mieux, par une nouvelle étude psychologique.

Il y a en nous des contradictions et des combats, dont le dogme catholique rend parfaitement raison, et que, sans en bien connaître l'origine, les peuples même païens ont très-distinctement sentis et signalés: Video meliora proboque, deteriora sequor.

L'estime et l'amour du bien moral sont indestructibles en nous, mais la pratique en est com

battue dans notre volonté par des attraits et des penchants qui l'inclinent vers une direction contraire. Ce qui est le plus étrange, surtout quand on n'admet pas l'enseignement catholique, c'est que ces inclinations vers le mal ont naturellement sur nous plus d'empire que les dispositions au bien, tellement que, pour suivre ces dernières, il faut se combattre, et que, pour obéir aux autres, il suffit de se laisser aller.

Lorsque la volonté ainsi assiégée en sens contraire se détermine pour le mal, l'intelligence avertit d'abord et la conscience réclame. Mais si la volonté persévère dans cette déviation, l'âme qui souffre de cette guerre intestine cherche à étourdir ces remords fatigants et à voiler ces importunes lumières. De là les erreurs morales (1); et quand le vice est devenu une habitude, l'erreur elle-même peu à peu devient habituelle; non pas qu'on approuve le vice lui-même, cette aberration complète n'est qu'une exception monstrueuse; mais on l'excuse en soi et pour soi: on appelle doux ce qui est amer et amer ce qui est doux (2); c'est la dépravation personnelle du sens moral, c'est la conscience paralysée (3). Et quand cet abaissement

(1) Hæc cogitaverunt et erraverunt: excæcavit enim eos malitia eorum (Sap. II, 21).

(2) Væ qui dicitis malum bonum et bonum malum: ponentes tenebras lucem et lucem tenebras ponentes amarum in dulce

et dulce in amarum (Is. v, 20).

(3) In hypocrisi loquentium mendacium et cauteriatam habentium suam conscientiam (1 Tim. vi, 2).

intérieur a déprimé tout un peuple, alors les hommes tombent plus bas que leurs passions ellesmêmes les plus dégradantes. Non-seulement ils les aiment et les louent, mais ils les encensent, ils les adorent, ils s'en font des Dieux : Sua cuique Deus fit dira cupido. De là tout le paganisme ancien, de là aujourd'hui encore toutes les mythologies indiennes, etc.....

Quelle honteuse expérience, et ne suffit-elle pas à démontrer que la raison est par elle-même incapable de maintenir l'humanité dans la voie de sa fin dernière? Puisqu'elle n'a pas pu le faire pour le genre humain pendant plusieurs siècles; puisqu'aujourd'hui encore elle ne peut le faire pour plusieurs peuples, n'est-il pas prouvé que cette direction lui est véritablement impossible? Mais revenons au genre de preuves sur lequel nous avons promis de surtout insister.

Aujourd'hui même, en nous, malgré toutes les notions si précises et si abondantes qui lui viennent du Christianisme, la raison humaine n'est-elle pas dans l'impuissance absolue de répondre par ellemême à des questions majeures se rattachant à nos destinées futures?

Ainsi, y a-t-il des devoirs spéciaux à remplir envers Dieu? Quels sont précisément ces devoirs? Quels hommages Dieu créateur exige-t-il de sa créature intelligente et libre? Faut-il seulement un culte intérieur pour reconnaître son domaine

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