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de l'impéritie des généraux, de l'ébranlement des troupes, de l'unanimité de l'Assemblée, de la toutepuissance de la colère publique dans Paris, pour faire de bien vives objections à une retraite dont la faiblesse du roi leur enlevait l'humiliation en prenant sur lui seul toute la responsabilité du découragement. Ils conservaient, vis-à-vis de leurs partisans, l'honneur d'avoir beaucoup osé, et rejetaient sur les hésitations du prince la honte et le tort de n'avoir rien accompli.

Le château, presque désert et abandonné des courtisans comme un lieu funeste, se tut et resta presque sans direction pendant le reste du jour et pendant la nuit du 13 au 14 juillet. Le comte d'Artois, la reine, leur cour intime, se dérobaient aux regards pour cacher leur douleur et leur défaite. Les rumeurs qui arrivaient coup sur coup de Paris et le retentissement lointain du tocsin sonné toute la nuit dans les clochers de la capitale étaient les seuls bruits entendus dans le palais de Louis XVI. La reine passa cette nuit presque tout entière dans les terreurs, dans les plaintes et dans les larmes d'indignation au milieu de sa cour consternée. Les ministres, frappés d'impuissance et de stupeur, attendaient les événements sans oser les mesurer ni les prévenir. La vie se retirait de l'antique monarchie. Lieux, choses et hommes, tout ce qui s'obstinait à représenter les institutions passées semblait atteint d'avance du froid et de l'immobilité de la mort.

XV.

La même stupeur semblait avoir frappé les généraux. Le baron de Bezenval, après avoir fait replicr la veille ses troupes hors des barrières, s'était concentré au champ de Mars avec trois régiments suisses et deux régiments de cavalerie. Il réunit dans la nuit du 13 au 14 juillet tous les régiments sous ses ordres à l'Ecole-Militaire, pour tenir un de ces conseils de guerre dans lesquels des chefs indécis ou incapables ne cherchent et ne trouvent jamais que l'excuse de leur inaction.

Rien n'y fut résolu que l'irrésolution la plus déplorable pour la cause du roi. Le général se porta de là aux Invalides, édifice fortifié par son isolement, par sa masse, par ses fossés, par sa garnison de vétérans, imprenable à une multitude, si on avait tenté seulement de le défendre. Des canons en couvraient l'esplanade, des munitions et des armes en remplissaient les caves et les arsenaux. M. de Sombreuil, gouverneur des Invalides, était un de ces officiers pénétrés de leurs devoirs, qui meurent à leur poste et qui ne livrent que leur cadavre aux séditions. Prévoyant les sommations qu'on lui ferait de livrer aux citoyens les armes dont il était dépositaire, et pressentant l'indiscipline et la connivence de ses propres vétérans, M. de Sombreuil avait ordonné d'enlever les baguettes et

les batteries de trente mille fusils confiés à sa garde, afin de les rendre inutiles aux insurgés qui tenteraient de s'en emparer. Mais déjà, entraînés secrètement dans la cause du peuple, les invalides chargés d'exécuter cet ordre du gouverneur avaient simulé l'obéissance et démonté seulement quelques centaines de fusils. Les canonniers de l'hôtel, en recevant les cartouches pour défendre au peuple l'accès des cours, avaient fait parvenir par des émissaires aux chefs de la multitude l'assurance qu'ils ne déchargeraient jamais leurs pièces contre leurs concitoyens. L'exemple de la défection des gardes françaises donnait à ces trois mille vétérans l'excuse et l'émulation de la révolte.

XVI.

Le baron de Bezenval, après avoir visité avec M. de Sombreuil les souterrains qui contenaient les armes et contemplé de ses propres yeux la physionomie suspecte de ceux qui devaient les défendre, écrivit au maréchal de Broglie, à Versailles, une dépêche pleine de doute et de découragement. Il ne sut pas même profiter de la nuit et des rues encore libres pour envoyer à la Bastille, citadelle imprenable du nord de Paris, des détachements capables de la défendre. Il poussa la mollesse et la timidité jusqu'à recevoir dans l'intérieur des Invalides des députa

tions de citoyens qui venaient réclamer pour euxmêmes les armes réservées à l'armée et préparées pour les combattre. Le général en chef répondit à ces députations impérieuses qu'il n'osait pas prendre sur lui de leur livrer immédiatement ce dépôt, mais qu'il allait écrire au maréchal de Broglie pour lui demander ses ordres en lui communiquant leurs désirs. Ainsi le chef des troupes chargées de contenir ou de dompter la capitale négociait lui-même avec les chefs du peuple pour livrer à la ville les armes de ses soldats. Le baron de Bezenval, un des favoris du comte d'Artois et de la reine, était cependant un des généraux qui, par ses opinions et par ses jactances, inspirait le plus de confiance au parti de la contrerévolution à Versailles homme de cour, d'intrigue et de boudoir, qui n'avait de vigueur que dans les conciliabules des courtisans. Les députés se retirèrent, certains de l'intimidation du général et de la complicité des soldats.

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XVII.

A l'aube du jour, un homme affidé, envoyé au baron de Bezenval pour porter l'effroi dans son âme, se fit introduire d'autorité chez le général comme pour lui révéler un renseignement important. « N'es»sayez pas, » dit l'inconnu au commandant en chef de l'armée de Paris, « une résistance inutile aux

>> volontés du peuple. Sachez que l'insurrection una>> nime entraînera jusqu'à vos soldats. Aujourd'hui, >> avant que peu d'heures soient écoulées, les bar>> rières de Paris seront toutes brûlées. Je n'y puis >> rien, ni vous non plus. Gardez-vous d'y mettre >> obstacle! vous sacrifieriez des hommes sans étein» dre une torche. >>

XVIII.

Après avoir jeté par ces paroles la consternation dans l'âme du général, l'inconnu se retira. « Je ne » sais ce que je lui répondis, » écrivit plus tard le faible général. « L'inconnu pâlit de rage. J'aurais dû >> le faire arrêter; je n'en fis rien. »>

Ce dialogue entre le général des troupes du roi et le parlementaire impuni de la capitale annonçait assez d'avance les désastres de la journée qui allait se lever sur la cour. Rentré à l'École-Militaire, le baron de Bezenval rassemble un autre conseil de guerre pour couvrir son découragement de l'opinion de ses lieutenants. Ils s'accordèrent tous à déclarer l'attaque sur Paris ou la résistance dans leur position actuelle impossibles; ils rejetèrent leur propre ébranlement sur l'ébranlement de leurs soldats, travaillés, disaient-ils, par les embauchements et les corruptions de la capitale. Le général envoya un second courrier au maréchal de Broglie, pour lui faire part

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