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» bonheur de mes peuples, et il est rare peut-êtrc » que l'unique ambition d'un souverain soit d'obtenir » de ses sujets qu'ils s'entendent enfin pour accepter >> ses bienfaits.

» Je vous ordonne, messieurs, de vous séparer tout » de suite et de vous rendre demain matin chacun » dans les chambres affectées à votre ordre, pour y >> reprendre vos séances. J'ordonne, en conséquence, >> au grand maître des cérémonies de faire préparer les » salles. »

XXX.

Après le départ du roi, presque tous les évêques, quelques curés et une grande partie de la noblesse se retirèrent par la même porte qui avait été ouverte pour la cour.

Les autres députés restèrent à leur place, étonnés, incertains de ce qu'ils devaient faire. Ils se regardaient, attendant un avis qui terminât leur irrésolution.

Mirabeau se leva.

<< Messieurs! » s'écria-t-il, « j'avoue que ce que » vous venez d'entendre pourrait être le salut de » la patrie, si les présents du despotisme n'étaient >> pas toujours dangereux. Quelle est cette insul>> tante dictature? L'appareil des armes, la violation » du temple national pour vous commander d'être >> heureux! Qui vous fait ce commandement? Votre

>> mandataire! Qui vous donne des lois impérieuses? >> Votre mandataire, lui qui doit les recevoir de nous, » messieurs, qui sommes revêtus d'un sacerdoce poli>>tique et inviolable; de nous, enfin, de qui seuls vingt» cinq millions d'hommes attendent un bonheur cer>> tain, parce qu'il doit être consenti, donné et reçu >> par tous. Mais la liberté de vos délibérations est en>> chaînée. Une force militaire environne les états! Où » sont les ennemis de la nation? Catilina est-il à nos » portes? Je demande qu'en vous couvrant de votre

dignité, de votre puissance législative, vous vous >> renfermiez dans la religion de votre serment, et il ne >> nous permet de nous séparer qu'après avoir fait la

>> constitution! >>

Alors M. de Brézé s'avança vers l'Assemblée et prononça quelques mots d'une voix basse et mal assurée. « Plus haut!» lui cria-t-on.

<< Messieurs, »> dit alors le grand maître des cérémonies, «< vous avez entendu les ordres du roi. >>

Mirabeau alors, « Oui, monsieur, nous avons en>> tendu les intentions qu'on a suggérées au roi; et >> vous qui ne sauriez être son organe auprès des » états généraux, vous qui n'avez ni place ni droit » de parler, vous n'êtes pas fait pour nous rappe>>ler son discours. Cependant, pour éviter toute équi» voque et tout délai, je déclare que si l'on vous a » chargé de nous faire sortir d'ici, vous devez de» mander des ordres pour employer la force, car

>> nous ne quitterons nos places que par la puissance >> des baïonnettes! >>

XXXI.

Ces paroles contenaient une révolution. Mirabeau, en les prononçant, sentait la France derrière lui. Un long silence laissa réfléchir l'Assemblée sur leur signification.

Le président Bailly les adopta en se tournant à son tour vers le grand maître des cérémonies.

« L'Assemblée a arrêté hier, » lui dit-il, « qu'elle >> resterait séance tenante après la séance royale. Je »> ne puis séparer l'Assemblée avant qu'elle en ait » délibéré elle-même, et qu'elle en ait délibéré li>> brément.

>>

- Puis-je, monsieur, » demanda le grand maître, « porter cette réponse au roi?

Oui, monsieur,» répondit le président. Un calme majestueux, signe plus menaçant de la force et de l'unanimité de l'Assemblée que de tumultueux murmures, avait accueilli les paroles et les déclarations du roi. On semblait éprouver plus de pitié que d'irritation contre cette démonstration suprême d'une autorité déjà évanouie. Aucune acclamation ne salua le prince à son départ. On attendit même, avec la bienséance de la dignité du peuple et de la dignité du roi, quc le prince fût remonté dans ses voitures,

pour qu'il ne fût pas témoin de la dérision de son autorité. En vain quelques membres du clergé et de la noblesse s'efforcèrent-ils de donner le signal et l'exemple de l'obéissance aux ordres du monarque en quittant avec bruit leurs places et en se retirant sur les pas de la cour. L'Assemblée en masse, immobile et muette, feignit de n'avoir pas même entendu la sommation des ministres. Le serment insurrectionnel du jeu de paume encore sur les lèvres défendait à ceux qui l'avaient prêté de se séparer tant que la constitution ne serait pas établie.

XXXII.

La déclaration royale, bien qu'elle renfermât la plus grande partie des réformes consenties par l'opinion publique, n'était pas une constitution. C'était une volonté personnelle du roi, volonté aussi arbitraire que son pouvoir, aussi précaire que sa vie, aussi révocable que sa pensée. Ce n'était pas pour assister muette et obéissante à une vaine déclaration des intentions du monarque et de ses ministres, que la nation, remuée depuis un demi-siècle dans toutes ses profondeurs et évoquée de toutes ses professions et de tous ses intérêts, avait envoyé l'élite de ses représentants à Versailles. C'était pour discuter avec elle-même et avec son roi les dogmes de sa régénération, pour entrer en possession inamissible des droits

qui parlaient si haut dans son cœur, et pour rapporter aux générations à venir une constitution nationale, pacte immuable du peuple et du roi.

La séparation des états généraux en trois ordres, mentionnée par le roi dans le premier article de sa déclaration, était le déni de cette unité et de cette égalité de la nation, première aspiration du patriotisme et première passion de la France. Ce seul article devait faire rejeter tous les autres, car il était la sanction de la division de l'ordre religieux et féodal que le xvire siècle avait pour mandat de détruire. Une pareille injonction rangeait le roi, révolutionnaire jusque-là, dans le parti de la contre-révolution. La convocation des états généraux, commençant ainsi par la défense de se modifier eux-mêmes et réduits au rôle d'enregistrement des volontés de la cour, était une dérision de la couronne qui ne pouvait être répondue que par la retraite ou par la révolte de la nation. M. Necker, en préparant un tel choc de prérogatives entre le roi et les états généraux, avait montré ou une impéritie bien profonde ou une bien criminelle insouciance de l'autorité du roi. Les ministres qui, en s'emparant de son projet de déclaration, l'avaient encore dénaturé en posant le roi non plus seulement comme arbitre, mais comme parti dans la lutte entre les privilégiés et la nation, avaient aggravé sa faute et compromis la couronne. Mais le plan même non modifié de M. Necker ne pouvait pas avoir un meilleur résultat.

« ÖncekiDevam »